Intervention de Lionel Guérin

Réunion du 12 février 2013 à 17h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Lionel Guérin, président du nouveau pôle régional d'Air France, « Hop ! » :

Je regrouperai mes réponses en fonction des thèmes évoqués.

« Hop ! » est née de la synergie de Brit Air, Regional et Airlinair. Brit Air et Regional exploitaient un réseau affrété pour Air France et franchisé : l'expression « by Air France » sera simplement remplacée par celle de « for Air France », surmontée du nom de la compagnie.

La diminution des routes est liée au plan Transform 2015. « Hop ! » conservera le réseau existant, y compris les routes déficitaires, avant d'étudier les réactions de la clientèle. Il n'y a donc pas de diminution du nombre de routes ; certaines sont créées, comme Strasbourg-Montpellier ou Montpellier-Lille. C'est la fréquence des liaisons qui nous distingue des compagnies low cost : trois allers-retours quotidiens, contre trois à cinq vols par semaine pour celles-ci.

La première solution, pour Air France, aurait pu consister à se séparer des trois compagnies régionales. Mais le hub doit être alimenté avec de petits flux, les Airbus étant trop volumineux pour beaucoup de routes : 35 ou 36 avions amèneront des clients à la compagnie nationale tous les jours, pour des vols long courrier, depuis la France ou l'Europe. Par ailleurs, le marché intérieur – qu'il s'agisse des lignes régionales, moyen ou long courrier – représente la moitié du chiffre d'affaires d'Air France : le maintien des compagnies régionales est donc un enjeu stratégique pour le groupe. Enfin, 3 500 emplois sont en jeu, et leur maintien est une priorité, comme l'a rappelé Alexandre de Juniac.

L'autre solution était de fusionner les trois compagnies régionales ; mais les accords d'entreprise, les appareils et l'informatique sont différents ; en somme, le point commun est la clientèle. Le choix s'est donc porté sur un « business unit » préservant les éléments essentiels de chacune des trois entités : sécurité, qualité de service, ponctualité, régularité, opérations aériennes, opérations au sol et maintenance. Pour cette dernière, il n'y a pas de sureffectifs : des synergies seront réalisées, qui permettront d'assurer l'entretien des avions ATR à Clermont-Ferrand, à Morlaix, à Lille et à Lyon. S'agissant de l'exploitation, les opérations aériennes feront également l'objet de synergies. La mise en commun portera sur le programme, le marketing, le volet commercial, le management – avec un président et trois directeurs généraux –, les achats, la gestion de la flotte et la trésorerie. Enfin, une forte synergie sera rendue possible avec Air France pour la commercialisation dans les territoires.

Sur le plan social, la baisse d'activité sur les affrètements entraînera 190 suppressions de poste, dont 106 postes de pilote – 53 pour Regional, 47 pour Brit Air et 6 pour Airlinair – 34 postes de personnel navigant commercial et 50 postes de personnel au sol – les 50 postes créés au sein de « Hop ! » compensant pour moitié les 100 postes supprimés au niveau d'Air France. Des accords ont été signés avec les partenaires sociaux chez Airlinair et les négociations sont en cours chez Brit Air ; elles devraient aboutir à la mi-mars. Chez Regional, nous avons dénoncé les accords concernant les pilotes et les hôtesses ; il reste quinze mois pour trouver un terrain d'entente. Les suppressions de postes se font sur la base de départs volontaires, selon la règle appliquée à Air France dans le cadre du plan Transform 2015.

Sans cette réforme rapide, rendue nécessaire par le contexte économique national et européen comme par la concurrence des compagnies low cost, beaucoup plus d'emplois auraient été menacés. Je rappelle au demeurant que « Hop ! » n'est pas une compagnie low cost, tout d'abord parce qu'elle exploite des avions de moins de 100 sièges, compte tenu de ses fréquences plus élevées. « Hop ! » est ce qu'il est convenu d'appeler une compagnie value cost, selon le modèle suivi par Lufthansa avec Germanwings, ou par d'autres compagnies au Brésil et en Asie. Pour les flux moins importants, mais fréquents, nous disposons d'appareils de 130 sièges, et même de 170 sièges chez Air France et 189 sièges chez Transavia. Vers des villes comme Aurillac, Rodez ou Brive, qu'il s'agisse de déplacements professionnels ou de loisir, la fréquence reste élevée.

Notre tarification n'est certes pas assimilable à du low cost ; au demeurant, si les compagnies low cost annoncent parfois des prix proches de zéro, ces derniers constituent des prix d'appel, que nous avons fixés, pour notre part, à 55 euros : le prix moyen sera plus élevé, le barème progressant à mesure que l'achat s'effectue plus près de la date de départ. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le prix moyen du billet chez EasyJet, Ryanair et Vueling approche les 100 euros, même si ces compagnies ne sont guère transparentes en la matière. Air France appliquait la même logique, mais en partant de prix plus élevés pouvant faire l'objet de réductions, si bien que, pour les vols moyen-courrier, les prix se rejoignaient souvent, dans une tranche comprise entre 100 et 130 euros.

Avec la présente réforme, nous avons fait le choix de la transparence : le prix minimal est un prix low fair, qui ne correspond pas forcément à l'horaire souhaité. Du point de vue économique, nous sommes producteurs de sièges : ceux d'entre eux qui restent non utilisés ne sont pas stockés ; ils sont, en quelque sorte, « détruits ». En d'autres termes, nous sommes obligés d'assurer le meilleur taux de remplissage de nos appareils, tout en optimisant la recette.

Le modèle du value cost – « juste prix », en français – revient à afficher le plus bas prix en première page et les autres prix, incluant options et services, dès la deuxième page. Les trois compagnies régionales continueront d'exploiter des heures de vol et maintiendront leur nombre de sièges, pour des raisons qui tiennent à la qualité du service et à la nécessité de répondre au plus vite, sans passer par des négociations, aux besoins de nos clients et à la concurrence des compagnies low cost. Pour Transavia, « Hop ! » et Air France, il s'agit en effet d'offrir des liaisons fréquentes, les Airbus du groupe étant dévolus aux flux les plus importants, avec les navettes entre Paris, Toulouse, Marseille, Bordeaux et Nice. « Hop ! « opérera sur des flux de moindre importance, et Transavia devra contrer les compagnies low cost sur le marché des déplacements de loisir. Le développement de ces compagnies sur ce marché s'apparente en effet à une bicyclette qui doit avancer pour ne pas tomber : les compagnies low cost commencent donc à capter une partie de la clientèle des déplacements d'affaires, d'où le déficit de quelque 500 millions d'euros qu'Air France accuse pour les vols court et moyen-courrier.

On m'a interrogé sur la réglementation européenne. Il faut savoir que le salaire en France des personnels navigants commerciaux de la compagnie Volotea inclut certaines cotisations sociales, mais pas les taxes dévolues, par exemple, à la formation. Au surplus, ces personnels sont payés au SMIC, à raison de 90 heures par mois. Cette forme de concurrence déloyale, via une délocalisation inversée, rappelle un peu celle du plombier polonais avec la directive Bolkestein. Le combat est difficile, mais nous devons le mener dès à présent. Pour ce faire, nous offrons un service bien plus fréquent, comprenant de deux à cinq allers-retours quotidiens, contre quelques vols hebdomadaires pour les compagnies low cost. La concurrence a eu la vertu de nous faire réagir, certes, mais il ne faut pas être naïf s'agissant de certaines pratiques.

Par ailleurs, la crédibilité de nos offres est contrôlée en permanence par les consommateurs. C'est évidemment une bonne chose, mais il n'en va pas de même pour nos concurrents, dont le siège social est à l'étranger. Si nous faisions des publicités comparables aux leurs, nous nous exposerions à des sanctions.

Ces faits expliquent que, de 2000 à 2010, notre compagnie ait perdu tous les ans 1 % de parts de marché en France, passant de 58 % à 48 %. En 2011, la perte est même montée à 2 %. Faute de réaction, c'est l'ensemble du pavillon français qui, à une échéance de cinq ou dix ans, aurait vu sa part réduite à une quantité négligeable, à l'instar de ce qui s'est produit pour les transports maritime et routier.

Nous étions favorables à l'ETS, à condition qu'il soit appliqué partout dans le monde. Il faut aussi vérifier que de telles mesures auront un réel impact pour la planète. Je suis personnellement un écologiste convaincu, mais non un spécialiste en la matière : sur le bilan carbone, le cabinet Carbone 4 nous aide à trouver des solutions qui ne soient pas de fausses bonnes idées, comme celle qui consisterait, par exemple, à remplacer le support papier par la dématérialisation, alors que l'informatique représente de 2 à 3 % des émissions de CO2 dans le monde, soit autant que le transport aérien. Il existe un vrai engouement, au sein de nos équipes, pour ces objectifs qui, d'ailleurs, contribuent à réduire nos coûts.

La hausse du prix du carburant est évidemment préoccupante. Elle appelle en premier lieu des pilotages éco-responsables, qui s'apparentent à ceux d'une simple voiture, par exemple pour les temps de freinage. La deuxième piste est d'assurer le meilleur taux de remplissage de nos avions, et la troisième réside dans l'utilisation de moteurs plus économes, pour autant, bien entendu, que nous ayons les moyens de les acheter : en ce sens, la fiscalité doit être conçue comme une aide à l'investissement.

Une ligne aérienne entre Paris et le Jura, pour deux heures de trajet, n'est malheureusement pas envisageable. La règle n'a pas changé depuis l'époque d'Air Inter : les parts de marché respectives de l'aérien et du rail suivent une courbe qui dépend du temps de trajet. Si celui-ci est inférieur à deux heures et demie, il doit être réservé au rail. Pour n'être pas déficitaires, les hubs doivent accueillir autant de clients en correspondance que de clients au départ. Seuls les aéroports de Charles-de-Gaulle et de Lyon tirent leur épingle du jeu, compte tenu de la puissance économique des régions Île-de-France et Rhône-Alpes. Il faut savoir que le prix d'un tronçon Strasbourg-Roissy ou Strasbourg-New York est quasiment le même. Notre compagnie doit donc procéder à des arbitrages permanents, afin de préserver les équilibres sur les moyen et long-courriers. La ligne de TGV est d'ailleurs bénéfique, puisqu'elle achemine des clients jusqu'à Roissy.

Depuis 2002, la desserte d'Aurillac est en augmentation croissante. Elle relève d'une délégation de service public (DSP), et en l'occurrence d'un appel d'offre européen. Par ailleurs, c'est le passager aérien qui assume le financement de l'État, puisque celui-ci intervient à travers le FIATA, abondé par la taxe de l'aviation civile. À ce financement s'ajoute la participation des collectivités. En 2004, le coût lié à la perte d'exploitation sur la ligne Paris-Aurillac, par le train de nuit, s'élevait pour la SNCF à 10 millions d'euros. Cette ligne transportait quelque 10 000 passagers par an. Or 20 000 passagers empruntent la ligne aérienne d'Aurillac, qui bénéficie de 2 millions d'euros de subventions. Le choix fait à l'époque par le ministère des transports s'explique par le fait que les trains, d'une capacité totale de 500 places, n'étaient remplis qu'à 10 %. La desserte d'Aurillac continuera d'être assurée par « Hop ! », d'autant que les communications depuis l'Île-de-France, jusqu'à présent assurées par Airlinair, seront mieux connues, notamment par la clientèle touristique. La météo nationale présente souvent des prévisions pour le Cantal, ce serait particulièrement bienvenu de faire à ce moment-là de la publicité pour l'aéroport d'Aurillac.

Les aides des collectivités ne nous posent pas de problème dès lors qu'elles permettent des investissements transparents ; en l'occurrence, le modèle économique de Ryanair soulève des interrogations. L'on peut ouvrir de nouvelles lignes, si c'est dans le cadre de l'application transparente de directives européennes ; or, force est de constater que ce n'est pas le cas à l'heure actuelle.

Nous conserverons le réseau existant, en analysant l'évolution du marché lors de l'été 2013, afin, le cas échéant, de fermer des lignes trop déficitaires ou, si la chose est possible, d'augmenter la fréquence et d'offrir de nouvelles lignes à la clientèle. Nous devons être plus réactifs qu'avant et entrer dans une vraie logique d'entreprise. Les compagnies low cost drainent de gros flux : au vu de leur maillage territorial partout dans le monde, il y a une place pour un transport régional.

La décision de supprimer des postes, jamais agréable, résulte de la suppression de lignes trop déficitaires. Elle touche alors les personnels navigants : les postes techniques sont maintenus et des synergies sont réalisées, comme je l'ai indiqué, pour les personnels au sol. Aucune impasse sur la sécurité, faut-il le préciser, n'est envisageable ; au reste, je ne pense pas que les compagnies low cost en fassent : le sujet est trop grave. En tout état de cause, la création de la nouvelle compagnie nous permettra d'assurer une qualité de service, en matière de ponctualité comme de régularité, et de mettre en commun un certain nombre de moyens. Ainsi, 12 de nos 98 avions pourront tourner afin de pallier les incidents d'exploitation et les pannes que l'on a pu observer, par exemple à Aurillac, même si l'aéroport est aussi en cause.

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