Intervention de Pierre Morel-A-L'Huissier

Réunion du 13 février 2013 à 10h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Morel-A-L'Huissier :

La prolifération des normes est un sujet récurrent depuis une vingtaine d'années. Le Conseil d'État a été le premier, en 1991, à poser le diagnostic en mettant en lumière les conséquences de ce phénomène en termes d'intelligibilité et de crédibilité du droit, de sécurité juridique et de coût pour les personnes morales et physiques, publiques et privées, qui doivent appliquer ces normes.

Les règles sont surabondantes, pas toujours en adéquation avec les spécificités locales, et elles freinent parfois la réalisation de certains projets. Il arrive même que le pouvoir réglementaire n'hésite pas à aller au-delà des dispositions législatives en imposant des contraintes supplémentaires.

Une grande partie de la population qui vit hors des pôles urbains, ainsi que les collectivités locales au sein desquelles elle réside, croulent sous le poids de contraintes démesurées par rapport à leurs besoins, à leurs conditions de vie et à leurs capacités financières. La multiplicité des normes générant la complexité de leur application, les 29 300 communes rurales sont souvent confrontées à un déficit d'expertise et la population concernée rencontre un réel problème de lisibilité des normes.

Paradoxalement, le principe d'égalité devant la loi tend peu à peu à devenir un facteur d'inégalité, voire d'iniquité. Dans le même temps, le principe d'équilibre est rompu sur le plan territorial en raison des contingences spécifiques à l'espace rural.

Trois rapports ont indiqué les conséquences de l'inflation normative. Le rapport Belot a posé le diagnostic pathologique d'une « maladie de la norme », le rapport Doligé a montré qu'il y avait des solutions pour simplifier les normes applicables aux collectivités et la mission sur la simplification des normes au service du développement des territoires ruraux, que j'ai eu l'honneur de présider, a présenté l'impact de ces normes sur lesdits territoires.

Le stock des normes applicables est devenu aujourd'hui insupportable pour les personnes publiques et privées devant mettre en oeuvre ces normes et les dispositifs qui ont été proposés – Commission consultative d'évaluation des normes, Commissariat à la simplification et moratoire sur l'édiction des normes réglementaires – ont montré leurs limites.

Face à ce problème croissant et persistant, il est indispensable de trouver des solutions et d'apporter des réponses aux territoires et aux élus.

Ma proposition de loi proposait l'instauration d'un principe d'adaptabilité ou de proportionnalité. Celle qui nous est proposée aujourd'hui, issue des travaux de M. Doligé, est privée de ce principe qui en faisait la substance. Le 5 octobre, le président de la République a rappelé devant le Sénat qu'il fallait s'occuper des normes et de ce principe. Comme l'a rappelé le rapporteur, diverses propositions de loi ont été déposées – celle de Mme Gourault et de M. Sueur et celle de M. Doligé – et une mission sur la simplification a été confiée à Jean-Claude Boulard et Alain Lambert. Selon l'avant-projet gouvernemental sur la décentralisation, la loi introduit un principe général de proportionnalité des normes concernant les collectivités territoriales. Ces dispositions fondent une habilitation générale du législateur au pouvoir réglementaire afin que, dans le silence de la loi, ce dernier ait la possibilité de décliner les modalités réglementaires d'application des lois concernant les collectivités territoriales sur la base de critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objet de la loi et sans remettre en cause ses objectifs.

Aujourd'hui, malgré les « problèmes constitutionnels » évoqués par Olivier Dussopt durant la discussion de ma proposition de loi, les choses avancent – mais à petits pas, et je le regrette. J'avais suggéré au président de la commission des Lois la création d'une mission chargée d'étudier le principe juridique de proportionnalité ou d'adaptabilité. Je propose aujourd'hui de reprendre les termes de ma proposition de loi, en en corrigeant quelques imperfections de rédaction. Sans doute la Commission devrait-elle se saisir de l'aspect proprement juridique de la question afin de proposer une rédaction instaurant un nouveau principe d'adaptabilité fondé sur des critères objectifs.

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