Je remercie la commission du développement durable de son invitation. Nous sommes honorés d'inaugurer ces relations entre l'Assemblée nationale et le Conseil afin que les deux institutions puissent partager leurs réflexions.
L'efficacité énergétique peut être définie comme une consommation moindre pour un même service rendu. Notre rapport n'envisage pas la question de la sobriété énergétique, sujet beaucoup plus complexe, même si conseil national du débat sur la transition énergétique comprend un groupe de travail « efficacité et sobriété ». Il n'aborde pas non plus le domaine du transport, privilégiant les secteurs du bâtiment et de l'industrie : cette question nécessiterait des développements spécifiques, concernant notamment l'urbanisme.
Le paquet énergie-climat assigne l'ambition de 20 % d'économie d'énergie d'ici 2020 par rapport à 1990, mais c'est le seul objectif non contraignant du droit communautaire. En outre, le Grenelle de l'environnement a permis une avancée importante concernant le bâtiment. Le Parlement devra transposer la directive européenne sur l'efficacité énergétique dans un délai assez bref, selon le voeu du Président de la République. Enfin, un débat national sur l'énergie est en cours, un projet de loi de programmation étant annoncé pour l'automne.
L'efficacité énergétique constitue un objectif important : si nous parvenons à économiser 20 % d'énergie et si les perspectives du Grenelle sont atteintes, elle sera, de fait, notre première source d'énergie. Les gains réalisés permettront d'équilibrer l'offre et la demande futures. Le CESE considère, en effet, que le débat sur l'énergie doit se fonder sur la demande car son nécessaire équilibre avec l'offre oriente nos choix en matière de production.
Nous avons essayé d'identifier les conditions permettant d'atteindre les objectifs très ambitieux que la France s'est assignés. Il convient, tout d'abord, de considérer que l'efficacité énergétique constitue une filière d'avenir riche de nombreux nouveaux métiers. En outre, nous devons nous inscrire dans une vision à long terme, à l'horizon de 2050, en tenant compte de la progressivité des efforts. Nous ne partons pas de rien – le Grenelle de l'environnement constitue un acquis – même s'il nous reste à transposer la directive sur l'efficacité énergétique, dont l'enjeu est considérable. Enfin, il faut donner des signaux politiques forts et stopper les « contre-signaux » : l'augmentation de la TVA, par exemple, a fortement interpellé.
Je me propose de vous présenter rapidement les éléments de notre avis sur le bâtiment, la précarité énergétique et l'industrie. Nous avons également traité les questions liées à l'agriculture et à l'outre-mer.
Le bâtiment tertiaire représente 44 % de la consommation énergétique, 850 millions de mètres carrés, et 33 millions de logements dont 4 millions considérés comme très énergivores. J'attire votre attention sur le fait que les trois quarts du parc de 2050 sont déjà construits, ce qui témoigne de la centralité de la rénovation.
Le Grenelle de l'environnement demande des efforts portés à hauteur de 12 % par le secteur des transports et de 88 % par celui du bâtiment. L'industrie n'a pas été concernée. 400 000 logements doivent être rénovés chaque année, chiffre que l'actuel Gouvernement a porté à 500 000, mais 160 000 rénovations seulement ont eu lieu en 2011. Nous essayons d'examiner les conditions dans lesquelles cet écart pourrait être comblé.
S'agissant de l'emploi, nous avons interrogé plusieurs acteurs. Alain Grandjean, de Carbone 4, a fait état de 100 000 à 150 000 créations ; Cécile Duflot a, quant à elle, évoqué le chiffre de 75 000 nouveaux emplois. Nous demandons une étude macro-économique permettant d'envisager précisément les gains escomptés. Il y en aura forcément, mais il faut reconnaître que les données sont jusqu'ici assez variables.
Nous avons également formulé des propositions concrètes. L'efficacité énergétique est une priorité nationale : nous recommandons d'abaisser le taux de TVA à 5 % car c'est un bien de première nécessité. Nous connaissons évidemment l'état des finances publiques mais nous souhaitons susciter la discussion. Le précédent Gouvernement a fait passer le taux applicable de 5,5 % à 7 % et il est désormais question de le porter à 10 %. Les professionnels du bâtiment ne comprennent pas cette nouvelle hausse qui provoquerait des destructions d'emplois et qui, de surcroît, contredit le propos du Président de la République lors de la Conférence environnementale selon lequel la rénovation thermique aurait rang de priorité. Telle est la position, en l'occurrence très consensuelle, de la société civile qui ne comprend pas l'objectif politique présidant à cette hausse de la fiscalité.
Nous considérons qu'il faut favoriser la coopération entre les professionnels de la filière, depuis la conception des matériaux jusqu'à la gestion énergétique des bâtiments. Cela suppose que l'ancien et le neuf travaillent mieux ensemble et que nous réfléchissions à la maîtrise des coûts par rapport à nos voisins.
Il importe aussi de définir rapidement les normes applicables dans le tertiaire. La loi Grenelle a prévu une obligation de rénovation mais les décrets définissant sa nature et son contenu sont toujours en souffrance. Il en résulte un blocage et un manque de confiance entre les différents acteurs. Je rappelle que la directive sur l'efficacité énergétique imposera un certain nombre de remises à niveaux sur les bâtiments publics. Nous avons insisté sur ce point parce que l'ampleur du secteur tertiaire doit servir d'amorce au mouvement de rénovation. Si l'État ne se l'impose pas à lui-même, il sera bien difficile de convaincre les particuliers. Des concertations ont eu lieu dans le cadre du plan Bâtiment du Grenelle sur le caractère plus ou moins ambitieux des normes. Mais il importe d'enfin lancer l'effort de rénovation.
En outre, nous proposons de développer l'efficacité active, c'est-à-dire la gestion intelligente des bâtiments. Jusqu'à présent, nous nous sommes focalisés sur la rénovation – certes essentielle – du bâti. Mais en quatre ou cinq ans, grâce au progrès technique, la situation a considérablement évolué. Lors du débat sur la transition énergétique, les professionnels ont fait état d'économies évaluées entre 19 % et 28 % avec des investissements moins lourds et des temps de retour plus rapides. Il serait dommage de ne pas travailler sur l'efficacité active alors qu'elle génère des gains conséquents.
Il convient également de tendre vers une garantie de performance des travaux. Nous avons le sentiment que rien ne se fera efficacement sans que les particuliers soient certains de profiter justement des investissements réalisés. Des débats ont eu lieu, là encore, dans le cadre du plan Bâtiment du Grenelle ; des propositions de garanties de performances intrinsèques ont été formulées. Mais la situation n'évoluera positivement, je le répète, que si les particuliers sont assurés que les investissements qu'ils ont consentis seront assortis de gains mesurables. Si tel n'est pas le cas, la machine demeurera grippée. Des contrôles doivent être menés ; leurs modalités restent à définir.
La formation des professionnels constitue un enjeu majeur. À l'instar de l'ensemble des formateurs, nous promouvons une approche globale multi-métiers. Là encore, je vous renvoie aux travaux du plan Bâtiment du Grenelle. Le programme Formation aux économies d'énergies des entreprises et artisans du bâtiment (FEE Bât) fonctionne bien même si toutes les personnes qui devaient le suivre n'ont pas participé. Parce que la rénovation des bâtiments doit évidemment se faire avec les artisans, nous insistons pour le maintien de ce programme, financé à 50 % par la profession et 50 % par EDF dans le cadre des certificats d'économies d'énergie (CEE).
Nous souhaitons réaffirmer l'éco-conditionnalité des aides publiques, le précédent gouvernement ayant annoncé que l'éco-PTZ ne devait être accordé que pour des travaux réalisés par des entreprises reconnues Grenelle de l'environnement (RGE). Cela incite les professionnels à se former. Faute d'un tel mécanisme vertueux – il avait été question du 1er janvier 2014 mais nous verrons ce qu'il en est du nombre d'artisans concernés –, les difficultés demeureront.
Il importe d'impliquer et d'informer les citoyens, notamment sur les avancées en cours : compteurs électriques communicants Linky à généraliser même si un problème de financement persiste ; projet similaire Gazpar, sur lequel travaille l'ADEME, concernant 11 millions d'abonnés à la distribution de gaz ; répartition des charges de chauffage dans les copropriétés, dont une directive européenne impose la généralisation d'ici 2017, alors que 10 % seulement des copropriétés en bénéficient aujourd'hui.
La qualité du diagnostic de performances énergétiques (DPE) a fait l'objet de critiques très vives lors du débat de la proposition de loi (PPL) sur la tarification progressive de l'énergie. Il nous semblerait plus judicieux de mettre en place un « DPE + » exprimé en euro par mètre carré pour clarifier les consommations effectives.
Enfin, si l'appréciation des membres du CESE diverge quant à la tarification progressive de l'électricité et du gaz, ils ont unanimement considéré que le mécanisme prévu dans le texte actuellement en navette, même rectifié, ne permettrait pas d'atteindre les objectifs souhaités et qu'il remettrait même en cause les exigences de justice sociale.