Intervention de Jacky Chorin

Réunion du 13 février 2013 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jacky Chorin, rapporteur du Conseil économique, social et environnemental sur l'efficacité énergétique :

Pour une première audition, nous ne pouvons que nous féliciter de l'intérêt que vous portez à nos travaux. Nous répondrons à partir du travail que nous avons réalisé et nous serons sans doute amenés à exprimer des points de vue plus spécifiques mais, dans ce cas-là, avec la prudence requise puisque nous portons avant tout un travail voté par le CESE.

Précisément, ce travail n'est pas un rapport mais un avis d'une cinquantaine de pages, aussi pédagogique que possible, à propos d'un thème sur lequel on a parfois tendance à asséner quelques vérités. Nous avons veillé à ce que l'immense majorité du CESE s'y reconnaisse tout en livrant à la puissance publique des éléments de réflexion pour éclairer ses choix. Nous avons donc été contraints de limiter tel ou tel développement, ce qui n'aurait pas été le cas dans le cadre d'un rapport.

J'ajoute que lorsque nous avons lancé ce travail, en janvier 2012, tout le monde a regardé avec de grands yeux, y compris au sein de la section des activités économiques du CESE, en se demandant ce que pouvait bien être l'efficacité énergétique. Je constate avec plaisir que ce sujet a désormais mûri.

Les questions de l'efficacité et de la transition énergétiques peuvent être traitées séparément mais, quoi qu'il en soit, il existe des engagements européens politiques – et non juridiques – en matière d'efficacité énergétique. La transition et les bouquets dépendent des États et des citoyens. L'efficacité énergétique devra donc être réalisée indépendamment des choix effectués par ailleurs.

Ma collègue se chargera de répondre aux questions concernant les financements mais je précise d'ores et déjà que nous avons tenu à faire état des ordres de grandeur afin de signifier, en termes diplomatiques, que rien ne sera simple.

Je répète que la question des transports est centrale et qu'elle est évidemment liée aux problèmes d'urbanisme et, plus particulièrement, d'étalements urbains. J'ajoute que la réforme constitutionnelle permet à l'Assemblée nationale de saisir le CESE et que vous pouvez le faire si vous jugez qu'il peut être utile à votre réflexion.

Il est vrai que la dimension européenne est insuffisamment mise en avant. Néanmoins, nous avons commencé notre propos en mentionnant l'objectif de 20 % d'économie d'énergie contenu dans la directive ainsi que le Grenelle de l'environnement, sur lequel nous avons un point de vue équilibré : il convient de s'appuyer sur l'atout qu'il représente mais nous avons rendu un avis pointant un certain nombre d'insuffisances, parfois importantes, quant à ses applications. Tel est le fruit de nos réflexions collectives, en plus de l'excellent rapport de notre collègue Pierrette Crosemarie, à l'occasion duquel M. Pancher a été auditionné, et qui reflète le consensus des acteurs de la société civile.

Cet aspect européen est d'autant plus important que le Président de la République a demandé une transposition rapide de la directive, laquelle formule des d'objectif extrêmement structurants, en particulier s'agissant des bâtiments publics. Son impact est important même si certains auraient souhaité qu'elle aille plus loin encore. Il vous appartiendra de définir les modalités législatives de cette transposition mais, quoi qu'il en soit, un engagement a été pris lors de la Conférence environnementale pour des délais raccourcis.

S'agissant de la gouvernance et du travail de l'ensemble des acteurs publics, nous n'avons pas souligné toutes les difficultés. Je constate simplement que des élus locaux ont soulevé la question du financement des engagements pris dans le cadre du Grenelle en termes de travaux dans le tertiaire public et privé. Les maires de l'Association villes et banlieues de France ont fait état de 50 milliards d'euros, soit six milliards par an. Cette question est évidemment déterminante.

Certains, parmi nous, considèrent que les normes doivent être d'emblée ambitieuses afin de les rendre aussi intangibles que possible ; d'autres jugent qu'il est préférable de pouvoir les modifier sans quoi le mécanisme peut se bloquer. Nous avons finalement privilégié leur caractère raisonnable pour être accessible, quitte à les revoir régulièrement. Parmi nos propositions figure en effet la réévaluation régulière de ces politiques, comme vous le faites à l'Assemblée nationale, afin de vérifier si les normes doivent être augmentées ou abaissées. En revanche, il est certain que rien ne se passera si la situation ne change pas pour le tertiaire public et privé. Je le répète : je ne vois pas comment il sera possible de demander à des particuliers de se lancer dans des rénovations si l'État lui-même ne se montre pas proactif. Or la circulaire sur l' « État exemplaire » en matière de bâtiment reste peu appliquée voire ignorée. Au dogmatisme qui consiste à se demander si l'on doit aller trop loin ou non, nous opposons le pragmatisme qui mesure les difficultés rencontrées afin de pouvoir avancer.

Lors de nos premiers contacts avec la CAPEB, nous étions loin d'être optimistes. Nous avons dit aux artisans que, s'ils ne se mettaient pas en ordre de bataille pour assurer un niveau de qualité et, à terme, s'engager sur des garanties de performance, ce marché leur échapperait. Nous tenons beaucoup à la formation FEE Bât. S'ils ne se mobilisent pas, les artisans deviendront les sous-traitants de grosses structures alors qu'à ce jour, 98 % des entreprises du bâtiment sont composées de moins de dix salariés. Nous ne sommes pas complètement optimistes, mais tout de même plus aujourd'hui qu'au début de nos travaux.

En ce qui concerne le monde agricole, nous ne nous sommes pas livrés à une règle de trois pour consacrer tant de pages aux 3 % qu'il représente. Toutefois, nous avons formulé un certain nombre de propositions. Nous n'avons pas traité la transition énergétique et la méthanisation car elles relèvent de l'audition de M. Jean Jouzel et Mme Catherine Tissot-Colle, mais nous avons pointé plusieurs difficultés dont celle concernant les 100 000 DPE qui devaient suivre le Grenelle de l'environnement et qui sont loin d'avoir été effectués, probablement pour des raisons de financement. J'ajoute que nous avons travaillé avec le groupe agricole du CESE et que les agriculteurs ont voté notre avis.

En ce qui concerne RTE, il conviendra également que vous interrogiez M. Jean Jouzel et Mme Catherine Tissot-Colle sur cette question.

La proposition d'augmentation de la TVA est survenue pendant le déroulement de nos travaux. Nous avions prévu de dire que ce n'était déjà pas une bonne idée de l'avoir déjà augmentée auparavant. Les acteurs concernés nous expliquent que cette nouvelle hausse détruira des emplois alors que, dans le bâtiment, le seul secteur qui en gagne est celui de l'efficacité énergétique. À l'exception d'une organisation qui n'a pas voté notre avis, précisément en raison de cette question de la TVA, nous avons tous considéré qu'un problème de lisibilité se pose quant aux actions envisagées. Ensuite, ce n'est évidemment pas à nous de présider aux arbitrages. J'ai toutefois compris qu'un certain nombre d'évolutions se feront jour, notamment en ce qui concerne les logements sociaux. À titre personnel, je considère qu'un ciblage des opérations les plus efficaces pourrait sans doute constituer une piste. Nous avons également estimé que l'éco-PTZ et le crédit d'impôt développement durable (CIDD) devraient être recentrés pour plus d'efficacité.

Soucieux de nos finances publiques, nous n'avons pas formulé de recommandations dispendieuses. Nous avons évalué les moyens nécessaires au regard des objectifs que nous estimions judicieux et qui sont partagés par la quasi-totalité du CESE. Sans doute ces ciblages mériteraient-il donc d'être étudiés.

Nous craignons que tout le monde se regarde « en chiens de faïence » en attendant le début d'un processus qui ne s'enclencherait finalement pas. Voilà trois ans que cela dure. Notre message est simple : si vous voulez qu'il démarre, il faut réunir un certain nombre de conditions, et pour le moment tel n'est pas le cas en dépit des discours. Et ce n'est pas en portant le nombre de logements à rénover de 400 000 à 500 000 que la situation s'améliorera puisque, je le répète, nous devions atteindre en 2013 le chiffre de 400 000 logements – dont la rénovation n'était pas financée – et que nous en étions à 160 000 en 2011.

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