Intervention de Jean-Paul Bacquet

Séance en hémicycle du 25 juillet 2012 à 21h30
Recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Bacquet :

Madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, chers collègues, l'image de bateaux rouillés pourrissants en bord de mer est devenue banale. De même, dans nombre de pays en voie de développement, de véritables épaves sont abandonnées et encombrent des quais déserts. Et combien de navires sont aujourd'hui dans des ports, voire échoués sur des plages, démantelés dans des conditions inacceptables sur le plan sanitaire et révoltantes sur le plan humain ? Des hommes, sans aucune protection, quelquefois pieds et mains nus, démontent des épaves en prenant des risques inconsidérés et en gaspillant leurs vies en raison de la toxicité des matériaux démontés. Pire, ce sont des enfants qui s'épuisent à transporter pièces et résidus, pour que d'autres en tirent profit.

Nous avons tous vu ces images intolérables, à la télévision, dans des revues, lors de voyages que nous avons effectués. Cette situation est préoccupante puisque 80 % des navires sont démantelés au Bangladesh, au Pakistan ou en Inde, dans des conditions détestables pour l'environnement et destructrices pour la santé humaine.

Alors, lorsque l'on sait combien la flotte mondiale vieillit et que les pétroliers à coque simple sont voués à disparaître, on mesure la nécessité d'intervenir pour définir des normes, des obligations en matière de protection de la santé et de l'environnement.

Le 15 mai 2009, dans le cadre de l'OMI, une convention a été signée à Hong Kong pour assurer un recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires. Comment ne pas s'en réjouir ?

Mais si nous pouvons nous satisfaire de cette démarche internationale, il nous faut, hélas, en mesurer les limites. Selon l'article 2 de la convention, « le recyclage consiste à démanteler en totalité ou en partie un navire, tout en prenant soin des matières potentiellement dangereuses et en assurant le traitement ultérieur de ces matières ». On mesure, avec cette définition, la limite de la convention, puisque certains navires en sont exclus.

L'article 4 montre la fragilité de la convention, puisqu'il impose à chaque État de « veiller à ce que les navires autorisés à battre son pavillon ou exploités sous son autorité, ainsi que les installations de recyclage satisfont aux conditions de la convention ».

Lorsque l'on sait ce que représentent les pavillons de complaisance, on peut douter du respect de la convention et de la fiabilité des contrôles dans ces pays d'accueil bienveillants.

Il est rassurant, certes, de noter qu'un État signataire de la convention peut inspecter tout navire, dès lors qu'il se trouve dans l'un de ses ports, et vérifier l'existence d'un certificat international. Mais une grande liberté est laissée aux États pour déterminer les sanctions qui doivent décourager les infractions, et l'on peut craindre le laxisme de certains signataires. Parfois, le dédale administratif et réglementaire est tel que les procédures de contestation perdureront encore des décennies. Un plan de recyclage doit être établi pour chaque navire, mais on se doit de mesurer la fragilité de cette règle, la rigueur pouvant varier d'un État à l'autre. Il en est de même pour la pratique des visites initiales, de renouvellement ou finales.

Qu'entend-on par « garantir des installations de recyclage sûres et écologiques » ? Cette responsabilité est laissée aux États ; on peut se demander s'il n'aurait pas été préférable de la confier à une commission d'experts internationaux, comme l'Agence internationale de l'énergie atomique en matière nucléaire. Les accidents d'avions que l'on a connus devraient nous rendre plus exigeants et nous inciter à réprimer le laxisme dans l'évaluation ou le contrôle des compagnies dangereuses.

Enfin, s'agissant de l'évaluation des coûts induits par un recyclage de qualité, le recyclage des matériaux récupérés, la protection individuelle des travailleurs, la gestion des incidents, des accidents ou des maladies professionnelles, on mesure quels sont les États qui pourront appliquer dans les meilleures conditions cette convention. À coup sûr, les pays riches pourront protéger les travailleurs et l'environnement, mais on peut douter d'une application correcte de la convention dans les pays les plus faibles, qui recyclent 80 % des navires.

Malgré mes doutes et mes incertitudes, je souhaite que cette convention soit adoptée. C'est à partir d'une telle démarche que l'on obtiendra peut-être la rationalisation et la sécurité du démantèlement des navires. Il faut voter cette convention, car elle ne pourra être appliquée que si quinze États, dont les flottes marchandes représentent au moins 40 % du tonnage brut de la flotte mondiale des navires de commerce, et dont le volume annuel maximal de recyclage de navires au cours des dix dernières années représente au total au moins 3 % du tonnage brut de l'ensemble des flottes marchandes desdits États, ont ratifié la convention. Or, à ce jour, aucun État ne l'a ratifiée, et seuls cinq pays l'ont signée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

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