Toutes les grandes compagnies américaines – Continental, Delta, United, Northwest, et plus récemment American Airlines – sont passées par le chapter 11, ce qui signifie qu'elles ont toutes fait faillite. Je rappelle que le chapter 11 permet de réduire les créances, de renégocier les dettes et l'ensemble des accords qui régissent les règles d'emploi des personnels d'une manière plus favorable à la compagnie. Depuis certaines compagnies ont retrouvé une bonne santé financière, comme Delta et United.
La situation des compagnies asiatiques est le reflet des énormes taux de croissance du continent. Si les compagnies chinoises sont encore centrées sur leur marché national, qui croît à une vitesse très rapide, les compagnies comme Cathay Pacific ou Singapore Airlines affichent une santé florissante.
En revanche, les compagnies européennes connaissent toutes d'importantes difficultés. Ainsi, Lufthansa vient de lancer un plan très dur de restructuration qui exige 3 500 suppressions d'emplois, et la plupart de ses filiales, dont Austrian et Swiss, sont en restructuration, tout comme SN Brussels, le successeur de Sabena. De même, Iberia, partie espagnole de l'International Airlines group – regroupement de British Airways et d'Iberia – connaît des difficultés en raison de l'état de l'économie espagnole. Le transport aérien européen est actuellement celui qui se porte le plus mal.
Transavia, originaire de KLM, est la filiale low cost du groupe Air France-KLM. Transavia France dispose de huit avions. C'est trop peu pour en faire une compagnie rentable et pour satisfaire le segment loisirs. Nous avons donc décidé de développer Transavia et de faire en sorte qu'elle dispose de 20 à 22 avions à l'horizon 2015-2016.
Au-delà de 2016, l'évolution de Transavia se fera en fonction du marché. S'il continue de croître dans sa dimension low cost, Transavia aura vocation à se développer par rapport au reste du périmètre court et moyen-courrier d'Air France. Si l'évolution du trafic global est favorable, le réseau Air France augmentera parallèlement à Transavia. Compte tenu des aléas de la conjoncture économique, il est assez difficile de prévoir lequel des deux réseaux se développera le plus vite.
Plusieurs d'entre vous m'ont interpellé sur le pôle régional français, qui est le regroupement de nos trois filiales : Brit Air, dont le siège est à Morlaix, Régional, dont le siège est à Nantes, et Airlinair, dont le siège est à Rungis. Le but est de constituer un réseau qui assure des liaisons transversales européennes, opérées par de petits avions de 50 à 110 places car les flux de trafic ne justifient pas le recours à des appareils de la classe des Boeing 737 ou des Airbus A 320, qui ont une capacité de plus de 150 places. Ce pôle régional opèrera sur deux types de réseaux : un réseau sous affrètement Air France destiné à alimenter le hub de Charles-de-Gaulle et d'Orly et un réseau en propre, sous sa propre marque, qu'il aura la liberté de développer comme il l'entend sur des liaisons transversales françaises ou européennes, au départ de Paris comme de la province.
Nous entendons redonner à ce pôle un projet de développement et beaucoup de liberté, en lui procurant le « ballast » de l'affrètement Air France à hauteur de 40 % de ses revenus, ce qui est important, ainsi que la puissance commerciale du groupe Air France pour lui garantir la couverture des contrats firmes et des engagements d'acheminement pris avec nos principaux clients.
Pour la bonne information de votre commission, je précise que le coût d'exploitation au siège d'un avion de petit module – de moins de 150 places – représente plus du double de celui d'un grand module.
J'en viens à quelques éléments sur le climat social et les référendums.
S'agissant du personnel au sol, il n'y aura pas de référendum puisque l'accord a été signé par des organisations syndicales qui représentent environ 45 % des voix aux dernières élections professionnelles. Le seuil légal de représentativité de 30 % étant dépassé, l'accord sera applicable à compter du 1er janvier 2013.
Pour ce qui est des personnels navigants techniques, l'accord est soumis à référendum, avec le soutien du principal syndicat, le SNPL, qui représente 70 % des voix aux dernières élections concernant les pilotes. Nous attendons le résultat pour la mi-août et, bien que n'étant pas un expert en pronostic électoral, je ne crois pas trop m'avancer en disant que le soutien du principal syndicat ne devrait pas constituer un handicap.
Pour ce qui concerne les personnels navigants commerciaux – PNC – deux syndicats sur trois se sont prononcés plutôt contre le projet d'accord qui a été négocié ; un seul syndicat s'est déclaré en sa faveur. Des référendums ont lieu cette semaine et la probabilité d'un vote « contre » me semble plus élevée que celle d'un vote « pour ». Dans cette hypothèse, nous serions amenés, en mars 2013, soit à l'échéance du principal accord qui gouverne les règles d'emploi des PNC – lequel constitue le seul accord à durée déterminée – à appliquer un texte différent, comme la loi nous y autorise. Les contreparties ne pourraient pas être les mêmes que celles accordées aux organisations qui se sont rapidement et courageusement engagées dans le processus de négociation.
Plusieurs de vos questions portaient sur l'impact des grèves sur les départs en vacances et les désagréments qui en découlent. Je rappelle que nous avons négocié des accords très difficiles sans que cela n'occasionne un seul jour de grève pour la compagnie Air France. Deux conflits ont lieu ces jours-ci. L'un concerne la compagnie Régional et il est motivé par le fait que le chantier de négociation a été décalé dans le temps. Nous avons démarré plus tard pour les compagnies régionales car les règles n'étaient pas finalisées, mais il faut savoir qu'elles bénéficieront des mêmes conditions que celles accordées à Air France, qu'il s'agisse des modalités de négociation ou des conditions sociales. Nous n'avons aucune raison de traiter nos filiales différemment du reste du groupe. Je rappelle aussi que Régional est une petite entité qui ne représente que 3 % de nos clients. Les effets sur le trafic sont donc restés limités.
Cela me donne l'occasion de répondre aux questions sur l'application de la loi Diard du printemps dernier. Ce texte permet de limiter l'impact des conflits sociaux sur les passagers car il permet de concilier l'exercice de deux droits fondamentaux : le droit de grève et celui de se déplacer librement. Les personnels qui concourent au transport aérien doivent en effet déclarer 48 heures à l'avance leur intention de faire grève, ce qui nous donne deux jours pour réorganiser notre programme de vol et pour prévenir nos passagers. Dans le cas récent du conflit de Régional, cela nous a permis de ne procéder à aucune annulation « à chaud », c'est-à-dire lorsque les passagers découvrent sur les écrans de l'aérogare que leur vol est annulé, voire alors qu'ils ont déjà embarqué, ce qui constitue à mes yeux une perturbation inacceptable, mais que nous avons connue dans le passé. En l'espèce, nous avons supprimé un tiers des vols de Régional sans aucune annulation « à chaud ». Tous les passagers ont été prévenus à l'avance et cela a permis d'éviter les troubles à l'ordre public qui se manifestent parfois dans les aérogares en pareille circonstance, en particulier en période de vacances. La loi Diard doit donc continuer à trouver à s'appliquer, dans le respect total de l'exercice du droit de grève puisque je rappelle que 70 % des personnels de Régional étaient grévistes.
Je me permets de regrouper les questions concernant le développement durable et l' ETS. La Commission européenne a lancé le projet de taxer les compagnies aériennes au moyen du paiement de quotas carbone, non seulement pour les vols à l'intérieur de l'Europe mais aussi pour les liaisons internationales au départ ou à l'arrivée en Europe, et ce pour l'intégralité du segment. Autrement dit, une compagnie chinoise opérant un Pékin-Londres serait taxée sur l'intégralité de son parcours. Cette décision a été prise avec le soutien unanime des gouvernements européens et elle est entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2012 pour une application en avril 2013, les premiers paiements d'ETS par des compagnies aériennes devant intervenir à cette date. La procédure présente un caractère unilatéral qui la rend difficile à expliquer. Au reste, les principaux partenaires de l'Europe s'y opposent, qu'il s'agisse de la Chine, de l'Inde, de la Russie, des États-Unis ou du Canada. Sur le fond, les États ne souhaitent pas que leurs compagnies soient assujetties à une taxe assise sur un ressort qui leur est étranger, ce qui peut sans doute se comprendre, tant aux plans juridique que politique.
Notre position constante est d'être favorable au paiement d'une taxe carbone limitée au territoire européen, dans lequel l'Europe est légitime à taxer les vols qui affectent son environnement. Autrement dit, une fois encore, un vol Pékin-Londres pourrait être taxé à partir de l'entrée de l'appareil dans le ciel européen, à la frontière finlandaise. La légitimité d'une taxation sur le segment entre la Chine et la Finlande nous semble plus difficile à défendre ; nous l'avons toujours dit, même si nous n'avons pas été entendus.
Air France est animée de deux soucis permanents qui lui imposent des efforts considérables : la sécurité des vols et la préservation de l'environnement, qu'il s'agisse de lutter contre la pollution – émissions de CO2 ou de Nox – ou de nuisances sonores. Il reste que nos moyens de pression sur les constructeurs demeurent limités. Les constructeurs intègrent la triple contrainte de moins consommer de carburant, de moins polluer et de faire moins de bruit. Les principaux axes de recherche d'améliorations en ces domaines concernent l'aérodynamisme, le poids et le rendement des moteurs. S'agissant plus précisément du bruit, sans doute avez-vous vu ces prototypes où les moteurs sont placés au-dessus des ailes plutôt qu'en dessous, ce qui ne peut avoir qu'un effet favorable. Je crois pouvoir dire que l'ensemble de la filière industrielle aéronautique est consciente de l'enjeu majeur que constitue le respect de l'environnement. Mais les progrès sont très longs à réaliser tant le champ de recherche est vaste : nous sommes dans des domaines où l'on « tutoie » les limites de la physique !
Comme vous l'imaginez, nous ne sommes pas plus favorables à la taxation sur le kérosène qu'à toute autre forme de nouvelle taxation sur le transport aérien (sourires). Comme j'ai tenté de le démontrer dans mon propos liminaire, il s'agit d'un secteur sans marge. Nous sommes écrasés par une concurrence très dure dont les règles ne sont pas forcément harmonisées – je crois que cela a été mentionné pour ce qui concerne certaines compagnies du Golfe. Quant aux passagers, ils ont des références de tarif extrêmement basses à cause des compagnies low cost. Enfin, nos fournisseurs sont puissants et ne nous laissent que de très faibles marges de négociation. Dans notre secteur, les volumes d'activité sont forts et les chiffres d'affaires importants mais les marges extrêmement réduites. Le cimetière des compagnies aériennes n'est pas pauvre en pierres tombales ! Les compagnies sont mortelles et beaucoup ont déjà trépassé. Ceux qui voyageaient aux États-Unis dans les années 1980 se souviennent sans doute que les trois principales compagnies étaient TWA, Pan Am et Eastern : que sont-elles devenues ? Plus près de nous, Spanair a disparu il y a six mois de même que la compagnie hongroise Malev. En dépit des volumes brassés, le secteur est donc assez fragile.
Une nouvelle taxe kérosène serait donc d'autant plus malvenue qu'elle viendrait augmenter encore le coût du carburant et nous n'aurions pas d'autre solution que de le répercuter sur le prix des billets. En outre, une telle taxe ne peut s'envisager qu'au plan mondial pour ne pas pénaliser plus encore les compagnies européennes.
Plusieurs députés du groupe SRC et du groupe écologiste. D'autres pays arrivent à le faire !