Faut-il y voir un front des minoritaires contre la logique bipartisane ? En effet, lors des dernières élections cantonales, en mars 2011, sur 2 026 cantons renouvelés, les écologistes, alors qu'ils avaient recueilli 11 % des voix, ne disposaient que de 27 élus et le Modem de 14 élus.
Pourquoi l'élection départementale serait-elle la seule à ignorer la proportionnelle alors que celle-ci sera partiellement introduite pour les prochaines élections législatives ? Surtout, le mode de scrutin proportionnel aurait eu pour bénéfice de nous épargner une douloureuse et coûteuse réforme de la carte des cantons, qui ne pourra d'ailleurs pas s'harmoniser avec les limites des circonscriptions législatives et des EPCI, ce qui est fort regrettable.
Accordons-nous sur un point : la carte cantonale qui, pour 60 % des cantons, n'a pas été revue depuis son établissement initial en 1801, doit être remodelée tant les disparités en terme de population sont dans certains cas criantes. Le ratio peut aller de 1 à 47 dans le même département. On pourrait débattre sur l'écart moyen de 20 % entre les cantons d'un même département ; le fait est que la représentation de la ruralité s'en trouvera forcément affaiblie. Mais le Conseil constitutionnel refuse un écart à la moyenne supérieur à 20 %, ce que nous regrettons également.
Je note que presque tous réclament une prise en compte des réalités géographiques et des bassins de vie, ainsi que des critères liés à la cohérence territoriale ou aux cultures locales. Cette cohérence n'existait déjà plus dans certains anciens cantons, divisés parfois entre plusieurs intercommunalités. Elle ne sera pas plus respectée dans les nouveaux cantons, dont le redécoupage, qui sera un véritable travail d'artiste, ne s'effectuera sans doute pas en priorité selon le critère de l'adaptation au terrain.
Quelle solution proposer pour prendre en compte cette cohérence en assurant l'efficacité de l'action sur les territoires ? Mes chers collègues, la solution est simple : elle réside bel et bien dans l'émergence d'un échelon territorial à part entière, basé sur les bassins de vie. Cet échelon ne peut être que l'intercommunalité, niveau d'organisation qui a fait ses preuves.
Au final, les débats autour de ce projet de loi démontrent que l'échelle du département est dépassée pour la mise en oeuvre des politiques de la territorialité et de l'action sociale : pas assez proche pour réaliser une politique d'accompagnement tout au long de la vie, elle n'offre pas une hauteur de vue suffisante pour déployer une politique de territorialité cohérente.
Ce constat devrait mener logiquement à l'effacement progressif du département et à la redistribution de ses compétences entre l'intercommunalité et la région. Vous souhaitez que les cantons gardent une taille humaine et soient le lieu privilégié de l'action sociale ? Transférez-leur les compétences adéquates et permettez qu'ils deviennent des collectivités territoriales à part entière, sur la base des pays ou des bassins de vie.
Comme le disait un collègue socialiste en commission, le problème du projet de loi ne réside pas tant dans le système électoral proposé que dans l'absence d'un changement de paradigme. Nous espérons par conséquent que la future loi sur la décentralisation confortera fortement les compétences des intercommunalités et leur permettra de dépasser le stade des EPCI.
Cela passera par la désignation des futurs conseillers intercommunaux au scrutin universel direct. Le fléchage des noms introduit dans le texte gouvernemental rendra déjà le système plus lisible pour les électeurs. Puisque l'intercommunalité est un succès et qu'elle gère de budgets parfois très importants, pourquoi ne pas avoir cherché à progresser dans cette direction, au lieu d'instaurer un système qui s'avère aussi complexe ?
Monsieur le ministre, j'ai bien relevé vos propos : vous affirmez qu'il ne s'agit que d'une étape et que d'autres seront franchies, au moins dans les grandes agglomérations, d'ici à 2020. Dans le mince espoir de voir s'accélérer une telle évolution, nous déposerons des amendements pour proposer l'élection au scrutin direct dans les communautés d'agglomération et la séparation des listes des élus communaux et intercommunaux sur les bulletins de vote.
Ce texte, qui ne nous convient que partiellement dans la mesure où il n'instaure pas de réelle évolution dans la gouvernance territoriale, comporte un certain nombre d'avancées auxquelles nous souhaitons contribuer.
Plusieurs de nos amendements ont ainsi été adoptés en commission, parfois avec une belle unanimité, par exemple pour l'abaissement du seuil d'application du scrutin à représentation proportionnelle dans les communes à 500 habitants. Ce choix permettra à 7 000 communes de bénéficier d'une représentation de la minorité et d'une composition paritaire au sein de leur conseil municipal, impliquant l'élection de 32 000 conseillères municipales, ce qui, vous en conviendrez, n'est pas de la moindre…bref. (Sourires.)