Dans certains départements, le nombre d'élus des zones rurales pourra être divisé par deux, voire par trois. Seize cantons sur trente-deux vont, par exemple, être supprimés dans mon département de la Mayenne ; dans ma circonscription du nord de la Mayenne, on passera ainsi de onze à quatre cantons.
C'est en cela que ce projet de loi est néfaste pour la ruralité : dans les conseils généraux, les élus urbains seront surreprésentés, et la politique d'aménagement et de solidarité territoriale sera, par la force des choses, remise en cause. Or, le conseil général doit non seulement représenter la population de son département, mais également être représentatif de la diversité des territoires qui le composent. Nous avons d'ailleurs déposé, avec mes collègues de l'UDI, un amendement en ce sens.
Une autre difficulté se pose : les territoires d'élection des conseillers départementaux porteront toujours le nom de cantons, mais sans avoir le moindre rapport avec ce que sont les cantons actuels. Pourtant, nos cantons sont une belle réalité, ils représentent beaucoup plus qu'un simple mot : un canton, c'est une réalité géographique et historique, une réalité humaine et économique, que l'on ne peut faire disparaître d'un simple trait de plume.
Aussi, il paraît primordial que les nouveaux cantons puissent assurer la représentation démocratique de nos territoires au sein des conseils généraux. Le nouveau découpage doit donc tenir compte des cantons existants et respecter les limites des circonscriptions législatives actuelles ou, à défaut, celles des arrondissements.
Pour faciliter la prise en compte des cantons actuels, il faut se donner suffisamment de marge par rapport à la moyenne départementale et accepter la possibilité d'un écart de population entre les nouveaux cantons plus important que celui que vous prévoyez ; pour ce qui nous concerne, nous proposons de passer de 20 % à 50 %. Le poids démographique des cantons variera alors de un à trois, quand l'écart peut aller aujourd'hui de un à dix, voire beaucoup plus dans certains départements !
J'en viens maintenant au mode de scrutin des élections départementales. Pour limiter la mauvaise représentation de nos territoires ruraux, nous avons déposé plusieurs amendements. Nous proposons en particulier de créer un scrutin mixte, qui permettrait de prendre en compte les spécificités des territoires ruraux. Le scrutin uninominal à deux tours serait réservé aux zones rurales, dans lesquelles le canton a une signification et correspond aux réalités locales, tandis que dans les zones urbaines, où les limites des cantons ne correspondent à aucune réalité, on appliquerait le principe de la représentation proportionnelle. Ce scrutin mixte permettrait en outre de progresser vers la parité et d'améliorer la représentation des diverses sensibilités politiques.
Un autre aspect de votre texte, sous une intention apparemment louable, soulève des difficultés au regard de notre tradition républicaine ; je veux parler de l'obligation de présenter ensemble, dans chaque nouveau canton, une candidate et un candidat.
Vous avez abondamment dénoncé le conseiller territorial, le qualifiant d'élu hybride. Vous l'avez supprimé. Or vous proposez aujourd'hui de mettre en place un scrutin binominal tout aussi hybride et qui, de surcroît, n'existe nulle part ailleurs !
Les deux candidats seront solidaires pendant la campagne électorale mais, une fois élus, l'homme et la femme composant le binôme pourront exercer leur mandat indépendamment l'un de l'autre. Comment ces élus se répartiront-ils la tâche ? En cas de désaccord, des conflits politiques et humains se feront jour : comment cela se traduira-t-il pour le citoyen ? Où sera l'efficacité au service de l'intérêt général ? Il est à craindre que ce système de binôme n'ait bien du mal à fonctionner.
Enfin, s'agissant des élections municipales, en particulier dans les territoires ruraux, le scrutin de liste apparaît peu adapté aux plus petites communes et risque de politiser d'abord les campagnes électorales, puis le fonctionnement des conseils municipaux. Nous savons tous que, dans la grande majorité des petites communes, des élus de différentes sensibilités arrivent à travailler ensemble dans l'intérêt des habitants. Le scrutin de liste risque de fragiliser ce consensus.
Nous proposons ainsi de revenir au seuil des 1 000 habitants, qui correspond davantage à la réalité des territoires et qui maintiendra le scrutin majoritaire dans un plus grand nombre de communes. La diminution du nombre de conseillers dans les petites communes me paraît, en revanche, aller dans le bon sens.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, nous sommes nombreux dans cette assemblée à défendre nos territoires ruraux, au-delà des clivages habituels, et ce projet de loi est bien loin de faire l'unanimité. Le rejet du Sénat démontre bien votre échec à convaincre votre majorité.