Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mise en place de la collectivité unique en Martinique procède indubitablement d'un accouchement aux forceps.
C'est un parcours d'obstacles inédit, incompréhensible et surprenant puisque la réforme attendue non seulement relève du bon sens, mais surtout corrige l'hérésie juridique qui a créé la région monodépartementale sur un territoire exigu.
La révision de la Constitution en mars 2003 a permis cette évolution institutionnelle à la suite de laquelle des consultations populaires ont été organisées, la première en 2003, les deux autres en 2010 – plus précisément, les 10 et 24 janvier 2010. Les Martiniquais, consultés, ont approuvé la collectivité unique.
Après les consultations de 2010, la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique a défini les modalités de mise en place de ces nouvelles collectivités, ainsi que la détermination de leur date de création.
Sur ces deux points, le texte mérite quelques aménagements.
Concernant tout d'abord les modalités du scrutin, il s'agissait de garantir l'équilibre entre les exigences démocratiques tout en évitant les disproportions et les perversités liées aux cumuls des avantages. Nous préconisons à ce titre de ne pas accorder de prime à la liste arrivée en tête et ayant obtenu la majorité absolue, ce qui serait la logique même, et d'instaurer une prime adaptée tenant compte des principes de proportionnalité afin de permettre à la fois une répartition des sièges qui soit la plus proche possible de la réalité des urnes, et la stabilité au sein de la majorité. L'objectif est d'assurer à la liste arrivée en tête la majorité absolue sans pour autant aller au-delà de sa performance réelle, c'est-à-dire sans lui octroyer un nombre de sièges exorbitant.
Si on ne souhaite pas « écraser » la démocratie, la répartition des autres sièges doit se faire seulement entre les autres listes.
J'insiste sur le fait que le système tel qu'il est prévu permet de cumuler des avantages importants en faveur de la liste arrivée en tête, avec des possibilités d'écarts allant bien au-delà de la volonté populaire réelle.
Venons-en maintenant à la date préconisée. Les interventions prononcées en 2011 tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale témoignaient de la nécessité unanimement reconnue d'instituer au plus vite la collectivité unique.
C'est ainsi que l'ancienne ministre des outre-mer, Mme Marie-Luce Penchard déclarait : « Le Président de la République avait souhaité que l'on puisse mettre en place cette collectivité le plus rapidement possible. C'est pourquoi le texte a prévu que l'élection devait se dérouler au plus tard fin 2012. Mais le Président de la République a toujours indiqué qu'il était prêt à entendre les arguments des élus concernant l'organisation de ces élections afin qu'elles se déroulent dans de bonnes conditions. Au regard des arguments des uns et des autres, il a été décidé de fixer les élections en 2014 ». D'où un premier renvoi de deux ans.
C'est ainsi que Mme Christiane Taubira, actuelle ministre de la justice, alors parlementaire de Guyane, avait indiqué ici même : « Ce calendrier ne me fait pas nager dans le bonheur. La date de 2014 ne correspond pas à mon choix. Je considère encore que le calendrier de travail doit fixer l'échéance à 2012 ».
C'est ainsi encore que le député Serge Letchimy affirmait sans ambages : « Depuis 1982 et même avant, un processus s'est engagé, mais nous avons effectivement perdu trente ans. En choisissant 2014, c'est la raison et la sagesse qui ont prévalu. Tant mieux pour la Martinique, tant mieux pour la Guyane. Même si cela ne correspond pas à votre agenda politique, cela correspond certainement à un nouveau rendez-vous de l'histoire, qu'il ne faut pas manquer ».
Comme vous le constatez, monsieur le ministre, mes sources sont diverses et indéniables. Elles se rejoignent toutes pour fixer à 2014 l'année de naissance de la collectivité unique.
Comment alors ne pas être surpris de constater que les mêmes réclament aujourd'hui une rallonge supplémentaire d'un an ? Je dis bien, les mêmes.
Pour ma part, j'ai plaidé contre tous les renvois successifs, d'où qu'ils venaient. Je suis pour 2014 au plus tard. En effet, je continue de penser que le temps perdu n'a pas servi l'intérêt général des Martiniquais. Le peuple s'est exprimé clairement en 2010. Attendre cinq ans pour honorer la parole qu'il nous a confiée ne peut que renforcer sa méfiance à l'égard de ses représentants et de l'action politique, lorsque l'on se rappelle que pour cette réforme, l'urgence avait été déclarée.