Monsieur le président, monsieur le ministre, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, le Sénat a rejeté, le 18 janvier dernier, le projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, municipaux et communautaires que vous nous présentez ce soir comme une urgence législative.
Pourtant, loin des attentes exprimées par les élus lors des états généraux de la démocratie territoriale, ce projet de loi ne contient aucune proposition pour renforcer la décentralisation, pour offrir des perspectives de ressources pérennes aux collectivités locales ou pour accompagner l'exercice des mandats locaux.
Et pourtant, il y a bien une urgence. Le Gouvernement a confirmé le 12 février dernier au comité des finances locales une réduction historique des dotations aux collectivités locales. Selon le président du Comité des finances locales, c'est une baisse de 4,5 milliards d'euros pour la période 2013-2015, dans la mesure où la baisse de 2015 sera calculée sur une enveloppe amputée de 1,5 milliard en 2014. C'est deux fois plus que ce qui était prévu par la loi de programmation budgétaire votée en décembre dernier.
À cette rupture historique, s'ajoute, pour un total de 2 milliards d'euros en 2014, l'impact des charges supplémentaires mises sur le compte des collectivités, que ce soit la réforme des rythmes scolaires, la hausse des cotisations des employeurs ou les normes nouvelles en tous genres.
En prenant en compte le poids de ces charges ainsi que l'inflation, les ressources des collectivités vont être impactées pour un montant compris entre 6,5 et 7 milliards d'euros entre 2013 et 2015 : c'est ce qu'estime le Comité des finances locales.
On aurait donc pu espérer qu'avec ce nouveau projet de loi, le Gouvernement songe à réaliser quelques économies. Malheureusement, il n'en est rien et le Gouvernement a déployé un trésor d'inventivité en matière d'organisation des collectivités pour proposer la modification, là aussi historique, de toutes les élections, municipales, cantonales et sénatoriales, sous le prétexte fallacieux du développement de la parité. Il s'agit là d'une préoccupation légitime, mais elle devrait se réaliser dans le respect du pluralisme de la représentation des territoires de la République, y compris les plus défavorisés, les moins peuplés, notamment les territoires ruraux.
La réforme des conseils généraux rejetée par le Sénat est emblématique de cette volonté du Gouvernement de changer les règles électorales, en sa faveur bien entendu, mais sans aucune économie financière – à la différence de la précédente réforme territoriale que vous avez abrogée – et en s'abritant derrière un alibi pratique.
Ainsi, sous couvert d'une garantie de stricte égalité entre le nombre d'élus femmes et hommes dans les départements, le Gouvernement a proposé un mode de scrutin sans équivalent au monde, dont l'objectif inavoué est d'affaiblir la représentation des territoires ruraux.
L'élection de binômes paritaires dans de super-cantons taillés sur un critère strictement démographique aura pour effet de fusionner jusqu'à cinq cantons en un seul dans certains départements.
Dans mon département, la Sarthe, la taille moyenne des cantons passera, avec le futur découpage, de 14 000 habitants actuellement à un chiffre compris entre 22 000 et 33 000 habitants. Dans certains départements, la taille moyenne des cantons dépassera 75 000 habitants.
La conjugaison des deux réformes, réforme du mode de scrutin et redécoupage des cantons, aura pour effet d'écraser la représentation des territoires ruraux au sein des assemblées départementales et porte en elle la disparition, à terme, des départements au profit des régions, dont les compétences seront élargies.