Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation à cette audition conjointe avec la commission des affaires étrangères.
Comme présidente de la commission des affaires européennes, laquelle avait voté à l'unanimité le soutien à la proposition budgétaire de la Commission européenne et du Parlement européen, j'avoue avoir été quelque peu troublée par les décisions prises lors du Conseil européen des 7 et 8 février derniers. Vous les avez évoquées tout à l'heure pendant les questions au Gouvernement. Elles ont suscité une réaction très défavorable des quatre principaux groupes du Parlement européen, qui traite désormais de nombreux dossiers en codécision avec le Conseil. Nous pourrons entendre à ce sujet M. Alain Lamassoure, président de la commission des budgets du Parlement européen, dont la présence parmi nous permettra d'ouvrir encore le débat.
Après un tel sommet, dont les résultats étaient particulièrement attendus, nous restons partagés, les uns considérant que la PAC est sauvée – même si son budget est un peu entamé –, les autres dénonçant un budget sans ambition qui va nous servir l'austérité à toutes les sauces jusqu'en 2020.
Le dernier Conseil européen a-t-il préservé les propositions formulées par la France, alliée de l'Italie et de l'Espagne, lors du Conseil de juin 2012, en particulier au sujet du Mécanisme européen de stabilité et du Pacte européen pour la croissance et l'emploi ?
L'accord auquel le Conseil européen est parvenu porte sur 960 milliards d'euros en crédits d'engagement et 908 milliards en crédits de paiement. Pour les uns, l'Union a cédé aux exigences des Britanniques auxquels se sont ralliés les Allemands ; pour les autres, dont la presse allemande, elle ne serait pas allée assez loin sur la voie de l'austérité. Quelle est la position de la France ? Vous le savez, monsieur le ministre, nous sommes très attentifs aux perspectives financières. Nos deux corapporteurs, Estelle Grelier et Marc Laffineur, pourront d'ailleurs exprimer notre point de vue et nos ambitions pour l'Europe. Avec un tel budget, comment peut-on construire une Europe solidaire ?
La crise nous oblige à une solidarité accrue. Le très beau discours que le Président de la République a prononcé la semaine dernière à Strasbourg devant le Parlement européen a été salué par tous. La présidence irlandaise s'est montrée désireuse de promouvoir le programme de garantie pour la jeunesse. De ce dernier point de vue, les résultats du Conseil sont plutôt encourageants puisque 6 milliards d'euros seront consacrés à la lutte contre le chômage des jeunes, mais ces fonds risquent de ne pas suffire à résoudre le problème puisqu'ils iront – légitimement – aux seules régions où le taux de chômage des jeunes dépasse 25 %, alors que ce phénomène s'étend à toute l'Europe.
Les moyens qui pourront être dégagés à la suite du Conseil européen suffiront-ils à rassurer notre commission sur plusieurs autres points qui la préoccupent particulièrement – comme en témoignent ses rapports –, dont la PAC et les transports ?
Plus généralement, monsieur le ministre, comment le compromis a-t-il été élaboré ? En particulier, la concertation franco-allemande a-t-elle porté ses fruits ou avons-nous été victimes d'une approche bilatérale largement favorisée par le président Van Rompuy et qui n'aurait pas permis à tous les acteurs de faire valoir leur point de vue ? N'est-ce qu'une impression extérieure ? Qu'en pensez-vous, vous qui, contrairement à nous, étiez au coeur du débat ?
Des difficultés budgétaires ne sont-elles pas à craindre pour l'avenir ? On nous dit que la stratégie dite UE 2020 reste intacte, mais qu'en est-il de la lutte contre la pauvreté, de la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre, des moyens dédiés à la transition écologique de l'économie ? Les enjeux climatiques ne risquent-ils pas d'être le parent pauvre de l'Union européenne ? La taxe carbone aux frontières de l'Union, sur laquelle Pierre Lequiller et moi-même nous apprêtons à travailler, n'est-elle pas mort-née ?
Qu'en est-il des ressources propres, que nous souhaitions voir développer et qui n'ont guère été évoquées à la suite du Conseil ? Sont-elles préservées ? Un calendrier a-t-il été arrêté ?
Enfin, où en est-on des clauses de flexibilité ? Une clause de révision à mi-parcours est-elle envisageable ? Il serait particulièrement bienvenu de l'appliquer après les prochaines élections européennes, d'autant que le débat électoral mettra au jour des informations nouvelles et fournira des pistes de réflexion.
Vous le voyez, monsieur le ministre, nous sommes inquiets et nous espérons que vous nous rassurerez. Nous souhaitons nous montrer constructifs dans la période délicate que nous traversons, qu'il s'agisse du travail des institutions européennes ou de ses retombées nationales.