Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 12 février 2013 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Bernard Cazeneuve, ministre chargé des affaires européennes :

Non. En revanche, vous avez tout à fait raison sur un point, monsieur le président : les pays les plus pauvres de l'Union européenne contribuent au financement du chèque des pays les plus riches. Si nous avons demandé au Conseil européen, avec l'Italie, de plafonner notre propre contribution à ce financement, c'est non pas pour obtenir nous-mêmes un chèque, mais pour corriger cette injustice. C'est un point très important.

La remarque de M. Piron sur l'articulation entre les intérêts nationaux et ceux de l'Union européenne est très juste. La France a adopté, dans cette négociation, la démarche la plus européenne : avant de nous préoccuper de nos intérêts nationaux, nous avons abordé des sujets européens majeurs, en particulier la nécessité que l'Union se dote de ressources propres. Nous sommes presque les seuls à l'avoir demandé au sein du Conseil européen, certain de nos partenaires, y compris historiques, n'y étant pas favorables.

Si nous voulons que l'Union mène des politiques ambitieuses et porteuses de croissance, son budget ne peut plus dépendre de la seule contribution des États fondée sur le revenu national brut (RNB). En effet, comme en atteste la lettre que je vous ai lue, les États membres engagés dans des politiques d'austérité raisonnent ainsi : ils refusent d'allouer à la Commission européenne les moyens qu'elle demande au motif qu'ils ne seraient pas en mesure de respecter, s'ils le faisaient, les engagements budgétaires qu'ils ont eux-mêmes pris devant la même Commission dans le cadre du semestre européen. Ils transposent ainsi l'austérité au niveau du budget de l'Union. Si nous voulons casser cette logique, il convient de diminuer la contribution fondée sur le RNB et de lui substituer des recettes dynamiques, c'est-à-dire des ressources propres. Telle est notre démarche.

De même, nous avons tout fait – le Président de la République avait plaidé en ce sens lors de sa visite d'État en Pologne – pour que les politiques de l'Union ne soient pas opposées les unes aux autres. Nous ne voulions pas sauver la PAC au détriment de la politique de cohésion. En outre, nous avons accepté, dans le cadre de la PAC, la convergence des aides par hectare, dont les montants varient sensiblement d'un pays à l'autre.

Compte tenu de nos positions, nous n'avons guère apprécié l'attitude des États membres les plus conservateurs et les plus eurosceptiques, qui ont tenté de réduire la négociation à une discussion sur des coupes budgétaires et des chèques.

S'agissant de l'euro, je n'ai jamais déclaré qu'il était trop fort. Il importe avant tout qu'il soit stable. Devant le Parlement européen, le Président de la République a estimé que nous devions réfléchir à une politique de change. Le niveau de l'euro dépend de la politique monétaire menée, en toute indépendance, par la Banque centrale européenne. Mais les traités prévoient que le Conseil européen puisse également en débattre. Je ne souhaite pas, à ce stade, en dire davantage.

Pour répondre à M. Léonard, je rappelle que le Parlement européen est souverain et fera part de ses choix comme il l'entend, dans le cadre du dialogue qui s'engagera sur la base des travaux du Conseil européen. Nous sommes tout à fait conscients du rôle important qu'il peut jouer, à plus forte raison depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Nous respectons ses prérogatives et n'avons pas à lui suggérer – encore moins à lui dicter – telle ou telle conduite. Du reste, les parlementaires européens ne l'accepteraient pas. Je ne souhaite pas compliquer encore la prise de décision au sein de l'Union !

Je ne suis pas loin de partager l'avis de M. Lequiller sur le moteur franco-allemand. Nos différences sont, en effet, importantes. Mais nous devons nous garder d'entretenir les clivages, de telle sorte qu'ils ne nuisent pas à la construction européenne. De grands Européens, de toutes tendances politiques, ont su s'élever au-dessus des contingences, bien qu'ils ne fussent pas toujours d'accord sur les politiques que devait mener l'Union.

La stratégie de l'opposition – je le regrette – consiste à répéter que le moteur franco-allemand ne fonctionne plus. Elle n'est pas de nature à aider l'Union européenne. Mme Merkel doit être très ennuyée des commentaires approximatifs de la presse qui l'associent aux eurosceptiques et à M. Cameron, alors qu'elle est en réalité très européenne. En outre, la coopération franco-allemande a également joué son rôle dans cette négociation : les Allemands ont fait en sorte, avec nous, que les Britanniques « restent à bord », sans pour autant leur faire de concessions excessives. C'est bien le Président de la République et Mme Merkel qui sont allés voir M. Cameron pour négocier avec lui un compromis qui préserve l'intégrité et l'unité de l'Union européenne. Les commentaires sur la disparition du couple franco-allemand relèvent soit d'une erreur de perception, soit d'un défaut d'analyse, soit d'une volonté de nuire, soit des trois à la fois.

Nous sommes loin d'être d'accord sur tout avec l'Allemagne. L'observation des relations franco-allemandes sur les cinquante dernières années le montre. Les rapports entre le général de Gaulle et le Chancelier Adenauer étaient très compliqués : ils se sont opposés sur la question du lien transatlantique jusqu'à la veille de la signature du traité de l'Élysée. L'harmonie apparente entre Valéry Giscard d'Estaing et Helmut Schmidt était trompeuse : ils avaient décidé de ne parler que des sujets sur lesquels ils étaient tombés d'accord. Même les relations entre François Mitterrand et Helmut Kohl – en dépit de l'image très symbolique des deux dirigeants se tenant par la main à Douaumont – n'étaient pas aussi simples qu'on le disait. L'idée d'une « idylle » franco-allemande est illusoire : le débat est permanent. L'essentiel est que nous soyons capables de construire un compromis sur les sujets qui, initialement, nous divisent. Cela a toujours été le cas au cours des derniers mois.

Les fonds européens destinés aux collectivités territoriales restent stables, autour de 14 milliards d'euros. Les régions en transition continueront à recevoir des financements significatifs et bénéficieront de quelques avantages supplémentaires : aucune d'entre elles ne recevra un montant inférieur à celui qu'elle aurait reçu si elle avait été une région plus développée ; elles pourront émarger au fonds destiné à lutter contre le chômage des jeunes ; les taux de cofinancement de la PAC augmenteront pour ces régions.

Le budget consacré à la recherche et à l'innovation – qui inclut les crédits du programme Erasmus – a augmenté de 40 %. Il convient d'attendre les textes législatifs élaborés par le Parlement européen pour connaître la répartition de cette enveloppe entre les différentes lignes.

Les crédits du Mécanisme pour l'interconnexion en Europe ont été portés de 8 à 20 milliards d'euros, dont 13 sont destinés aux transports. Nous présenterons la ligne à grande vitesse Lyon-Turin comme projet prioritaire susceptible d'être financé dans ce cadre et nous examinerons la possibilité de proposer également le canal Seine-Nord Europe.

S'agissant du PEAD, je tiens à la disposition de M. Mariani et de M. Bertrand la déclaration commune de la France et de l'Allemagne de fin 2011, dans laquelle elles annonçaient leur décision de mettre fin à ce programme. Au dernier Conseil européen, le point de départ de la négociation était donc non pas 3,5 milliards d'euros, mais un montant nul.

Je peux comprendre les inquiétudes exprimées, pour des raisons politiques, par M. Borloo ou M. Daul, sur la réalité du plan de croissance de 120 milliards d'euros. Je souhaiterais revenir devant votre commission pour faire un point détaillé sur la question, si possible en présence de M. Borloo. Le plan n'est bien sûr pas remis en cause. D'abord, 55 des 120 milliards d'euros proviennent, je le rappelle, du déblocage de fonds structurels non affectés et non dépensés dans le cadre du dernier budget pluriannuel. Nous sommes en mesure de vous communiquer, région par région, la liste et le montant des projets français susceptibles d'être financés par ces fonds. Ensuite, le capital de la Banque européenne d'investissement a été, comme prévu, augmenté de 10 milliards d'euros afin qu'elle puisse accorder 60 milliards d'euros de prêts supplémentaires. Nous savons quels dossiers français sont éligibles à ces prêts. Enfin, il en va de même pour les project bonds.

En ce qui concerne la négociation de l'accord avec la Chine, je transmettrai à votre commission un document écrit.

Quant au programme « Horizon 2020 », il sera financé, dans le cadre du budget pluriannuel, à hauteur de 71 milliards d'euros, ce qui n'est pas négligeable.

Pour répondre à M. Leroy, le point 10 des conclusions du Conseil européen prévoit qu'au moins 20 % des dépenses de l'Union devront être consacrées à la lutte contre le changement climatique au cours des années 2014 à 2020. C'est une décision actée.

La clause de révision n'a, en revanche, pas été introduite dans les conclusions. Il appartient au Parlement européen d'en faire un élément de la négociation avec le Conseil.

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