Intervention de Didier Migaud

Réunion du 25 juillet 2012 à 11h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

La Cour dispose de compétences et de missions étendues, mais nous ne vivons pas sous un gouvernement des juges. Il appartient donc au Parlement ou au Gouvernement de répondre à certaines de vos questions.

Madame Erhel, l'État, qui entend percevoir des dividendes des entreprises publiques, se montre souvent exigeant, ce qui pèse parfois sur la bonne marche de ces sociétés comme sur la qualité du service public. Au risque de passer pour peu diplomates, nous avons reproché à certaines institutions d'avoir rendu des arbitrages à court terme, au détriment de l'intérêt général, dans le seul souci d'assurer des recettes complémentaires à l'État. Reste à trouver le bon équilibre, ce à quoi s'attache, je le sais, la commission des finances.

Le problème posé par les aides directes est moins celui de leur volume global que celui de leur affectation. Quel intérêt présentent-elles ? À qui et à quoi sont-elles destinées ? Créent-elles réellement de l'emploi, ou favorisent-elles seulement sa délocalisation sur le territoire national ? Selon une étude qui remonte à quelques années, leur effet sur la création d'emplois, alors même qu'elles représentent un volume considérable, est extrêmement modeste, preuve qu'elles ne sont pas réellement utiles.

Si le financement des PME n'est pas au coeur de nos difficultés, nous en convenons avec madame Berger, certaines d'entre elles rencontrent des problèmes dans ce domaine, notamment après la phase d'innovation, dans leur phase de développement, stade auquel elles méritent d'être confortées, peut-être au prix d'interventions publiques. C'est pourquoi nous préconisons un décloisonnement entre le Fonds stratégique d'investissement et CDC Entreprises, pour éviter des effets de seuil qui leur seraient préjudiciables.

La PAT n'a plus qu'un effet marginal, et elle est versée si tard que son utilité pour les entreprises est loin d'être évidente. La réflexion sur les aides doit être menée dans le cadre global d'une clarification des compétences de l'État et des collectivités territoriales : pourquoi le premier continuerait-il de financer certains dispositifs quand les régions peuvent être beaucoup plus efficaces ?

J'ignore si nous sommes diplomates, mais notre message est clair : la situation financière de l'État et de la sécurité sociale est particulièrement grave et la dépense publique doit être efficace. Pour les comptes de l'État, la Cour n'a pas d'expression publique sur une règle d'or en tant que telle. Nous disons simplement que des règles sont nécessaires mais qu'elles ne sont pas suffisantes : il faut aussi s'attacher à les respecter. Pour les comptes sociaux, en revanche, la Cour est beaucoup plus formelle : elle considère le déficit de la sécurité sociale comme une anomalie, car il n'est pas normal de faire supporter les dépenses courantes de fonctionnement par les générations à venir.

Si l'expression de « révision générale des politiques publiques » est si connotée qu'on évite aujourd'hui de l'utiliser, il faut régulièrement passer les politiques publiques au tamis de l'efficacité. Quel que soit le nom qu'on donne à l'exercice, il est indispensable et doit être le fait de l'ensemble des acteurs : Gouvernement, parlementaires et fonctionnaires. Pourquoi ne pas s'interroger, par exemple, sur l'accumulation des dispositifs ? Dans ce domaine, il reste encore des marges pour limiter la dépense publique.

Ce que nous proposons, que d'aucuns nomment austérité, implique non qu'on baisse le montant de la dépense publique, mais qu'on ne l'augmente pas au-delà de l'inflation. À défaut, il faudra opérer demain un réajustement plus drastique encore, car le contexte international impose aux pays souverains de maîtriser leur endettement.

Vous le voyez : si la Cour ne fixe pas de trajectoire, elle répond à des questions, effectue certains constats et formule des propositions. Pour 2013, elle suggère d'agir à part égale sur les recettes et sur les dépenses, bien que, spontanément, elle privilégierait plutôt la seconde piste. Si la suppression de certaines niches fiscales et sociales ne suffit pas, il faudra nécessairement recourir aux impôts à assiette large. Certains d'entre vous ont réagi quand j'ai parlé d'augmenter « la TVA ou la CSG », mais, dans les commissions parlementaires, certaines voix s'élèvent déjà pour réclamer la remise en cause du taux de TVA sur la restauration, preuve que vous envisagez vous aussi de jouer sur ce levier. Le statut de la Cour et sa collégialité garantissent son impartialité. Son rôle est de faire preuve de pédagogie.

Au risque de répéter le rapport, j'insiste sur la trop faible compétitivité de notre économie. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder notre balance commerciale. Notre pays taxe plus que d'autres le travail et les facteurs de production.

Nous avons émis des réserves sur les partenariats public-privé. Les LBO ont bénéficié d'un effet de mode, et l'on sait que ceux-ci peuvent être pervers. Nous allons travailler sur d'autres sujets, afin de conforter les messages que délivre notre rapport.

La commission d'enquête parlementaire sur les emprunts toxiques a formulé des propositions, et la Cour a souligné la dangerosité des produits à risque. Si le législateur ne peut édicter des règles valant pour le marché financier international, il peut du moins encadrer le recours à l'emprunt des collectivités territoriales ou interdire à certains établissements publics de leur proposer tel type de produit. L'administration des collectivités territoriales est libre, mais dans le cadre des lois qui la réglementent. L'État n'est donc pas démuni s'il veut intervenir. Dans un rapport précédent, nous avons proposé de réserver une part plus grande au délibératif et de rendre plus transparentes les décisions des collectivités.

Enfin, le problème du logement n'est pas seulement lié à la question des moyens budgétaires disponibles. Il est aussi lié au foncier : même quand on dispose de suffisamment de liquidités, il n'est pas aisé de se procurer des terrains pour construire !

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