Intervention de Christian Eckert

Réunion du 25 juillet 2012 à 10h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Eckert, Rapporteur général :

C'est au début de l'été 1990 que la Commission des finances a décidé, à l'initiative de M. Alain Richard, alors rapporteur général, de contrôler l'application des dispositions fiscales dans le cadre d'un rapport d'information spécifique. Il s'agissait de vérifier que la lettre et l'esprit de la loi ont bien été respectés par l'administration, laquelle peut parfois marquer une certaine réticence à appliquer les dispositions voulues par le législateur.

Entre-temps, l'analyse de l'application des lois promulguées a fait l'objet d'une généralisation, sous la forme d'un dispositif de suivi de leur mise en oeuvre, avec la préparation de rapports d'application des lois. Cependant, ces derniers ne portent chacun que sur une seule loi, alors que le rapport sur l'application de la loi fiscale analyse la mise en oeuvre de toutes les mesures fiscales, quelle que soit leur origine.

Je précise qu'il s'agit, conformément à une tradition respectée par tous les rapporteurs généraux qui se sont succédé, d'examiner seulement les conditions juridiques de l'application des dispositions fiscales, en s'efforçant de répondre aux questions suivantes : la loi adoptée par le Parlement a-t-elle été mise en oeuvre par le Gouvernement ? Les textes réglementaires requis ont-ils été publiés ? Les administrations et les contribuables ont-ils été informés de façon satisfaisante des dispositions nouvelles ? La portée de celles-ci a-t-elle été explicitée suffisamment pour en garantir la mise en oeuvre effective ?

Cet exercice, réalisé traditionnellement au printemps ou au début de l'été, ne saurait donc avoir pour objet d'approuver, sur le fond, les dispositions fiscales adoptées – surtout lorsqu'il survient juste après un changement de majorité. Certaines de ces dispositions ont fait l'objet d'un vote consensuel, d'autres, telle la réforme de l'ISF intervenue l'an passé, ont été combattues par l'opposition d'alors. Néanmoins, toutes restent des lois de la République jusqu'à leur éventuelle modification ou abrogation ; à ce titre, l'examen des conditions de leur application s'inscrit pleinement dans la fonction de contrôle de l'action du Gouvernement, qui constitue l'une des missions fondamentales du Parlement, prévue par l'article 24 de la Constitution.

Conformément à la méthode retenue dans les précédents travaux de notre commission, le présent rapport porte, d'une part, sur les dispositions fiscales adoptées dans les lois de finances promulguées avant le 1er janvier 2011, mais qui, à la date du 1er juin 2011, n'avaient pas encore fait l'objet des textes d'application nécessaires, d'autre part, sur les dispositions fiscales contenues dans la loi de finances initiale pour 2012 et dans les lois de finances rectificatives pour 2011 et pour 2012. Au total, il a été procédé à l'analyse des conditions d'application de 249 articles contenus dans 17 lois promulguées entre décembre 2004 et mars 2012, compte tenu des textes dont la Commission avait eu connaissance au 1er juin 2012.

Sur les 249 dispositions fiscales prises en compte, 63, soit un quart, sont en attente des textes d'application ; parmi celles-ci, 7 concernent des textes votés il y a plus de deux ans et demi.

Sur le long terme, on constate une amélioration, à laquelle les rapports annuels sur l'application de la loi fiscale n'ont pu que contribuer. À titre de comparaison, en juillet 1997, dans une configuration politique proche de l'actuelle, le rapporteur général M. Didier Migaud avait relevé que près d'un tiers des 180 articles contenus dans 13 lois promulguées entre le 30 décembre 1991 et le 30 décembre 1996 – soit 56 articles – n'avaient pas encore fait l'objet d'un texte d'application, soit une proportion sensiblement supérieure.

Sur les 54 dispositions fiscales contenues dans la loi de finances initiale pour 2012, 40, c'est-à-dire plus des deux tiers, étaient pleinement en application au 1er juin 2012, soit parce que cette application ne nécessitait pas, selon l'administration, de dispositions particulières – c'était le cas pour 23 articles –, soit parce que les textes d'application nécessaires avaient déjà été pris – c'était le cas pour 17 articles. Il restait donc, au 1er juin dernier, 14 textes en attente d'un texte d'application ou d'une instruction fiscale.

S'agissant des lois de finances rectificatives pour 2011, le taux d'application atteint 76 % : 63 des 83 articles fiscaux soit ont fait l'objet d'un texte d'application, soit ont reçu une application sans nécessiter de mesure réglementaire.

Dans deux cas récents, et sans prendre parti pour ou contre les dispositions concernées, il apparaît que l'administration a pris quelque liberté avec la loi.

L'instruction du 7 mars 2012, commentant les modifications apportées aux droits de mutation à titre gratuit par la première loi de finances rectificative pour 2011, précise ainsi que le dispositif de lissage de l'allongement de six à dix ans du délai de rappel fiscal des donations, introduit à l'initiative du précédent rapporteur général afin d'éviter tout effet de rétroactivité, ne s'applique qu'aux donations effectuées entre le 31 juillet 2001 et le 31 juillet 2005, alors que l'intention du législateur et la lettre de la loi prévoyaient sans ambiguïté que toute donation passée avant le 31 juillet 2011 bénéficierait de ce dispositif en cas de rappel fiscal dans les dix ans suivant l'entrée en vigueur de la loi introduisant le rallongement du délai.

La même instruction indique en outre que le mécanisme de lissage ne s'applique que dans la mesure où il impacte le barème de taxation, et non les abattements ; pour toute donation antérieure inférieure à l'abattement alors applicable, le dispositif adopté se trouve ainsi privé de toute portée. D'ailleurs, en pratique, il n'a quasiment jamais été appliqué.

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