La question de la représentativité des syndicats et du dialogue social était au menu de la grande conférence sociale. C'est un sujet fondamental qui met en regard une situation économique très tendue, aux conséquences sociales lourdes, et un système qui date. Plus que jamais, comme le montre l'actualité des pays voisins, le dialogue social doit être modernisé. Cette réflexion avait été engagée à l'initiative des précédents gouvernements au travers de deux lois. La loi de modernisation du dialogue social de janvier 2007 prévoit que le Gouvernement doit soumettre ses projets de réforme à une concertation préalable avec les organisations salariales et d'employeurs, représentatives au niveau national et interprofessionnel, en vue de l'ouverture éventuelle d'une négociation entre partenaires sociaux. La loi de 2010 complète celle de 2007 en matière de représentativité.
Ces sujets méritent des efforts constants et renouvelés : c'est pourquoi je conçois tout à fait que vous remettiez l'ouvrage sur le métier.
Le problème central est celui de la confiance, qui pose à son tour trois questions : la constitutionnalisation de la démocratie sociale, la représentativité et la transparence.
La constitutionnalisation de la démocratie sociale est pavée de bonnes intentions. Il n'est pas certain toutefois qu'elle permette de renouveler la confiance entre les salariés et les syndicats qui ne représentent que 8 % d'entre eux. J'en suis d'autant moins convaincu que la confiance n'est pas une valeur constitutionnelle. Par ailleurs, n'est-ce pas une autre façon de détourner la vocation profonde de ce texte fondamental qu'est la Constitution ? Le dialogue social est par nature mouvant dans ses formes, ses contenus, ses outils ou ses acteurs. Il dépend également de la situation. De quelle manière la Constitution pourra-t-elle garantir un dialogue social de qualité dans la mesure où ce dialogue ne relève pas du rôle de celle-ci ? Il me semble du reste présomptueux, voire risqué, de graver dans le marbre constitutionnel une nouvelle orthodoxie alors qu'il faut faire confiance tant aux acteurs de la vie syndicale qu'à la représentation nationale. Cette intention risque de plus de conduire à un véritable enfer juridique. Qu'arrivera-t-il lorsque le choix du législateur ne suivra pas les recommandations des partenaires sociaux préalablement saisis ? Quel sera le statut de ce corpus juridique qui devra animer la démocratie sociale tout en respectant le principe fondateur de la démocratie représentative ?
Je n'ai aucune remarque particulière à faire sur la représentativité : je suis d'accord avec vous sur le sujet.
Enfin, la feuille de route sociale aborde de façon liminaire la transparence des comptes des organisations syndicales et professionnelles, qui est une des clés essentielles de la confiance des salariés et des employeurs à l'égard de leurs représentants, car c'est la source réelle de la légitimité de la démocratie sociale que nous appelons tous de nos voeux.
Il me semble indispensable, notamment à l'intention des nouveaux commissaires, de rappeler les mécanismes de financement de ces organisations. C'est ce qu'a fait avec une grande rigueur notre ancien collègue Nicolas Perruchot, dans un rapport de commission d'enquête que j'ai personnellement approuvé mais qui a été enterré : c'est une première sous la Ve République ! Animés de la même conviction républicaine que nous, nos nouveaux collègues seront convaincus de la nécessité de traiter ce problème : l'espérance qu'ils incarnent ne saurait en effet cohabiter avec une forme de magma juridique et financier dont le moins qu'on puisse dire est qu'il manque de clarté.
Ce rapport avait eu le mérite de montrer que les financements des organisations syndicales et professionnelles restent structurellement opaques, alors que des sommes très importantes sont en jeu, en raison du nombre et de la diversité des canaux de financement – une vraie liste à la Prévert ! La situation est donc très complexe. Les ressources des organisations syndicales sont du reste si nombreuses que les cotisations n'en constituent qu'une part complémentaire. C'est une exception française. Le poids financier total s'élève à quelque 5 milliards d'euros par an – 1 milliard pour les organisations patronales et 3,9 pour les organisations de salariés –, alors même que la France connaît un des plus faibles taux de syndicalisation d'Europe. Cette question ne devra pas être écartée du dialogue que vous aurez avec les partenaires sociaux à la suite de la grande conférence sociale.