Intervention de Jean-Marc Ayrault

Séance en hémicycle du 20 février 2013 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020 de l'union européenne et débat sur cette déclaration

Jean-Marc Ayrault, Premier ministre :

Nous devons être fiers de ce qui a été fait, même si certains auraient voulu obtenir davantage. La France a joué un rôle majeur, celui de lien entre les contributeurs nets et les bénéficiaires nets. Elle a contribué à la mise au point d'un compromis d'équilibre entre les préoccupations nationales et les ambitions européennes.

Sans vouloir être désagréable avec nos amis de Londres, la France a d'ailleurs bloqué les rêves britanniques de réduction draconienne des crédits d'engagement qui, au final, seront supérieurs d'environ 100 milliards d'euros au budget exécuté pour la période actuelle ; quant à la différence entre les crédits d'engagement et les crédits de paiement, elle est limitée à 5 %, à l'instar de ce qui avait été convenu lors des négociations précédentes. Même s'il peut sembler technique, cet acquis mérite d'être souligné. D'une manière générale, il vaut mieux être précis dans ce débat, plutôt que de lancer des appréciations aléatoires.

À aucun moment, la France n'a renoncé. Nous avons exprimé nos lignes rouges et les thèses extrêmes ne l'ont pas emporté. La solidarité a joué, et même le Royaume-Uni, dont on connaît les positions, a été obligé de renoncer à une part de ses retours – et pourtant, que n'a-t-on dit sur le chèque britannique !

C'est donc un budget à la hauteur de notre ambition pour l'Europe et pour la France que nous avons obtenu les 7 et 8 février derniers. Le président de la République a défendu un budget résolument européen, un budget qui allie le sérieux budgétaire à la croissance, un budget qui assure le financement des politiques de l'Union. C'est vrai, le sérieux et la responsabilité budgétaires s'imposent pour retrouver notre compétitivité et nos marges de manoeuvre – ces principes nécessaires n'ont d'ailleurs pas d'autre objectif : ils ne sauraient constituer une fin en soi. Mais nous ne redresserons pas nos comptes en faisant de l'austérité notre seul horizon : contrairement à ce qu'affirment certains, ce n'est pas la politique de la France.

C'est en offrant une véritable perspective de croissance que nous rétablirons l'économie européenne et la confiance des Européens. L'Europe que nous voulons est une Europe dans laquelle le sérieux budgétaire des États se voit conforté par de grandes initiatives pour la croissance et l'investissement. Une Europe qui comprend que la responsabilité nationale et le volontarisme européen ne s'annulent pas mais, au contraire, se nourrissent l'un l'autre. Une Europe qui donne une perspective d'avenir et une justification aux efforts de ses peuples. Refuser ce double mouvement, refuser cette complémentarité, c'est aggraver encore la crise économique, c'est accentuer la souffrance et le découragement, c'est prendre le risque de toutes les aventures.

Le gouvernement précédent voulait défendre la PAC au détriment de la politique de cohésion et des crédits de recherche et d'innovation. Nous avons voulu cesser d'opposer les politiques entre elles, ouvrir le débat sur les ressources propres, et défendre les programmes essentiels pour nos concitoyens en difficulté. Et nous y sommes parvenus ! Nous avons en effet trouvé la voie d'un compromis sur ces bases, un compromis répondant à nos objectifs tant sur le plan des intérêts de la France que de ceux de l'Europe.

Par ailleurs, ce compromis préserve la politique agricole commune. Il va lui permettre de se moderniser, d'être à la fois plus durable et plus équitable. Nous sommes attachés à la PAC parce que nous avons besoin d'une agriculture performante au service de la sécurité alimentaire – l'actualité nous le rappelle – mais aussi d'une industrie agroalimentaire moderne, durable et puissante. Dans ce domaine, la France dispose d'atouts pour défendre ses intérêts. Nous avons obtenu de conserver notre dotation, avec une importance accrue accordée au développement durable et des possibilités de flexibilité entre les deux piliers – nous nous sommes battus pour avancer sur cette dernière question, très importante à nos yeux. À la veille de l'ouverture du salon de l'agriculture, je note que les responsables des syndicats agricoles français ont su mesurer l'action du Président de la République et ses résultats, qu'ils n'ont pas hésité à saluer. Ils ont pesé la difficulté de l'objectif et ont apprécié qu'il soit atteint.

Ce compromis préserve également la politique de cohésion. La France a réclamé et obtenu la création de la catégorie des régions en transition pour les régions dont le PIB est compris entre 75 et 90 % de la moyenne communautaire, ce dont le précédent gouvernement ne voulait pas. Dix régions françaises appartenant à cette catégorie bénéficieront d'une aide par habitant supérieure à celle des régions les plus développées, ainsi que d'un taux de cofinancement majoré. Nous avons, par ailleurs, obtenu l'aide aux régions ultrapériphériques, c'est-à-dire à nos départements d'outre-mer.

La France s'est également mobilisée sur la question de l'emploi des jeunes, conformément à l'engagement du Président de la République de placer la jeunesse au coeur de nos priorités. C'est justement l'une des innovations de ce budget : la création d'un fonds pour l'emploi des jeunes, doté de 6 milliards d'euros, pour les régions dont le taux de chômage des jeunes est supérieur à 25 % en 2012. Là encore, plusieurs de nos régions en bénéficieront.

Ce compromis a également permis d'augmenter une enveloppe essentielle à l'avenir de l'Europe, celle allouée à la croissance et à l'innovation, qui progressera de près de 40 % par rapport à la période actuelle. Le programme Horizon 2020 pour la recherche et le développement ainsi que le programme Erasmus verront leurs moyens croître fortement. L'Union européenne se dote donc des moyens de financer les grands projets tels que GMES, ITER et Galileo, qui nous sont chers parce qu'ils traduisent une vraie ambition, tant stratégique qu'industrielle.

Un effort particulier a également été accompli en faveur des infrastructures : le mécanisme d'interconnexion pour l'Europe, qui finance les grands projets dans le domaine des transports, de l'énergie et des télécommunications, voit sa dotation plus que doublée avec une enveloppe de 19 milliards d'euros, dont 13 consacrés au volet transports, auquel la France est particulièrement attachée.

Quant au programme européen d'aide aux plus démunis, je veux dire que, contrairement à ce que l'on a pu entendre, il a été sauvé. Les attaques de l'opposition que nous avons subies ces derniers jours ne manquent pas de saveur…

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