Dans un tel contexte, c'est bien de l'Europe – j'allais dire de l'Europe seule – que pouvaient venir des mesures contracycliques fortes, susceptibles de redonner de l'oxygène à un moteur économique en voie d'étouffement.
Oui, l'Europe avait des marges de manoeuvre, puisque le budget de l'Union ne pèse que 1 % du PIB. Oui, l'Europe avait des moyens d'agir, puisque l'Union n'est pas frappée de l'endettement qui caractérise les États. Oui, l'Europe avait l'occasion d'engager des investissements stratégiques, destinés à accompagner les mutations industrielles et à répondre tout à la fois à la crise environnementale et aux défis technologiques qui feront la compétitivité de demain.
Mais en fixant des objectifs comptables, en refusant que l'Union soit dotée, à court ou moyen terme, de ressources propres qui lui éviteraient d'avoir à marchander en permanence les contributions des États membres, les chefs d'État et de gouvernement avaient indiqué dès 2010 un cap qui ressemblait fort à une impasse.
En entrant dans les négociations, M. Van Rompuy se voyait donc fixé un cadre inadapté, presque une gageure, tant les positions des uns et des autres paraissaient éloignées. Il fallait, pour en sortir, des talents de négociateur hors pair. Et précisément – reconnaissons-lui cela : négocier, c'est tout ce que M. Van Rompuy sait faire ! Au terme d'un numéro de bonneteau où il a agi en bilatéral et pratiqué une série de trocs successifs avec chacun des vingt-sept pays de l'Union, M. Van Rompuy a, au final, produit une proposition qui constitue la base du compromis adopté il y a quelques jours par les chefs d'État et de gouvernement.
Il y aurait de quoi, nous dit-on, en être soulagé, ce compromis étant le « meilleur possible ». Les parlementaires n'étant pas partie prenante – c'est la logique des institutions, et je ne le dis pas pour m'en plaindre – des discussions et des négociations, je ne peux vous dire, et personne ici ne peut en juger réellement, si un autre compromis, dans de telles conditions d'élaboration, était possible. Mais il est à nos yeux une certitude, partagée et exprimée par les quatre grands groupes du Parlement européen – à gauche, à droite, au centre et chez les écologistes : ce compromis est mauvais, car il n'est que la somme de tous les égoïsmes nationaux, au premier rang desquels il faut citer l'intransigeance britannique. J'ai d'ailleurs, au passage, entendu que ce matin Jean-François Copé a salué le « diagnostic implacable sur les forces et les faiblesses européennes » dressé par M. Cameron…