Intervention de Michel Sapin

Réunion du 25 juillet 2012 à 16h15
Commission des affaires sociales

Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social :

Les emplois d'avenir constitueront le premier sujet soumis à votre examen. Dans la sphère non marchande, des emplois pourront être créés dans les hôpitaux, les maisons de retraite ou les associations d'aide à domicile, secteurs accessibles à des jeunes de faible formation et où l'encadrement existe déjà, ce qui n'est pas le cas de l'ensemble du tissu associatif. La comparaison avec les emplois jeunes a ses vertus mais également ses limites : beaucoup d'emplois jeunes furent octroyés à des personnes diplômées de l'enseignement supérieur qui occupaient souvent des postes d'animateur, de dirigeant ou de permanent dans les associations et qui prenaient en charge des jeunes se trouvant en situation plus difficile.

Avec le nouveau dispositif, l'objectif sera de s'attaquer au noyau dur du chômage des jeunes. Il s'agit d'un dessein ambitieux, qui requiert de la formation, de l'encadrement et, de la part des employeurs, la connaissance du but poursuivi. Certes, notre intention est de créer 100 000 postes l'année prochaine mais nous ne souhaitons pas faire du chiffre pour faire du chiffre mais bien de permettre à une catégorie de la population très éloignée du marché du travail d'y avoir accès. Il n'est pas exclu que des personnes ayant un niveau d'étude supérieur au baccalauréat puissent décrocher un emploi d'avenir. Dans certains quartiers de nos villes ou dans des zones rurales éloignées d'un bassin d'activité, certains jeunes diplômés sont toujours au chômage au bout d'un an de recherche du fait de leur prénom ou de l'adresse de leur logement. L'idée du tremplin et celle de l'accès au premier emploi, à un poste pérenne ou à une formation, se situent au coeur de notre conception de ces emplois d'avenir.

Ce dispositif aura un coût mais le budget de l'emploi a été déclaré prioritaire. J'adhère au souci de rétablir l'équilibre budgétaire, car c'est l'intérêt de la France, et mon budget devra participer à l'effort commun, mais nous veillerons à ce que les crédits ne concernant pas directement les politiques de l'emploi ne soient pas amputés au-delà du raisonnable.

Le plan automobile repose sur deux piliers. Le premier, c'est l'urgence et la situation du groupe PSA. Il est heureux que le Président de la République, le Premier ministre, le ministre du redressement productif et moi-même ayons été sévères pour les premières propositions du plan social émises par la direction de PSA comme avec les responsables de l'ancienne majorité qui ont oeuvré pour que la prise des décisions indispensables soit repoussée. Dès lors, les positions ont commencé à se modifier, et M. Philippe Varin, le président du directoire de PSA, a pris des engagements nouveaux devant le Premier ministre. S'ouvre maintenant la négociation entre partenaires sociaux. Le respect et la confiance qui leur sont dus doivent nous inciter à laisser le dialogue social – au sein des établissements comme du groupe – permettre à la situation d'évoluer afin que moins de postes soient supprimés, que davantage d'activité soit maintenue – notamment à Aulnay – et que l'accompagnement personnel de ceux qui perdront leur emploi soit plus efficace.

Les « coups de boutoir » assénés par le Gouvernement ont ouvert un champ au dialogue social resté jusque-là fermé. La négociation s'est ouverte ce matin avec le comité central d'entreprise, et elle reprendra en septembre ; elle devra se conclure dans les semaines qui suivront afin que PSA puisse rééquilibrer sa situation sans que les dégâts sociaux et territoriaux soient de trop grande ampleur.

Le second fondement du plan automobile repose sur l'anticipation. Il faut éviter de se trouver confronté à des plans de licenciement immédiats. La voiture de demain sera différente de celle d'aujourd'hui ; sa fabrication requerra des compétences et des mécanismes de production nouveaux. Notre devoir est de prévoir ces changements et de les accompagner, notamment par le dialogue social. M. Montebourg, ministre du redressement productif, et moi-même avons annoncé ce matin lors d'une conférence de presse que les partenaires sociaux de l'ensemble de la filière automobile se réuniront en septembre prochain afin de préparer l'avenir. Notre rôle sera d'accompagner les procédures concertées qui seront mises en oeuvre, notamment dans les domaines de la formation et du chômage partiel – on utilise trop peu ce dernier en France. Quant à la formation, elle bénéficie beaucoup moins aux chômeurs qu'aux personnes possédant déjà un emploi – et, au sein de cette population, à celles disposant déjà de nombreuses compétences. Une réorientation est donc indispensable.

Les représentants des salariés et des entrepreneurs dressent le même constat : le droit des procédures de licenciement doit être réformé car la situation actuelle est source d'insécurités. Certains chefs d'entreprise, au vu de la difficulté d'anticiper la longueur et le coût de la procédure, me confient même regretter l'autorisation administrative de licenciement. Je vous rassure, nous ne vous proposerons pas de la rétablir. Mais ne pourrait-on pas trancher certaines questions en amont de la saisine du juge ? S'agissant du motif du licenciement, par exemple, une information loyale des représentants des salariés permettrait peut-être de régler ce problème sans attendre des années, quand on ne peut plus apporter comme solution qu'un versement financier. Cela permettrait de se concentrer sur les moyens d'accompagner la transition de l'activité de l'entreprise.

La réforme de la procédure de licenciement passera par une loi, mais ce sujet est déjà inscrit à l'agenda de la négociation sociale portant sur les mutations et la sécurisation de l'emploi. À l'issue de ces discussions, un projet de loi vous sera présenté.

Ce sujet me donne l'occasion de préciser ma conception de l'articulation entre la démocratie sociale et la démocratie politique. Nous n'avons pas de tradition en France pour la première, alors que notre conception, légitime aux yeux du député que j'ai été pendant des années, de la seconde, reposant sur la souveraineté du peuple, est très forte. Or, les deux peuvent être conciliées, voire renforcées l'une par l'autre. D'où l'idée de reconnaître la place de la démocratie sociale en l'insérant dans la constitution. Il ne s'agit pas de conférer à un accord entre partenaires sociaux une valeur supérieure à la loi – une telle hiérarchie des normes existe dans certains pays mais ne serait pas adaptée au nôtre - mais de reconnaître l'importance de la démocratie sociale et de veiller à son bon fonctionnement. Notre ambition est de réconcilier la démocratie sociale avec la démocratie politique en renforçant la première sans affaiblir la seconde.

Les améliorations à apporter au système de formation professionnelle devraient, à moyens financiers constants, permettre d'atteindre de bien meilleurs résultats. La nouvelle phase de décentralisation devrait clarifier les responsabilités. Quant à la gestion par les partenaires sociaux de crédits dans ce domaine, elle est souvent satisfaisante mais pourrait, elle aussi, être plus efficace.

Des opacités ont été relevées dans le financement de certaines organisations patronales et salariales. Les partenaires sociaux sont conscients du travail qu'il convient de mener. Ils vont d'ailleurs être consultés avant que ne soit déposé, au début de l'année prochaine, un projet de loi sur la transparence de la gestion des comités d'entreprise.

Dans l'opposition, nous n'avons jamais contesté le principe de la création de Pôle emploi. Cependant, la fusion de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et des Assedic dans cette nouvelle structure s'est opérée dans le but de réaliser des économies. Alors même que le nombre de chômeurs augmentait considérablement, 1 800 emplois ont été supprimés, ce qui a désorganisé Pôle emploi. Ainsi, le recrutement de 2 000 nouveaux agents s'apparente donc davantage à des rétablissements de postes plutôt qu'à des créations. La réorganisation de Pôle emploi s'effectue par l'octroi de moyens supplémentaires, par la rationalisation du travail, par une territorialisation des missions et par la recherche d'une plus grande efficacité dans l'orientation des chômeurs afin que l'offre et la demande d'emploi puissent se rencontrer.

Pour conclure, je souhaiterais partager avec vous la conviction de l'utilité du temps de la négociation, y compris, et même surtout, dans l'urgence. Cela permet ensuite aux décisions d'être prises plus rapidement et appliquées plus efficacement. Tel est l'état d'esprit qui anime le Gouvernement et les partenaires sociaux.

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