Les situations budgétaires de la France et de l'Europe sont indissociables. Partout sur le continent, les politiques d'austérité échouent. La France ne fait pas exception : croissance atone, emploi en berne, aggravation des inégalités, baisse de la dépense publique et des dotations aux collectivités territoriales.
La réévaluation de la croissance du PIB français autour de 0,2 %, au lieu des 0,8 % qui avaient été annoncés, prouve que l'austérité renforce la crise. Elle prive les États des moyens budgétaires indispensables pour redresser leur économie et pour relancer la croissance, par la consommation et grâce à une politique industrielle volontariste.
Le budget de la nation est amputé de 10 milliards d'euros, mais 20 milliards de crédit d'impôt sont offerts aux entreprises ! Comment accepter que l'on sacrifie des dépenses utiles pour faire des cadeaux aux entreprises, essentiellement les plus grandes, sans aucune garantie sur la relance de l'économie ou les efforts qu'elles pourraient consentir dans la recherche ou l'investissement ?
En lançant un audit sur un périmètre de 55 milliards d'aide aux entreprises, le Gouvernement reconnaît d'ailleurs l'inefficacité de ces mesures et leur manque de contrôle. Ces aides sont d'autant plus injustifiables qu'un nouveau plan de rigueur qui ne dit pas son nom se prépare, avec à la clé 4,4 milliards d'euros de coupes budgétaires pour les collectivités territoriales.
Ces choix économiques contestables se retrouvent au niveau européen.
Je regrette que Gouvernement n'ait pas pu infléchir les orientations libérales européennes promues par Londres et Berlin. Le budget pluriannuel 2014-2020 de l'Union européenne est en effet marqué du même sceau de l'austérité.
Cet acte politique majeur ne parvient pas à donner une orientation ambitieuse pour l'Europe en matière de politiques économiques, d'investissements publics et de politiques de solidarité.
Pourtant, ce débat prend une dimension particulière au regard du contexte. La précarité, le chômage, la pauvreté et les inégalités ne cessent en effet de progresser : 120 millions de personnes sont menacées par la pauvreté ou l'exclusion sociale en Europe.
Malgré l'urgence, la Commission européenne et le Conseil européen sont restés sourds aux besoins des peuples. Sans projet ni vision d'avenir, l'Europe comptable a prévalu, symbolisée par l'objectif de réduction du déficit à 3 %, qui est désormais inatteignable.
Les négociations ont certes débouché sur un compromis mais c'est en réalité une victoire pour les États les plus libéraux, au premier rang desquels le Royaume-Uni et l'Allemagne. L'accord conclu lors du Conseil européen du 8 février dernier se traduit en effet par une diminution du budget de 36 milliards d'euros, soit une baisse de 5 % par rapport à la période 2007-2013.
Ce budget est le résultat de renoncements successifs. Sous la pression du Premier ministre britannique, qui souhaite, je ne crains pas de le dire ici, l'échec de la construction européenne, le budget a été réduit de plusieurs dizaines de milliards d'euros lors des négociations. C'est bien en deçà de la proposition de budget élaborée par la Commission européenne, déjà peu ambitieuse.
Pour la première fois de son histoire, le budget de l'Union européenne va diminuer. Cette décision est historique car elle signifie l'abandon de toute ambition d'une Europe politique, exprimant ainsi un manque de confiance dans la construction européenne.
Le seul point d'accord fut la poursuite d'une politique d'austérité. Les chefs d'État et de gouvernement ont confirmé leur obsession de la rigueur budgétaire, une obsession qui l'a de nouveau emporté sur la relance de la croissance, la solidarité et la justice sociale.
Un tel cadre budgétaire pluriannuel nous condamne à un budget d'austérité pour sept ans ! Pis, il condamne l'Europe à la récession économique et à la régression sociale. Le modèle allemand lui-même n'en sortira pas indemne. C'est une telle absurdité économique que les principales formations politiques du Parlement européen ont exprimé conjointement leur opposition.
La relance des économies européennes par l'investissement aurait dû guider les chefs d'État et de gouvernement. La relance ne peut résulter que d'une stratégie européenne de croissance fondée sur quelques axes fondamentaux : l'investissement massif dans des projets d'infrastructure, dans la réindustrialisation de nos territoires, les énergies renouvelables et les technologies de pointe.
Au plus fort de la crise financière, les États européens ont su recapitaliser les banques à hauteur de 3 000 milliards d'euros…
Ce budget s'inscrit dans la lignée du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance conçu par Mme Merkel et M. Sarkozy, dont nous avions raison de dire qu'il serait synonyme d'austérité pour les peuples. En dépit des déclarations du Président de la République qui prétendait vouloir réorienter l'Europe vers la croissance, l'Union européenne n'a pas dévié de son credo libéral de réduction des dépenses et des déficits.
Cette politique est une impasse. Comment peut-on espérer réduire la dette sans restaurer la croissance ?
La stratégie Europe 2020 avait fixé, en mars 2010, un certain nombre d'objectifs : taux d'emploi à 75 % pour les femmes et les hommes, réduction de 20 % des émissions de gaz à effets de serre, investissement public dans la recherche à hauteur de 3 % du PIB européen. Aussi limités soient-ils, ils ne pourront être atteints dans le cadre de ce budget d'austérité.
Le cadre financier pluriannuel de l'Union européenne impose un certain nombre de coupes budgétaires qui sont inacceptables pour nous, partisans d'une Europe moderne et sociale.
Nous avons défendu aux côtés d'associations comme les Restos du coeur, la Croix-Rouge ou le Secours populaire, le maintien du programme alimentaire européen des plus démunis, dont dépendent 18 millions d'Européens dans le besoin. Cette revendication, portée par l'ensemble des tendances politiques, a permis de maintenir in extremis le dispositif, mais je regrette la forte baisse de ses crédits : l'enveloppe passe de 3,5 à 2,5 milliards d'euros, alors que l'aide alimentaire, qui ne concerne que 17 pays aujourd'hui, sera étendue aux 25 pays de l'Union européenne.
L'Europe ne doit pas, et encore moins en période de crise, oublier les citoyens dans la précarité, menacés de sombrer dans la pauvreté.
Par ailleurs, la diminution drastique des fonds de cohésion et de solidarité illustre le triomphe des égoïsmes nationaux.
Ce budget a été amputé de près de 30 milliards d'euros par rapport à celui de 2007-2013, ce qui est inacceptable car l'objectif essentiel de réduction des disparités régionales en Europe s'en trouve menacé. Nous refusons que l'Europe se construise sur la concurrence entre les peuples et les territoires.
Le budget de la politique agricole commune a été également réduit de 47 milliards d'euros sous la pression d'États comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne. Si une réforme de ce dispositif est nécessaire, il n'en reste pas moins que la réduction des crédits est une source d'inquiétude pour le monde agricole.
Enfin, le Fonds européen d'ajustement à la mondialisation, censé amortir le choc des plans sociaux que nous connaissons actuellement, diminue de 70 %. Ce sont 350 millions d'euros en moins pour les salariés victimes du libéralisme effréné et de la course à la rentabilité.
Globalement, les partisans d'une Europe ultralibérale repliée sur l'intérêt national ont triomphé à l'issue des négociations. La réorientation de l'Europe en faveur de la croissance et de l'investissement n'a pas eu lieu. Je regrette de dire que le Gouvernement et le Président de la République ont été impuissants face à la toute-puissance des libéraux que sont les gouvernements allemand et britannique.
Les députés du Front de gauche appellent de leurs voeux un profond changement des orientations européennes. Il est urgent de renouer avec de grands projets industriels mobilisant les compétences et la contribution de l'ensemble des États membres, tel Airbus.
Le démantèlement de la sidérurgie européenne, secteur au fondement de la révolution industrielle européenne, appelle des réponses énergiques pour refaire de l'Europe un acteur majeur de la politique industrielle.
Concernant les investissements d'avenir, nous appelons à un effort particulier en faveur de la recherche et de l'innovation, notamment dans le domaine de la transition écologique et énergétique. C'est une source majeure de croissance et d'emplois.
Par ailleurs, face à la défiance toujours plus grande des citoyens envers l'Europe, il convient de mettre en oeuvre les moyens nécessaires au renforcement de l'identité européenne, au soutien à la jeunesse et aux associations.
Ainsi, nous rappelons notre attachement à une augmentation des crédits pour le nouveau programme en matière d'éducation, de formation, de jeunesse et de sport, intitulé « Erasmus pour tous », de manière à permettre à ce programme, qui contribue à forger la conscience européenne et à préparer l'avenir, d'être pleinement efficace.
Comme je me suis attaché à le démontrer, ainsi que les députés communistes du Front de gauche, le budget de l'Union européenne pour la période 2014-2020, marqué du sceau de l'austérité, ne permettra pas à l'Europe de sortir de la crise. Il ne permettra pas à l'Europe de redevenir un espace de progrès et de solidarité entre les peuples.
Le Parlement européen aura bientôt à se prononcer sur ce budget. Les députés communistes et du Front de gauche souhaitent que les parlementaires européens maintiennent leur opposition constructive pour qu'un budget plus ambitieux voie le jour. Nous appelons dès maintenant le Gouvernement à s'engager dans cette bataille vitale pour préserver le rêve européen.