Intervention de Émilienne Poumirol

Séance en hémicycle du 21 février 2013 à 9h30
Élargissement des conditions d'attribution de la carte du combattant aux anciens combattants de la guerre d'algérie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmilienne Poumirol :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense, monsieur le rapporteur, chers collègues, la carte du combattant est un titre de reconnaissance initialement créé après la première guerre mondiale, étendu par la suite aux conflits postérieurs, d'abord en France et en Afrique du Nord, puis aux opérations extérieures depuis 1993.

La règle de base, pour en bénéficier, est comme son nom l'indique d'avoir combattu dans le cadre d'un conflit. Pour tenir compte de la situation spécifique en Afrique du Nord, un assouplissement de cette règle a été accordé, en remplaçant le critère de participation au feu par un critère de présence durant la période de conflit. Ainsi, pour la guerre d'Algérie, la carte du combattant est donnée aux personnes justifiant de quatre mois de présence, avec ou sans connaissance d'une situation de feu.

Cependant, afin de ne pas détruire totalement ce qui fait l'essence même de la carte du combattant, la réglementation indique que cette particularité est spécifique à la situation de guérilla en Afrique du Nord et ne s'applique plus une fois la guerre terminée. C'est pourquoi le droit à la carte du combattant s'éteint au moment où la guerre d'Algérie s'arrête, soit le 2 juillet 1962. A contrario, pour ceux qui furent présents après ce 2 juillet bénéficient d'une autre reconnaissance spécifique : c'est le titre de reconnaissance de la nation. L'argument de l'égalité ne tient donc pas, puisque toutes les personnes présentes au même moment bénéficient du même régime.

L'action de M. Guilloteau est bien entendu louable, puisqu'elle vise à renforcer la reconnaissance des anciens combattants. Cependant, cette proposition de loi, en voulant étendre des droits, casse en réalité ce qui fait l'essence même de la carte du combattant : c'est un titre de guerre, lié à des actions de guerre. Ce texte conduirait malheureusement à une déstructuration du code des pensions. Il permettrait à des appelés, arrivés plus d'un an et demi après l'indépendance de l'Algérie, donc plus d'un an et demi après la fin de la guerre, de demander malgré tout la carte du combattant. Cela reviendrait à minorer la reconnaissance déjà délivrée aux soldats ayant démontré leur participation à cette guerre.

Cette modification élude la différence fondamentale entre des actes de guerre et des missions de stabilisation après un conflit. Ce n'est pas parce que les acteurs restent des appelés, et que la tâche reste dangereuse, qu'il s'agit de la même mission.

Il existe pourtant une convergence de vue entre nous pour ce qui touche aux appelés dont le temps de présence a été partagé entre période de guerre et période de paix à la suite de l'indépendance. Sur ce point, le ministère a déjà pris un engagement ferme pour permettre aux personnes présentes sur ces deux périodes de bénéficier de la carte du combattant. Monsieur le rapporteur, vous avez d'ailleurs vous-même amendé votre proposition en vous calant sur cette ligne du ministère : on peut donc espérer que vous soutiendrez cette action lorsque nous examinerons le budget des anciens combattants pour 2014.

J'appelle également votre attention sur le risque de créer un précédent. Pourquoi en effet, si cette proposition de loi était votée, ne pas donner la carte du combattant à l'ensemble de nos personnels présents dans d'autres missions analogues, par exemple au Kosovo ou en Afrique ?

J'ajoute que la modification proposée par M. Guilloteau est diplomatiquement difficile, puisqu'elle reviendrait à considérer que la guerre d'Algérie s'est poursuivie deux années après l'indépendance, autrement dit, que nous étions en guerre avec un État indépendant.

De plus, une telle extension serait incohérente avec la loi adoptée il y a quelques mois, visant à reconnaître la date du 19 mars 1962, c'est-à-dire la date de la cessation du feu en Algérie, comme journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.

La proposition de loi de M. Guilloteau comporte un second volet relatif à l'attribution de cette même carte, cette fois aux anciens d'OPEX. Le droit à la carte du combattant a été étendu aux opérations extérieures par la loi du 4 janvier 1993. Or, paradoxalement, alors qu'on pouvait s'attendre, de la part de M. Guilloteau, à une amélioration des droits des anciens d'OPEX, il les fait régresser puisque son texte substitue à la condition des trois mois de combats une durée plus longue de quatre mois de présence.

On peut se demander également si trois mois de situation de combats sont comparables à quatre mois de simple présence. On en revient à la même problématique : on détruit le lien entre le motif pour lequel la carte du combattant a été créée, et celui pour lequel on la délivre. Il est donc préférable de ne pas modifier la règle concernant les OPEX pour ne pas allonger d'un mois la condition de temps nécessaire, mais également pour ne pas dénaturer l'essence même de la carte du combattant.

En somme, si je constate une divergence de vue entre nous sur la nature même de la carte du combattant, je me félicite en revanche de notre convergence sur la question du chevauchement du 2 juillet 1962. J'invite donc notre collègue à retirer son texte afin que nous le retravaillions ensemble à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2014. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

2 commentaires :

Le 29/10/2013 à 15:54, TREHIOU Yves a dit :

Avatar par défaut

Je me permets de vous poser une question! car effectivement j'ai un titre de reconnaissance de la nation pour ma présence en Algérie du 21.07.1962 jusqu'au 12.08.1963 et d'après votre raisonnement la guerre était finie! Donc nous n'avons couru aucun risque!! on se demande pourquoi la France nous a envoyé sur ce territoire? nous n'avons pas droit à la carte d'anciens combattants.... c'est le point que vous défendez.

Pouvez vous m'expliquez quelles sont les critères pour obtenir la légion d'honneur? trouvez vous normal qu'elle soit à ce jour décernée à des chanteurs..sportifs..etc ? je pense que là il y a un plus grand débat..

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 25/03/2014 à 17:50, LEVALLOIS Jean a dit :

Avatar par défaut

J'abonde sur le commentaire de Yves TREHIOU, j'ai débarqué moi aussi à Oran le 21.07.62. Je ne crois pas que nous y allions pour du tourisme. Descendant du bateau une escorte fortement armée nous attendait pour nous conduire à notre camp de dispaching. La consigne était "si un tire avait lieu tout le monde devait sauter du camion sur ordre de l'officier." J'en conclu que tout n'était pas si sûr que ça.

Quelques mois plus tard, installé notre camp à Inkermann, près de Relisane, il nous est arrivé d'essuyer à plusieurs reprises des tires sur les toilettes du camp placées un peu à l'extérieur de celui-ci. Un jeu apprécié par les camions de militaires algériens de la Wilaya qui passaient devant notre camp. Fort heureusement nous n'avons pas eu de blessé.

Alors si notre présence n'était plus nécessaire, qu'il n'y avait plus aucun danger, pourquoi nous y a-t-on envoyé ?

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Inscription
ou
Connexion