Intervention de François Houllier

Réunion du 24 juillet 2012 à 16h45
Commission des affaires économiques

François Houllier, candidat à la présidence de l'Institut national de la recherche agronomique, INRA :

Je vois dans toutes ces questions les prémices de l'interaction que vous souhaitez voir se développer entre l'Institut et le Parlement !

Ce n'est pas du côté de nos filiales qu'on peut redouter des conflits d'intérêts. Elles sont au nombre de deux. Agri Obtentions, dédiée à la valorisation des innovations variétales, se comporte en acteur pour partie privé du secteur semencier ; elle mène des recherches sur ses fonds propres et valorise les variétés que nous produisons dans le cadre d'un accord de partenariat privilégié avec l'Institut. Elle s'est orientée vers le développement d'une agriculture durable, créant par exemple des variétés de blé rustiques, c'est-à-dire tolérantes aux maladies et nécessitant à ce titre moins d'intrants. L'autre filiale, INRA-Transfert, nous aide à organiser notre transfert de technologies et joue en particulier un rôle important dans le montage de projets nationaux ou européens et dans la coordination de leur exécution.

Quant au groupement d'intérêt scientifique (GIS) Biotechnologies vertes, il a été conçu pour associer l'ensemble de la recherche publique – INRA, CNRS, CEA, IRD, CIRAD – et l'ensemble des semenciers nationaux qui font de la recherche, y compris des entreprises de taille moyenne, ainsi que les acteurs des filières – les instituts techniques et même certaines entreprises de valorisation. C'est donc une plateforme collaborative extrêmement ouverte, travaillant en amont sur des projets compétitifs, et la formule est également propre selon nous à écarter le danger de conflits d'intérêts.

En 2011, monsieur Herth, l'INRA avait passé 270 contrats de recherche avec des entreprises pour un montant de 12,45 millions d'euros, soit 1,5 % de son budget. Même si ce montant a crû au cours des dernières années, il reste modeste tout en autorisant des interactions intéressantes, y compris encore avec des entreprises de taille moyenne. Notre objectif est à la fois de développer la recherche au sein de l'Institut et d'être utile à ces acteurs privés.

Nous tenons à ce que l'ensemble de nos activités soit évalué, en particulier par l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur. L'important pour nous est que ces activités, qu'elles concernent la production de connaissances, les transferts, la valorisation ou l'impact, aboutissent à des productions « avérées », c'est-à-dire évaluables et évaluées, qu'elles prennent la forme de partenariats avec des acteurs socio-professionnels ou avec une chambre d'agriculture ou un institut technique. Lorsque l'INRA a lui-même été évalué, en 2009-2010, nous avons mis l'accent sur l'impact de nos recherches et notre Document d'orientation 2010-2020 s'intitule d'ailleurs « Une science pour l'impact ». Cela nous conduit aujourd'hui à avoir un projet et à mener des recherches particulières sur ce qu'est l'impact des recherches agronomiques, sur la façon dont des travaux menés très en amont contribuent progressivement à ce que des innovations s'imposent – ce que j'ai appelé la « trajectoire d'impact ».

À cet égard, j'insisterai sur l'importance du « pas de temps ». Nos partenaires nous demandent souvent de publier nos recherches de façon plus visible et d'en transférer les résultats plus rapidement. Nous avons donc à la fois le devoir d'anticiper en lançant de nouveaux programmes de recherche puis, lorsque nous avons des résultats disponibles ou en passe de l'être, de le faire savoir et donc d'exposer notre agenda à court terme, et enfin de communiquer sur les résultats déjà obtenus. Ainsi nous avons développé récemment des outils dits de sélection génomique utilisés maintenant pour améliorer les races bovines, ce par des voies classiques mais exploitant les progrès technologiques : nous n'avons pu y parvenir que parce que nous avions investi il y a dix ou quinze ans dans des travaux de génétique animale, en relation avec des partenaires privés et avec des socioprofessionnels – par exemple les techniciens de l'insémination artificielle. C'était le prix à payer pour que la filière puisse aujourd'hui s'approprier ces techniques.

On peut présenter un exemple du même ordre s'agissant de réduire l'usage des pesticides pour préserver la biodiversité. Alors que la viticulture recourt encore beaucoup aux fongicides, nous disposerons dans deux ou trois ans de variétés de vignes durablement résistantes au mildiou et à l'oïdium, dans la mesure où elles combineront plusieurs gènes. Cela, nous l'aurons obtenu sans utiliser d'OGM uniquement parce que, il y a vingt ou trente ans, un chercheur aujourd'hui décédé, Alain Bouquet, avait lancé ce programme de recherche.

Nous avons donc à gérer dans la durée le lancement de nouveaux projets, la communication sur leur avancement et le transfert, aussi efficace que possible, des résultats.

Nous sommes, je le confirme, favorables au certificat d'obtention végétale, qui est à la génétique ce que le logiciel libre est à l'informatique : c'est une manière d'innover sans bloquer l'innovation chez les utilisateurs et ce dispositif européen offre donc une alternative efficace au brevet.

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