Intervention de François Houllier

Réunion du 24 juillet 2012 à 16h45
Commission des affaires économiques

François Houllier, candidat à la présidence de l'Institut national de la recherche agronomique, INRA :

Nous n'ignorons pas le débat auquel cela donne lieu dans la profession, entre les tenants de l'un et l'autre système. Mais l'INRA travaille avec tous. Nous avons beaucoup de programmes de recherche avec les semenciers qui valorisent à travers le certificat d'obtention végétale (COV) et le GIS Biotechnologies vertes privilégie cette voie plutôt que celle du brevet. Nous avons aussi des projets de recherche avec des partenaires impliqués dans la sélection participative. Cela étant, l'arbitrage entre les deux systèmes n'est pas de la compétence des chercheurs.

Instituée par le précédent gouvernement, la prime d'excellence scientifique a en effet posé beaucoup de questions aux organismes de recherche mais ils ne pouvaient faire autrement que de la mettre en place ! Nous avons donc appliqué la mesure, d'autant que, dans le cas contraire, des chercheurs de l'Institut, désireux d'obtenir cette prime, n'auraient pas manqué de nous attaquer avec toutes les chances d'obtenir gain de cause. Mais nous avons consulté notre conseil scientifique qui a appelé notre attention sur certaines difficultés possibles et soumis des recommandations dont nous avons essayé de tenir compte. Ainsi, quand nous avons mis en place cette prime en 2008-2009, nous avons notamment retenu un critère de diversité des productions scientifiques : ne doivent pas seulement être prises en compte les productions académiques, mais l'ensemble des productions scientifiques, du moment qu'elles sont « avérées », ainsi que l'implication des candidats dans des projets collectifs.

En matière de communication, nous sommes en train de refondre notre système Internet avec l'objectif de nous doter d'un portail plus accessible aux utilisateurs, dans la mesure où il sera structuré, non par rubriques très techniques, mais en fonction des grandes questions que se posent nos concitoyens. D'autre part, j'aurai à coeur de développer des projets de science participative : je considère en effet que nous ne pourrons faire connaître nos activités et donner envie à nos concitoyens de s'en informer que si nous les associons d'une façon ou d'une autre à ces activités. Ainsi, dans mon ancienne unité de recherche, des collègues spécialistes de botanique mettent actuellement au point, avec l'INRIA, le CIRAD, le CNRS, l'IRD et l'association Tela Botanica, une application permettant d'identifier n'importe quelle plante à partir de sa photographie prise avec un téléphone portable. Les quelque 10 000 botanistes de Tela Botanica nous permettront de la sorte d'élargir nos bases de données : voilà un exemple de recherche qui peut être très utile, y compris au niveau international, par le mariage qu'elle réalise entre technologie et érudition. Il devrait pouvoir être transposé à d'autres domaines, tels que l'épidémiologie ou l'acquisition de références agronomiques.

L'INRA collabore déjà beaucoup avec le CIRAD et avec l'IRSTEA, monsieur Herth. Avec le premier et avec des écoles d'agronomie, nous avons formé le consortium Agreenium qui nous permet de constituer une offre de recherche et d'enseignement au niveau international. Certes, nos métiers sont différents, de même que nos partenariats – le CIRAD est principalement tourné vers les pays en développement, l'INRA se consacrant plutôt à la France, à l'Europe, aux pays de l'OCDE et aux grands pays émergents. Il reste que se posent à nous des problèmes communs au Sud et au Nord : le changement climatique, les transitions énergétiques… Nous essayons donc de travailler en synergie, tout en gardant des structures distinctes.

Nous sommes partie prenante du programme Écophyto 2018, sur trois ou quatre de ses neuf axes. Nous sommes en particulier fortement impliqués dans la gestion des références acquises dans les fermes expérimentales – encore un exemple de l'approche participative !

L'INRA étant organisé en 14 départements et 19 centres implantés sur cent sites, comment ne pas être conscient d'un risque d'atomisation ou de dispersion des recherches ? Un effort de coordination s'imposait donc et, dans le Document d'orientation 2010-2020, nous avons défini à cet effet de grands programmes. J'en ai déjà évoqué trois. Un porte sur l'adaptation de l'agriculture et de la forêt au changement climatique – l'adaptation plutôt que l'atténuation du changement climatique ou la lutte contre ce changement, car nous avions déjà mené beaucoup de recherches sur ces sujets, par exemple sur le stockage du carbone dans les sols. Dans ce domaine où l'Institut avait été pionnier, notamment pour ce qui concerne la forêt, il nous est en effet apparu important de mieux coordonner nos travaux.

Deux autres de ces grands programmes visent à une « gestion intégrée » de la santé des plantes et de la santé animale, ce qui peut contribuer à réduire l'usage des pesticides, dans le premier cas, et des antibiotiques, dans le second. S'agissant de limiter les risques phytosanitaires par exemple, nous essayons d'agir sur toutes sortes de leviers : lutte mécanique et, dans une moindre mesure, chimique ; surtout, approches agronomiques systémiques telles qu'une plus grande variation des assolements et des rotations de cultures plus fréquentes, et amélioration de la résistance génétique des plantes, par des voies conventionnelles. Accessoirement, le résultat est aussi de restaurer la biodiversité et de préserver les ressources naturelles.

Je citerai encore les programmes portant sur les déterminants et effets des comportements alimentaires et sur la métagénomique des écosystèmes microbiens, mais deux s'ajouteront bientôt à la liste : sur la sécurité alimentaire et sur les services des écosystèmes.

L'arrachage de l'essai de porte-greffe transgénique de Colmar nous a d'autant plus choqués qu'il s'agissait d'un essai de recherche publique, précédé d'une très large consultation, dûment autorisé et, de plus, quasiment confiné puisque nous avions « décaissé » 35 mètres cubes de terre, posé une bâche textile et éliminé toutes les inflorescences. Plus largement, la politique scientifique de l'Institut en matière d'organismes et de plantes génétiquement modifiés a été définie par notre conseil d'administration en juin 2007, après consultation du comité d'éthique et du conseil scientifique. Cet avis insiste sur la nécessité pour un organisme de recherche tel que l'INRA d'acquérir des compétences dans ce domaine, alors que plus de 10 % des cultures mondiales sont génétiquement modifiées, mais pose certaines conditions : la pertinence dans le choix des objectifs, qui devront être d'intérêt public ; le caractère subsidiaire et complémentaire des recherches sur la transgenèse et sur les OGM au regard d'innovations alternatives, obtenues par les voies conventionnelles ; l'engagement de n'effectuer de tels essais qu'avec parcimonie, dans la transparence et la clarté.

Certes, le bilan écologique et économique de certaines variétés d'OGM qui ont été massivement cultivées, par exemple en Amérique du Nord des variétés tolérant les herbicides, est loin d'être positif. En revanche, certaines recherches sont incontestablement d'intérêt public, telles celles qui visent à obtenir des variétés de céréales susceptibles de fixer grâce à des bactéries symbiotiques l'azote, intrant indispensable pour améliorer les rendements, mais coûteux et gourmand en énergie. Conduire des travaux sur un tel sujet est une question qui, selon moi, mériterait au moins examen car les résultats pourraient être utiles aussi bien aux pays tempérés qu'aux pays tropicaux.

Oui, monsieur Chassaigne, nous menons des recherches, non seulement sur l'adaptation des systèmes de production au changement climatique, mais aussi sur les moyens d'atténuer ce dernier. Nous étudions notamment la possibilité de stocker du carbone, soit dans la biomasse forestière, soit dans les sols.

Ces dernières années, nous avons veillé au transfert de nos innovations aussi scrupuleusement qu'à nos performances académiques. Nos travaux en matière de sélection bovine ou de variétés de vigne en sont un exemple.

La concertation avec les personnels est effective au sein d'instances telles que le comité technique, les conseils scientifiques et les conseils de gestion des départements et des centres. D'où l'importance de maintenir ces instances vivantes et actives. Les assises de l'enseignement supérieur et de la recherche constitueront un exercice intéressant de ce point de vue. Nous souhaitons en effet que la contribution de l'INRA à ces assises ne se limite pas à une déclaration de la direction générale, mais que les différentes instances où siègent des élus du personnel s'expriment collectivement, indépendamment de la direction générale.

Quelle est notre contribution à la préservation des ressources naturelles ? Je ne prendrai qu'un exemple, celui d'un sujet sur lequel on nous reproche parfois de travailler insuffisamment : nous avons publié l'an passé, après cinq ans d'études, un inventaire exhaustif de la biologie des sols, qui nous permet de dresser un état, non seulement de la physico-chimie des sols, mais encore des micro-organismes qui y vivent. C'était une première en France et même, je pense, en Europe.

Quant à l'agriculture biologique, cela fait une dizaine d'années qu'elle fait l'objet d'un programme dédié de l'INRA, AgriBio ; nous participons en outre à un programme européen ANR-Era-Net. Cela étant, sans être spécifiquement conçues à cette fin, toute une partie de nos recherches trouve des applications en agriculture biologique autant qu'en agriculture conventionnelle ou raisonnée : ainsi en est-il de notre programme de gestion intégrée de la santé des plantes ou de notre action en faveur d'une diversification des paysages agricoles, qui contribuent à réduire l'usage des pesticides.

Sur des sujets aussi importants que l'adaptation au changement climatique ou encore lorsqu'il s'agit de travailler sur des systèmes de cultures sous couvert, nous collaborons avec des organismes de recherche publique d'autres pays, essentiellement européens, mais aussi d'Amérique du Nord ou des grands pays émergents. En revanche, nos collaborations avec les pays en voie de développement sont en nombre restreint, celles-ci relevant plutôt du CIRAD. Cependant, dans l'avenir, nous nous sommes donné pour priorité de développer notre coopération avec les pays du pourtour méditerranéen.

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