Nous voulons établir un partenariat « gagnant-gagnant » avec le Maghreb, dont les coûts de production sont faibles et qui pourrait constituer une étape du rapatriement des activités de l'Asie vers l'Europe. Plutôt qu'une implantation 100 % asiatique, nous proposons une relocalisation à 50 % en France et à 50 % au Maghreb. Le transfert des usines Renault de Turquie vers l'Algérie aura l'avantage indirect de recharger des usines sous-traitantes en France. Si je demande de la charge aux constructeurs sur le sol français, c'est pour mettre un terme à l'hémorragie chez les sous-traitants, qui sont au tapis. On parle des constructeurs, mais les tribunaux de commerce ont reçu une centaine de dossiers de sous-traitants. Ils ont perdu 20 % de leurs effectifs.
Pour mener ce travail de bénédictin, en n'écartant aucun dossier, nous nous appuyons sur trois éléments : le Pacte de compétitivité et la BPI qui nous servira à reconstruire les filières et à financer les PME qui sont dans leur sillage. La filière nucléaire embauchera d'ici à 2020 au moins 110 000 personnes – il ne faut surtout pas la démanteler – pendant que nous perdrons des dizaines de milliers de salariés dans l'automobile, un métier pourtant voisin. À nous d'organiser la transition en formant les personnels. Le même phénomène se produit dans la chimie où la chimie végétale innove et embauche.
Troisième élément, l'accord du 11 janvier dernier permettra d'équilibrer les rapports entre les actionnaires, les dirigeants et les salariés. Beaucoup d'accords « sauvages » sont conclus sur le terrain mais ils ne contiennent que des promesses. L'accord obligera à vérifier la réalité des difficultés rencontrées par l'entreprise au moyen d'une expertise préalable. Il vaudra pour deux ans, et comportera des clauses de retour à meilleure fortune de façon que les fruits obtenus après les sacrifices soient partagés. Enfin, l'accord s'appuiera sur une base majoritaire dans l'entreprise par référendum. Il instaure donc un cadre qui protégera les salariés contre les excès et les dérives. Il servira aussi à négocier l'usage que feront les entreprises du crédit d'impôt.
Dans certaines entreprises, il servira à investir, Madame Bonneton, vous qui vous préoccupez du vieillissement de l'appareil productif. En effet, nous accusons un retard considérable dans la robotisation. Nous sommes à la traîne, derrière l'Allemagne et l'Italie. Je m'apprête donc à lancer la filière robotique car, contrairement à ce que croyaient les canuts qui cassaient les machines pour préserver leur emploi, l'augmentation de la productivité et l'automatisation créent des emplois, même s'ils se transforment. Le crédit d'impôt apportera de l'oxygène à l'investissement privé.
Notre stratégie, et je réponds à votre rapporteur, repose à la fois sur l'offre et sur la demande. Nous améliorons les conditions de production tout en soutenant l'investissement public et privé. Pensez au programme de rénovation thermique, au très haut débit, aux infrastructures ferroviaires, aux réseaux électriques intelligents dans lesquels EDF doit investir 15 milliards d'ici à 2015, et je ne parle pas du compteur Linky. Dans l'entreprise, cela passe par la robotisation, l'amélioration de la combinaison productive, la montée en gamme.
Cette politique implique en effet une remise en cause des règles de la commande publique. Nous y travaillons très sérieusement mais nous n'en sommes qu'aux avant-projets. Nous avons besoin d'élus qui nous racontent ce qui se passe sur le terrain, dans les entreprises publiques, les établissements publics, les collectivités locales… Nous sommes prêts à faire bouger les choses et j'ai d'ailleurs nommé un médiateur des marchés publics, M. Jean-Lou Blachier, vice-président de la CGPME. Auditionnez-le, venez le rencontrer avec vos dossiers, saisissez-le, faites-le connaître.
En tant qu'actionnaire, l'État doit agir. C'est la première fois depuis vingt ans que le ministre de l'industrie a la responsabilité des 65 milliards de participations de l'État, et exerce la tutelle sur l'Agence des participations de l'État. Nous disons donc à la SNCF, à la RATP, à Areva de mettre l'accent sur le « made in France ». Et ne me parlez pas toujours des appels d'offres ! Nous ne sommes pas obligés d'être les plus zélés de la classe bruxelloise.
Ce n'est pas parce qu'on défend l'industrie qu'on ne défend pas les innovations nécessaires, notamment le recyclage. Nous avons une politique active en ce domaine dans toutes les filières. Hier, je réunissais la filière aluminium pour qui le recyclage est une condition de maintien de la compétitivité de l'outil de production, s'agissant de l'aluminium primaire. A ainsi été évoquée l'interdiction d'exporter les déchets d'aluminium et l'obligation qui serait faite aux industriels et aux consommateurs de passer par le crible du recyclage.
Je m'inscris en faux contre l'idée selon laquelle parce que nous serions pour le nucléaire, nous serions contre les énergies renouvelables. Nous voulons tout parce que nous sommes ambitieux ! Et s'il faut les gaz de houille et de schiste, pourquoi pas, si les technologies progressent ? Ayons l'intelligence de ne pas nous enfermer dans nos positions.