Intervention de George Pau-Langevin

Séance en hémicycle du 21 février 2013 à 15h00
Prévention de et lutte contre la violence en milieu scolaire — Présentation

George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative :

Plusieurs dispositifs ont été prévus pour qu'un jeune se livrant à des dégradations ou à des violences réitérées soit pris en charge par la justice. En plus d'être superfétatoire, votre proposition va à l'encontre de ce qui existe aujourd'hui pour lutter contre les violences dans les établissements et qui est conforme à des principes généraux du droit unanimement reconnus. Ces principes, M. Chatel avait eu l'occasion de les réaffirmer dans ses décrets et dans la circulaire du 1er août 2011, et toute sanction doit les respecter.

Tout d'abord, la sanction prononcée au sein d'un établissement doit être éducative ; ce n'est pas moi qui le dis – vous m'auriez d'ailleurs qualifiée de laxiste si je l'avais fait –, mais M. Chatel, dans la circulaire que je viens de mentionner : « Il peut en effet s'avérer préférable, dans un souci pédagogique et éducatif, de ne pas rendre la sanction immédiatement exécutoire tout en signifiant clairement à l'élève qu'une nouvelle atteinte au règlement intérieur l'expose au risque de la mise en oeuvre de la sanction prononcée avec sursis. » M. Chatel affirmait bien que la sanction ne devait pas être automatique, et à plus forte raison si cette sanction vise non pas l'élève mais ses parents.

Ensuite, M. Chatel insistait sur le fait que la sanction devait respecter les principes généraux du droit, c'est-à-dire le principe du contradictoire, le principe d'individualisation et le principe de proportionnalité. Premièrement, la sanction ne doit pas engendrer chez l'élève une incompréhension et un sentiment d'injustice ; conformément au principe du contradictoire, il faut qu'il y ait un dialogue. Or celui-ci est inexistant dans le dispositif que vous proposez. Deuxièmement, le principe de proportionnalité implique que la réponse éducative soit adaptée pour éviter toute confusion ou incohérence dans l'application de l'échelle des sanctions. Or votre proposition ne prévoit pas de réponse éducative adaptée puisque vous visez les parents, que nous avons évidemment plus de difficultés à éduquer que les enfants qui nous sont confiés. Troisièmement, en vertu du principe d'individualisation, il importe de tenir compte du degré de responsabilité de l'élève, de prendre en compte la personnalité de l'enfant et le contexte dans lequel la faute a été commise. Votre proposition ne le permet pas.

Le dispositif que vous proposez vide de leur sens les principes sur lesquels nous sommes pourtant tous d'accord. En outre, vous affaiblissez les acteurs chargés de veiller à la tranquillité du climat scolaire.

Aujourd'hui, vous le savez bien, nous avons tout intérêt à conforter l'autorité du chef d'établissement, puisque c'est à lui que revient l'initiative de la procédure disciplinaire. Votre dispositif affaiblit au contraire cette autorité en conférant au chef d'établissement un simple rôle de saisine. En outre, on ne voit pas quel rôle vous faites jouer au conseil de discipline, organe qui réunit pourtant tous les acteurs de la communauté éducative et qui est chargé, sous la présidence du chef d'établissement, de traiter ces questions. Cet acteur, vous l'affaiblissez également.

Par ailleurs, votre proposition de loi n'apporte aucune plus-value quant aux relations avec les parents. Le dialogue avec ceux-ci doit être renforcé, et ce n'est pas en les menaçant de sanction que l'on y parviendra.

Vous affaiblissez donc les institutions qui sont aujourd'hui chargées de rétablir l'ordre dans nos établissements.

De surcroît, il me semble que c'est une forme de démagogie de faire croire que les établissements scolaires sont des zones de non-droit. Vous feignez d'ignorer qu'il existe toute une palette de sanctions. Par exemple, si un jeune se livre à des actes de harcèlement ou à des agressions physiques contre ses camarades, il est passible de sanctions pénales. Vous faites comme si ce n'était pas le cas. De la même manière, vous semblez ne pas tenir compte des sanctions administratives ou judiciaires qui peuvent être prises à l'encontre des parents.

Si l'on essaie de localiser les établissements violents, on voit bien que ce sont ceux où l'échec scolaire est le plus important et où des enfants se sentent en marge. À mon sens, ce qui a dégradé le climat dans un certain nombre d'établissements scolaires, ce sont les politiques qui ont été menées précédemment.

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