Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nos collègues du groupe UMP nous proposent aujourd'hui de débattre de la question de la violence scolaire. C'est un vrai sujet, que nous ne découvrons pas au sein de notre commission : nous lui avons d'ores et déjà consacré quelques heures depuis le début de la législature.
Il est vrai que l'actualité nous rappelle, parfois de manière tragique, que la violence en milieu scolaire est un mal qui peut se manifester en tous lieux et à tout moment. C'est pourquoi nous y attachons une importance particulière.
Mais au sujet de la lutte contre les violences, comme d'ailleurs de la lutte contre l'absentéisme scolaire dont nous avons débattu il y a quelque temps, force est de constater qu'il existe une vraie divergence entre députés de la majorité et députés de l'opposition, au sein de la commission comme au sein de l'Assemblée nationale. Nous avons pu à plusieurs reprises en faire le constat.
Alors, mes chers collègues, comment ne pas s'étonner de voir revenir, sous couvert de la lutte contre la violence, la rhétorique simpliste de la suppression des allocations familiales que nous venons tout juste d'écarter en matière d'absentéisme en abrogeant les dispositions de la loi si inutile et si inefficace dite Ciotti ?
Cette loi visait déjà à supprimer les allocations familiales en cas d'absentéisme scolaire. À l'appui de notre argumentation, nous avions insisté sur le fait que ce mécanisme de prétendue responsabilisation des parents entraînait en réalité leur stigmatisation. Nous avions déjà dénoncé l'amalgame entre absentéisme et violence qu'un tel texte sous-tendait.
Eh bien, avec la proposition de loi de nos collègues UMP, nous y revoilà ; bis repetita placent. Mais ce nouveau texte ne nous agrée pas plus que le précédent.
Le rapporteur se dit alarmé par la dégradation des conditions de travail des enseignants et personnels des établissements scolaires. Nous ne pouvons que partager cette préoccupation qui est avant tout la conséquence d'une décennie de pouvoir de la droite. Mais nous ne pouvons pas le suivre dans son approche univoque de la violence et de ses causes ; nous ne pouvons pas adhérer à sa conception si discriminatoire de la sanction.
Car si notre approche de ces questions est différente, elle reste tout aussi attentive. C'est d'ailleurs pourquoi, dès son entrée en fonction, le Gouvernement a pris des mesures pour lutter contre toutes les formes de violences, particulièrement à l'école. La création de 500 assistants chargés de prévention et de sécurité affectés dans les établissements les plus exposés a constitué une première mesure forte. Parallèlement, la nomination d'Éric Debarbieux comme délégué ministériel chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire a été un signe fort de l'importance accordée par le Gouvernement à ce problème.
De votre côté, chers collègues de l'UMP, vous proposez que les parents soient pénalisés financièrement du fait de la défaillance dont vous les accusez dans l'exercice de leurs responsabilités. Pensez-vous vraiment que ce soit une réponse adaptée ? Ou avez-vous préféré, comme vous l'avez tant fait quand vous étiez aux responsabilités, un affichage d'autant plus facile qu'il évite de traiter les causes en profondeur ?
Notre approche est radicalement différente. Nous nous appuyons d'abord sur la réalité, telle que la vivent les enseignants et les élèves et telle que la décrivent les chercheurs qui se sont penchés sur les phénomènes de violence en milieu scolaire.
Or ces chercheurs constatent d'abord et avant tout que le développement indéniable des violences a un lien très fort avec la diminution du nombre d'adultes dans les établissements ou la faiblesse de leur présence dans la durée – je pense notamment à l'instabilité des équipes pédagogiques dans les établissements situés en zones difficiles.
En faisant référence à la diffusion d'une nouvelle culture de la violence qui se trouve favorisée par la pénétration à l'école des réseaux et des terminaux de communication, Éric Debarbieux a ces mots, qui doivent nous interpeller : « Comme au temps de La Guerre des boutons, les enfants sont redevenus un collectif sans adultes. »
Il faut effectivement regarder en face ces phénomènes, qui se traduisent également par des logiques de groupe et par une dérive identitaire dans laquelle la violence est une manière d'exister. Mais on est, dès lors, loin, très loin d'une question d'allocations familiales qui seraient injustement attribuées à des parents démissionnaires.
De fait, monsieur le rapporteur, chers collègues de l'opposition, cinq petites semaines après l'abrogation par notre assemblée de la loi dite Ciotti, vous avez fait le choix curieux de resservir le même plat. Devons-nous y voir une marque de votre impatience à débattre de la grande loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République qui redonnera à la politique éducative dans notre pays son caractère d'exemplarité et qui répondra réellement aux problèmes de violence et d'absentéisme scolaire ? Dans cette attente, qui sera courte désormais, rassurez-vous, notre assemblée ne peut, comme l'a fait la commission des affaires culturelles et de l'éducation, que rejeter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)