J'ajoute que cette complexité a un coût croissant pour les collectivités territoriales, un coût en termes de personnel, en termes de temps, mais également en termes de disponibilité des élus, car lorsque vous êtes dans les papiers, vous ne pouvez pas être à l'écoute de vos concitoyens. Et le rôle d'un maire, ce n'est pas d'être un fonctionnaire de plus, de préparer et de signer des papiers, c'est d'être au contact de ses concitoyens.
Nous ne pouvons pas continuer à obliger les élus et les collectivités territoriales à passer toujours plus de temps à s'adapter aux nouvelles règles sans supprimer au préalable celles qui les ont précédées.
Cette superposition normative est souvent perçue comme un frein à la créativité des acteurs locaux et ne peut que susciter de la défiance à l'égard du législateur ou des administrations centrales puisqu'elle donne aux collectivités le sentiment d'être considérées comme incapables de respecter la norme sans un cadre prédéterminé. La multiplication des décrets, arrêtés et circulaires qui complexifient plus qu'ils ne simplifient le montre bien.
Cela a également un coût en termes d'attractivité. Le poids des normes couplé à l'instabilité normative est un frein à la compétitivité, comme l'a établi dans son rapport notre collègue sénateur Éric Doligé.
Il convient également de souligner que ces coûts croissants pèsent de façon inégale sur les différentes collectivités. En 2011, la Commission consultative d'évaluation des normes a ainsi établi que les coûts liés à la mise en oeuvre de normes produites par les ministères sont répartis comme suit : 41,8 % pesaient sur les communes et EPCI, 57 % sur les départements, et seulement 1,2 % sur les régions. Le rapport de notre collègue Guy Geoffroy montre par ailleurs que les normes produites par les administrations chargées de la cohésion sociale, de la fonction publique, de l'écologie et de la culture engendrent les coûts les plus significatifs.
Conscient de ces difficultés et surtout de l'exigence de réduction des dépenses publiques, l'État a, il est vrai, ces dernières années été à l'origine de plusieurs initiatives dont il convient de rappeler la teneur.
Il a mis en place en 2007 une Commission consultative d'évaluation des normes, puis a développé les études d'impact après la révision constitutionnelle de 2008, permettant ainsi de mieux apprécier les conséquences financières de chaque nouveau texte.
Ces initiatives ont été suivies en 2010 d'un moratoire sur les normes applicables dans les collectivités. Mais cela n'a malheureusement pas permis de réduire le nombre de textes relatifs aux collectivités ni le coût qu'a représenté pour elles l'activité législative et réglementaire du Gouvernement : 580 millions d'euros en 2009, 577 millions d'euros en 2010, 728 millions en 2011.
La même année, la nomination d'un commissaire à la simplification a permis d'établir que sur la période allant de février 2011 à février 2012, 27,3 % des textes réglementaires concernaient les collectivités locales, soit 189 nouvelles règles, auxquels s'ajoutaient 200 textes mixtes concernant à la fois les entreprises et les collectivités.
J'en viens à la dernière initiative en date, et non des moindres, issue du programme du Comité interministériel pour la modernisation de l'action publique, qui s'est réuni pour la première fois en décembre 2012 : a été établi le concept selon lequel à une norme créée doit correspondre une norme supprimée, afin de mieux limiter l'inflation normative.
Les initiatives parlementaires se sont également multipliées. Le rapport de Claude Belot, rédigé au nom de la délégation du Sénat aux collectivités territoriales et à la décentralisation, a démontré combien le recours systématique à la norme avait envahi l'action publique. Le rapport Doligé a clairement montré les solutions de simplification applicables aux collectivités.
Je citerai également l'excellent rapport publié en mars 2012 par nos collègues Pierre Morel-A-L'Huissier, Étienne Blanc, Daniel Fasquelle et Yannick Favennec, dont le rapporteur Guy Geoffroy s'est fait l'écho en commission des lois, et qui mettait d'ailleurs en exergue la nécessité d'une simplification des normes au service du développement des territoires ruraux.
Enfin, il convient de rappeler que pas moins de quatre lois de simplification du droit et des procédures administratives ont été votées sous la précédente législature, à l'initiative de notre collègue Jean-Luc Warsmann, alors président de la commission des lois.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui s'inscrit donc dans la continuité du travail accompli ces dernières années.
Elle résulte d'un travail de concertation et de consultation de longue haleine mené depuis 2011 auprès des élus locaux, des administrations et des associations. La mission sur la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales confiée par le président de la République au sénateur Éric Doligé le 17 janvier 2011 avait pour objectif de consulter les collectivités locales sur la production réglementaire de l'État et de les associer. Cette mission a été particulièrement bien menée et il convient de saluer le travail accompli par nos collègues du Sénat.
Le texte s'articule autour de cinq axes essentiels.
Le premier consiste à prendre davantage en compte les contraintes des collectivités territoriales dans l'application des normes.
Le deuxième vise à simplifier le fonctionnement des collectivités locales au travers de l'insertion de diverses dispositions pratiques dans le code général des collectivités territoriales.
Le troisième comprend des mesures liées à la modernisation du droit de l'urbanisme.
Le quatrième cherche à moderniser des dispositions relatives aux compétences des collectivités locales en matière d'environnement.
Le cinquième recouvre diverses mesures de simplification administrative.
Les différentes mesures proposées entendent simplifier, alléger les contraintes normatives et les coûts qui en résultent ou tout simplement accorder davantage de délais aux collectivités. Ainsi, pour les PLU et les SCOT intégrant les dispositions du « Grenelle 2 » est-il absolument nécessaire de donner plus de latitude aux collectivités, compte tenu des exigences qu'impliquent ces textes d'urbanisme fort complexes.
La tâche essentielle à laquelle nous devons nous consacrer est de rendre compatibles principe d'égalité et principe d'adaptabilité, pour l'heure en opposition, afin de préserver l'intérêt des territoires ruraux et le principe d'égalité de l'action publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)