Je ne ferais pas de déclaration de politique énergétique générale car je ne crois pas que ce soit la compétence de nos invités. Je parlerai seulement de sûreté, sur laquelle nous avons de vives préoccupations. Celles-ci sont ravivées à chaque fois que nous lisons les rapports, et pas seulement les communiqués, de l'IRSN. Je suis allé à Fukushima et je dois vous dire qu'en trente ans de vie politique je n'ai jamais vu quelque chose d'aussi douloureux que les regards, les témoignages de la population alentours. Nous n'avons pas fini de connaître les conséquences que peut avoir un évènement aussi grave que celui-ci.
Ma première question porte sur les évaluations complémentaires de sûreté. Votre rapport ne prend en compte qu'un nombre limité de risque, et occulte notamment le risque terroriste. Dans ce rapport, vous disiez vous-même que de nombreuses questions n'avaient pu être approfondies dans le temps imparti. Où en êtes-vous aujourd'hui ? Vous dites qu'il faudra dix ans pour tirer tous les enseignements de Fukushima. Les mille prescriptions que vous indiquez sont des prescriptions provisoires. Il y a quelques mois, vous avez déclaré, M. Repussard, qu'EDF avait sous-estimé le risque d'un accident nucléaire. Vous avez vous même rappelé que la sûreté est la responsabilité première de l'exploitant. Avez-vous l'impression qu'EDF a changé sa philosophie en la matière ?
Ma deuxième question porte sur votre dernier rapport, dans lequel vous dites que la sûreté en France est assez satisfaisante, terme qui vise sans doute à rassurer l'opinion, mais vous listez mille mesures à mettre en oeuvre pour l'améliorer, ce qui me paraît un peu contradictoire. Vous estimez qu'il faudra six ans pour les mettre en oeuvre, ce qui signifie que durant cette période, la sûreté restera insatisfaisante. D'après vos déclarations dans la presse, le coût de ces mesures serait de dix milliards d'euros. C'est le chiffre qui avait été avancé par M. Proglio, avant même que vous annonciez vos mesures. Sur quelle base cette évaluation a-t-elle été faite ?
Ensuite, quelle est votre capacité à faire respecter vos décisions, puisque vous avez insisté sur ce terme ? Comment allez-vous vous assurer que les exploitants les mettent bien en oeuvre et quelles sont les sanctions que vous pourriez imposer dans le cas contraire ? On trouve encore sur le site de l'ASN, en date du 7 février 2011, un avis d'incident, qualifié d'anomalie générique concernant les 34 réacteurs de 900 MW, qui indique que EDF a déclaré à l'ASN une « anomalie générique relative à la répartition des débits d'injection de sécurité à haute pression dans les branches froides du circuit primaire principal des réacteurs de 900 MW ». Un peu plus loin, on lit : « en conséquence, en situation accidentelle, pour certaines tailles de brèche du circuit primaire principal, l'injection de sécurité à haute pression pourrait ne pas permettre de refroidir suffisamment le coeur du réacteur. Afin de résorber cet écart, EDF envisage de mettre en place une instrumentation » etc. Ma question est la suivante : un an plus tard, où en est-on ? Quelle prise l'ASN a-t-elle sur cette anomalie générique qui concerne 34 réacteurs ? Autre exemple, le cas des siphons dont on a parlé récemment dans la presse et qui concerne les piscines de huit réacteurs, particulièrement ceux de Cattenom, où l'on constate que cette pièce essentielle en matière de sûreté manque depuis la mise en service de cette centrale. D'après un rapport de l'ASN, EDF s'était engagé en 2002 à résoudre le problème. Visiblement, il n'est pas résolu dix ans plus tard. La question est la même : quelle est la capacité de l'ASN à faire respecter une telle décision ?
Ma quatrième question concerne la durée d'exploitation. En lisant le rapport de la Cour des comptes sur le sujet, on peut se demander si l'absence d'anticipation n'est pas équivalente à une prolongation implicite de la durée de vie des centrales. L'autorité de sûreté nucléaire – et vous avez insisté sur ce point lors de votre audition au Sénat de manière assez éloquente – se retrouvera alors face à une contradiction entre les exigences de sûreté et celles portant sur l'approvisionnement en électricité. EDF envisage de prolonger la durée de vie de ses centrales au-delà de 60 ans. Est-ce que vous pouvez garantir que la cuve ou l'enceinte de confinement des réacteurs, pièces qui ne peuvent être remplacées, ne représenteront pas des failles pour la sûreté après 35 ans d'exploitation ? J'insiste sur ce point car l'IRSN a produit des rapports sur la prolongation de certaines centrales au-delà de 35 ans.
Ma dernière question porte sur le MOx. Quelles sont les conséquences d'un accident sur un réacteur équipé de MOX par rapport à un réacteur qui n'en est pas équipé ?