Intervention de Arnaud Montebourg

Réunion du 19 février 2013 à 17h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif :

L'intitulé de mon ministère est inspiré par le National Industrial Recovery Act du président américain Franklin Roosevelt ; cette loi avait été votée dans les années trente, époque où a émergé la prise de conscience des dégâts que peut provoquer le système financier sur l'économie réelle et productive. C'est dans cet état d'esprit que je travaille sur le dossier du code minier avec Delphine Batho, conformément au décret d'attribution du ministre du redressement productif, qui accorde à ce dernier la compétence pour la politique des matières premières et des mines, conjointement avec la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui concerne les matières énergétiques.

Nous assistons aujourd'hui à une intensification de la lutte pour le contrôle de ressources en voie de raréfaction, certains pays adoptant une stratégie de captation des minerais. Lors du conseil de compétitivité d'aujourd'hui, le commissaire européen chargé des questions industrielles, Antonio Tajani, a fait part de sa préoccupation face aux menaces qui pèsent, dans ce domaine, sur la souveraineté économique des États européens. Aussi notre pays est-il en droit de s'interroger sur ce qu'il entend faire de son sous-sol et sur les conditions dans lesquelles il compte l'exploiter, dans le respect des populations qui restent attachées à la fois à la préservation des emplois et à la protection de l'environnement, même si ces deux deniers objectifs peuvent paraître antinomiques.

Dans un contexte de mondialisation des ressources et de recherche des bas coûts, notre pays a fermé au cours des dernières années un grand nombre de sites d'extraction tandis qu'il en ouvrait fort peu. Néanmoins, le renchérissement actuel des cours pose légitimement la question de la réouverture des mines, notre pays disposant d'un sous-sol très riche. La France ne peut pas être qu'une destination touristique ; l'accès aux ressources naturelles, surtout pour les industries de transformation, constitue pour le Gouvernement un sujet stratégique.

Le délai moyen de délivrance d'un titre minier est de huit ans. Les procédures sont interminables – enquêtes publiques, avis, procès, recours –, mais n'offrent que peu de protection à la population. Si, au départ, elle est généralement défavorable aux projets miniers, ceux-ci finissent toujours par être menés à bien. Delphine Batho et moi-même avons le souci de trouver un équilibre qui permette de mieux protéger la population, de faire comprendre les enjeux, d'examiner l'opportunité de l'exploitation de telle ou telle ressource, et de fixer des délais plus courts à la procédure préalable, propices à l'activité économique.

Le Gouvernement souhaite non seulement moderniser le code minier, mais aussi promouvoir plusieurs innovations juridiques, à commencer par l'élaboration d'un schéma national de valorisation du sous-sol, qui devrait faire consensus puisque, en apportant une information exacte sur ce que recèle le sous-sol, il nous aidera à déterminer les priorités. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) devrait affiner notre connaissance des ressources. Le Gouvernement, qui autorise les titres d'exploration et d'exploitation, pourra engager avec le Parlement une discussion stratégique sur l'usage de notre sous-sol.

Cependant, il faut distinguer l'exploration à des fins d'acquisition de connaissances scientifiques et l'exploration à des fins d'exploitation. La mise en place de deux régimes juridiques nous semble justifiée par la nécessité d'investigations plus libres, d'une part, et par la légitimité des explorations de nature privée, d'autre part. Ainsi, notre connaissance du sous-sol pourrait être détachée de l'intérêt privé ou lucratif. Ce point est important, ne serait-ce que pour élaborer en toute indépendance les futurs schémas d'exploration ou d'exploitation.

Une autre innovation serait d'imaginer la procédure de délivrance conduite, dans certains cas, par une instance indépendante chargée d'assurer, en association avec l'exploitant, l'évaluation de l'intérêt du projet, éventuellement au moyen d'expertises, ainsi que la participation et l'information du public, et de proposer des recommandations à l'autorité compétente. Un débat préalable entre tous les acteurs – les élus, qui ne sont pas défavorables aux projets miniers, les associations, qui sont capables de comprendre les enjeux économiques, les exploitants, qui peuvent comprendre les enjeux environnementaux – permettrait de dégager des compromis, comme dans le dialogue social. Ainsi, de même que « parfois, la foule trahit le peuple », comme disait Victor Hugo, l'intelligence collective peut faire le choix d'un développement équilibré.

En outre, nous pensons intéressant de nous inspirer de l'immense progrès qu'a constitué l'instauration de la procédure pénale de purge préventive de l'ensemble des vices de forme. Ainsi, s'agissant des titres miniers, une sorte de validation de la procédure permettrait que soient soulevés les seuls arguments d'opportunité, autrement dit que le débat juridictionnel ait lieu avant, plutôt qu'après. Cela permettrait de clarifier la position des ONG et de ne pas laisser peser une épée de Damoclès sur l'opérateur économique, sous la forme de l'éventuelle annulation d'un permis pour lequel il a programmé des investissements. La réputation de la France en sortirait grandie.

Enfin, nous souhaitons instaurer davantage de transparence au regard de la richesse de notre sous-sol. Avec un déficit du commerce extérieur de 65 milliards d'euros, notre pays doit considérer son indépendance énergétique comme un enjeu majeur.

Tels sont les grands principes de la réforme du code minier que je souhaitais vous présenter. Le projet de loi devrait être soumis au Conseil d'État puis inscrit à l'ordre du jour du Conseil des ministres au mois de juin, avant d'être transmis cet été au Parlement où il devrait être examiné à l'automne 2013. Je me tiendrai à la disposition de la représentation nationale pour avoir avec elle une discussion approfondie sur ce texte important afin d'assurer la synthèse des positions communes.

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