Je vous remercie de la franchise et de la diversité de vos questions. Vos témoignages, issus de vos différentes circonscriptions, prouvent que le code minier ne fonctionne pas et qu'il est urgent de le réformer. Il faut, de plus, remédier à la méconnaissance par les populations des enjeux des exploitations minières. Le code actuel pose également des problèmes d'ordre juridique, comme dans le cas du permis Limonade, accordé par mon prédécesseur à Rexma : c'est un permis sur lequel je ne peux pas revenir, car il s'ensuivrait des contentieux coûteux pour les finances de l'État, malvenus en cette période de disette budgétaire. Ce code minier, vieux de plus de cinquante ans, ne nous permet pas de répondre aux enjeux actuels : c'est pourquoi, je le répète, il faut le réformer.
Le Gouvernement ne souhaite pas confier à une autorité indépendante la responsabilité de la décision politique, qu'il doit assumer. En revanche, l'autorité qui conduira l'instruction, qui y associera ONG et populations concernées, sera indépendante. Nommer des autorités indépendantes pour organiser un débat équilibré entre des positions contradictoires est une nécessité.
Le choix entre fiscalité ou redevance n'est pas encore arrêté : vos lumières intéressent donc le Gouvernement. Faire le choix de la fiscalité, c'est faire celui de la loi de finances. Faire le choix du code minier, c'est faire celui de la redevance, dans le cadre de règles relativement immuables. Le rapport Tuot fait des propositions intéressantes sur le sujet.
En tant que ministre du redressement productif, je souhaite rétribuer les territoires – métropolitains comme ultramarins – des efforts qu'ils consentent. Ne sont-ils pas le plus souvent associés à l'ouverture des sites, à la réfection des infrastructures pour la desserte des exploitations, à la remise en état à leur fermeture ? Les différentes lois sur la dépollution des sites d'exploitation ne délivrent pas les collectivités du devoir d'intervenir sur le long terme, ce qui n'est pas sans peser sur leurs budgets. C'est pourquoi nous tenons à nous pencher de manière attentive sur l'après-mine en organisant notamment un fonds de solidarité nationale suppléant les exploitants défaillants. Nous souhaitons également que, durant la période d'exploitation, les collectivités perçoivent une juste rémunération pour leur accueil d'une activité lucrative en étant associées au partage de la richesse.
Je n'ai jamais dit que le schéma d'exploitation minier serait approuvé par le Parlement et qu'il aurait force de loi, mais que le Gouvernement l'établirait sous le contrôle du Parlement, ce qui n'est pas la même chose. Le Gouvernement est responsable de ses choix politiques sous le contrôle et la censure du Parlement. L'équilibre que nous voulons instaurer repose sur la transparence et la discussion, y compris sur le terrain. C'est pourquoi la connaissance de celui-ci par les parlementaires, députés et sénateurs, intéresse le Gouvernement. Les populations doivent être associées aux projets et à leurs enjeux, afin de résister à la tentation d'en rejeter la réalisation chez le voisin. Chaque territoire doit prendre sa part de l'intérêt général – et donc des nuisances, acceptables, inhérentes à tout projet. Pour éviter la tentation individualiste, il convient d'équilibrer dans les territoires les avantages et les inconvénients. Tel est l'esprit du code minier. Il reviendra à l'autorité politique de trancher si un compromis ne peut être trouvé.
Madame Françoise Dubois, vous avez raison, les enquêtes publiques doivent être aussi transparentes que possible. Il faut donc en moderniser la procédure. Delphine Batho et moi-même partageons la conviction que l'intelligence collective des enjeux est un atout. L'esprit participatif est le nôtre.
S'agissant des techniques d'extraction des différents gaz, vous connaissez la politique du Gouvernement, énoncée par le Président de la République dans sa conférence de presse de novembre 2012 : le refus de la fracturation hydraulique – si la loi est attaquée devant le Conseil constitutionnel, sa décision s'imposera au Gouvernement et le Parlement sera de nouveau saisi – n'est pas le refus de la recherche scientifique, visant à dépasser la technique actuelle qui est commune à la géothermie profonde et à l'exploitation des hydrocarbures et des gaz de schistes. Les problèmes que pose cette technique ne tiennent pas tant à la fracturation de la roche – des spécialistes n'y sont pas opposés par principe – qu'à l'injection de produits chimiques qui, d'une part, causent des dégâts irrémédiables au sous-sol en provoquant un bouleversement géologique que nous ne savons pas maîtriser et, d'autre part, risquent de polluer de manière irréversible les nappes phréatiques. C'est la raison pour laquelle cette technique est interdite en France et qu'aux États-Unis même le mouvement qui la rejette est de plus en plus puissant. J'ai même entendu ceux qui pratiquent cette technique reconnaître qu'elle n'est pas « élégante », euphémisme pour « dangereuse ».
En revanche, si on trouvait une technologie permettant d'éviter l'injection de produits chimiques, je serais favorable à son expérimentation.
M. Denis Baupin a soulevé un autre débat, relatif à l'extraction des hydrocarbures eux-mêmes. Or, comme nous importons 98 % de nos besoins en hydrocarbures pour plus de 65 milliards d'euros, il ne me semble pas inutile d'extraire nos propres ressources plutôt que de recourir à prix d'or à celles des pays étrangers. Il en va d'autant plus de l'intérêt économique de la France et de sa souveraineté, que l'Agence internationale de l'énergie, qui a les mêmes objectifs que nous en termes de transition énergétique et qui est loin de sous-estimer les risques liés au réchauffement climatique au XXIe siècle, reconnaît que, en raison d'une résilience puissante des hydrocarbures, nous continuerons d'en extraire au-delà du pic pétrolier et donc d'en importer. Du reste, des organisations non gouvernementales écologistes ne prônent-elles pas le remplacement du nucléaire par le gaz ? Plutôt que de l'importer, extrayons-le ! Nous devons choisir entre différents scénarios qui s'excluent les uns les autres – Nicolas Hulot l'a reconnu lors de la conférence environnementale que Delphine Batho et moi-même avons organisée. Nous ne pouvons pas à la fois supprimer le nucléaire, importer du gaz et du pétrole et financer des énergies renouvelables plus chères que les énergies classiques. Le débat sur la transition énergétique doit ouvrir sur des choix réalistes.
C'est pourquoi, je le répète, je suis favorable à l'expérimentation sur le territoire national de techniques évitant les dégâts liés à la fracturation hydraulique, en vue de lever les interdictions actuelles. Si les gaz de houille ou de mine sont accessibles, c'est que le charbon est déjà fissuré. Je vous invite à visiter le démonstrateur, situé en Lorraine, de la société European Gas Limited : le président de la région, qui a vu fermer les mines, se fera un plaisir de vous exposer comment il sera de nouveau possible de les exploiter. J'ai commandé des études pour mesurer la faisabilité économique de ce modèle : les réserves situées dans les veines de charbon inexploitées sont considérables. Il faut savoir qu'autrefois on descendait rarement au-dessous de 500 mètres en raison du coût du soutènement. Or, aujourd'hui, les techniques d'extraction du gaz permettent de suivre les veines de charbon, ce qui permet d'exploiter le grisou – du méthane – à l'état quasi naturel.
Nos ressources couvriraient – j'insiste sur ce conditionnel – entre cinq à dix ans de notre consommation de gaz naturel. Alors que nous importons 40 milliards de mètres cube l'an – 20 % du bouquet énergétique –, je ne pense pas que le débat sur l'exploitation du gaz soit anecdotique. Je suis évidemment prêt à y associer la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, notamment en accompagnant des parlementaires en Lorraine pour examiner avec eux les possibilités offertes par le gaz de houille. Le gaz de mine, quant à lui, possède les mêmes vertus mais il provient des veines de charbon déjà explorées : aussi les réserves sont-elles moindres.
Les prix de l'énergie s'envolent à l'heure actuelle. L'exploitation de gaz de houille ou de mine représente un enjeu considérable, non seulement en termes de rentabilité mais aussi de souveraineté économique. Alors que nous cherchons des moyens pour assurer à notre économie un nouveau développement, alors que partout dans le monde, au prix de délocalisations massives, les arbitrages en matière d'industries électro-intensives se font en faveur des régions qui offrent l'énergie la moins chère, comment voulez-vous que j'annonce aux Français que le Gouvernement se désintéresse des ressources nationales ? En vingt ans, la France a perdu, au profit de la Russie, du Canada, des pays du Golfe ou de l'Australie, 1 million de tonnes de capacité de production d'aluminium en raison du prix de l'électricité, qui entre pour 40 % dans le prix de revient de l'aluminium primaire, obtenu par électrolyse. Or ces quatre pays ont fait le choix stratégique de baisser le prix de l'énergie à destination de l'industrie. L'Europe a déjà perdu la bataille du prix de l'énergie au profit du reste du monde. À l'intérieur de l'Europe, les Français risquent de la perdre au profit des Allemands, qui ont décidé d'augmenter le tarif pour les ménages et de le baisser pour l'industrie.
Désormais, nous importons de l'aluminium et, si j'ai du mal à empêcher la fermeture de l'usine de Saint-Jean-de-Maurienne, où les procédés industriels de production de l'aluminium ont été inventés il y a un siècle, c'est que Rio Tinto a décidé d'investir dans son pays, le Canada, où le prix de l'énergie est moins élevé. Le débat public, qui sera difficile mais devra être équilibré, ne pourra pas faire l'impasse sur la capacité de la France à proposer un prix de l'énergie attractif pour les industries électro-intensives. Telle est ma conviction : le gaz « made in France », à base de gaz de houille et de gaz de mine, nous permettra de financer notre compétitivité industrielle.
S'agissant du gaz de schiste, je le répète, nous devons accompagner la recherche. Je suis attaché à l'idée de ne pas en confier le pilotage à des intérêts industriels privés mais à un service public de la recherche scientifique. Quoi qu'il en soit, si nous devions nous diriger vers l'exploration, voire l'exploitation du gaz de schiste, nous le ferions avec l'aval du Parlement : le Gouvernement n'a pas de compétence en la matière, il devrait passer par la loi. Le débat, dans le cadre de la transition énergétique, aurait donc lieu au Parlement où le projet réunirait, ou non, une majorité en sa faveur. Aucun directeur de cabinet ministériel n'octroiera de permis d'exploration de gaz de schiste comme ce fut le cas auparavant. C'est une compagnie nationale, sous le contrôle conjoint du Parlement et du Gouvernement, qui encadrerait une éventuelle mise en exploitation de ce gaz, et ce, afin d'éviter les dérapages qu'ont connus d'autres pays – telle est du moins ma position, dont je n'ai pas encore fait part au reste du Gouvernement.
Faute d'ouvrir de nouvelles carrières, nous importons du clinker, qui entre dans la composition du ciment, alors que la France en a toujours produit – c'est, avec l'importation d'aluminium, un nouveau signe du déclin de notre économie. Nos importations de clinker ont augmenté de 10 % en 2012 – elles augmentaient de 5 % l'an jusqu'à l'année dernière. Tout ce que nous avons inventé ou produit, nous l'importons désormais, faute de recourir à nos propres ressources, qui sont abondantes et variées, alors que nous pourrions les exploiter de manière intelligente et équilibrée. Tel est l'esprit de la réforme du code minier. Nous sommes devenus les champions de l'importation, comme si la France pouvait se permettre une telle désinvolture à l'encontre de secteurs industriels qui sont passés de l'état de producteurs à celui d'importateurs. La mission du ministre du redressement productif est d'inverser cette tendance. N'oublions pas que nous sommes désormais contraints de procéder à des ajustements – je le constate tous les jours à Bercy – et que notre pays ne sait plus comment il pourra continuer de financer son modèle social, sa sécurité environnementale, son niveau de service public et de dépenses militaires, ainsi que son rayonnement diplomatique et culturel. Monsieur Jean-Marie Sermier, nous nous efforcerons d'inscrire les granulats dans le code minier.
Madame Valérie Lacroute, le code minier permettra de résoudre le problème de l'impact des activités minières, parce que celui-ci sera traité dans le cadre d'une autorité indépendante – c'est déjà le cas des infrastructures routières qui font l'objet d'un débat public. L'autorité de délivrance du titre d'exploitation tiendra compte d'un tel débat.
Madame Françoise Dubois, je vous l'accorde bien volontiers, le problème, à l'heure actuelle, est celui de l'absence de règles précises. C'est pourquoi nous nous efforçons, dans le traitement du dossier Variscan Mines, dans la Sarthe – projet qui a fait l'objet d'une concertation locale –, d'anticiper l'esprit du nouveau code minier. Dans un souci de transparence, le ministère associera les parlementaires du département à ce projet, pour que la population, elle aussi, y soit associée après avoir été dûment informée.
Monsieur Yannick Favennec, vous avez évoqué la géothermie profonde. Peut-être la loi pourrait-elle inscrire la géométrie de surface dans le régime déclaratif, les règles propres au régime d'autorisation étant plus lourdes. Il reviendra au Parlement de tracer la ligne de partage entre les deux.
Le permis Limonade, délivré le 3 mai 2012, soit quelques jours avant ma nomination, a fait l'objet de la part de mon prédécesseur, M. Éric Besson, d'un arrêté notifié à l'intéressé, la société Rexma, par télécopie et non par la voie du Journal officiel. La publicité n'étant pas nécessaire, seule vaut la notification. Cet arrêté est donc créateur de droit et, quoi que nous en pensions, nous nous sommes trouvés dans l'impossibilité juridique de revenir dessus sous peine d'un recours coûteux pour les finances publiques. Telles sont les contraintes du code minier actuel : il ne nous permet pas d'interrompre les travaux.
Nous avons réuni tous les partenaires – les ONG, les élus dont Mme Chantal Berthelot, et la société Rexma – afin de trouver un compromis. Les positions sont pour la plupart raisonnables, du fait que le permis ne concerne pas la zone de coeur du parc amazonien de Guyane. D'ailleurs, plusieurs élus, considérant que la densité démographique ne dépasse pas deux habitants au kilomètre carré, ne souhaitent pas sanctuariser la zone, de peur que les orpailleurs clandestins ne prennent la place laissée par l'activité légale, et ne polluent le sol au mercure. Comme il n'est pas possible de mettre un policier derrière chaque hévéa, il est nécessaire de trouver un accord entre les différentes parties prenantes. De plus, le titre d'exploration est antérieur au schéma départemental d'orientation minière : la décision est donc valable sur le plan juridique – le code minier actuel le veut ainsi. Nous sommes, je le répète, dans l'obligation de trouver une solution et nous nous y employons. Contrairement aux ONG radicales, le maire de Saül a adopté une position raisonnable : s'il refuse toute exploitation aurifère à quelques kilomètres du village, ce qui peut se comprendre, il n'y est pas opposé dans un périmètre plus large. Je fais tout mon possible pour clore un dossier dont j'ai hérité – je tiens à le rappeler.
Nous avons besoin d'une meilleure connaissance de nos ressources en granulats marins dont l'exploitation, manifestement, ne rencontre aucune opposition de principe. L'approche systématique de la façade maritime doit entrer dans l'extension des missions du BRGM. S'agissant des amas sulfurés, nous en reparlerons dans dix ans !
Alors que la France a ouvert un débat sur la transition énergétique, il faut savoir que les États membres de l'Union européenne agissent en la matière en cavaliers seuls. L'Espagne a accumulé 25 milliards d'euros de dettes liées aux énergies renouvelables, qui lui ont coûté plus cher que prévu sans lui rapporter les bénéfices escomptés. Les Allemands ne savent pas, eux non plus, comment financer leur sortie du nucléaire. Certes, il convient de développer les énergies renouvelables, et Delphine Batho et moi-même y sommes attachés, notamment grâce à l'éco-industrie, mais les difficultés de nos voisins doivent servir de leçons à la France dans son débat sur la transition énergétique.
Considérant que chaque filière est responsable de son économie circulaire, nous souhaitons accentuer la pression sur les producteurs et les fabricants de grands biens de consommation en vue d'interdire l'exportation de la matière première issue du recyclage et de la déconstruction. À cette fin, Manuel Valls et moi-même avons engagé des contrôles dans les casses illégales qui exportent des galettes de voitures comprimées sans avoir extirpé les matières réutilisables ou recyclables. Ces contrôles mettent à mal l'économie souterraine liée à ces casses. Les 750 000 véhicules hors d'usage produits chaque année sur le territoire national pourraient alimenter une importante filière économique. Delphine Batho et moi-même y travaillons.
Nous souhaitons aider les entreprises à s'engager dans le photovoltaïque, l'éolien en mer, les technologies de stockage de l'énergie, la valorisation des déchets ou l'efficacité énergétique, grâce notamment à cet outil qu'est la BPI. L'État passe des commandes à tous les secteurs en leur imposant ses choix. Le ministère du redressement productif est en quelque sorte celui du colbertisme participatif : il concilie la dictature éclairée, d'origine monarchique, de l'État qui trace la voie, et la participation des entreprises, qui font les propositions. C'est ainsi que j'ai souhaité connaître les progrès réalisés par la filière chimique en matière de biochimie et de biodégradabilité, en vue de l'aider par une réglementation adéquate et des décisions appropriées. La mission de l'État, qui est d'ordre réglementaire et financier, vise à montrer la voie et à favoriser le passage des caps technologiques, qu'il s'agisse de l'automobile, de l'aéronautique ou des éco-industries. Je souhaiterais revenir devant vous avec Delphine Batho pour exposer en détail les avancées réalisées dans les dix-huit sous-filières des éco-industries. Nous sommes des écologistes convaincus.
Monsieur Yves Albarello, je ne peux pas vous répondre sur la filière graphique : c'est la ministre de la culture qui est chargée du dossier. Si je gère les sinistres, Mme Aurélie Filippetti fait les choix politiques structurants en matière de pluralisme culturel.