Intervention de Bernard Chevassus-au-Louis

Réunion du 20 février 2013 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Bernard Chevassus-au-Louis, co-préfigurateur du projet de l'Agence nationale de la biodiversité :

Rassurez-vous, monsieur le président, nous ne sommes pas choqués, bien au contraire. La démocratie est un bien suffisamment précieux pour qu'on la laisse s'exercer. C'est un honneur de pouvoir vous écouter et avoir vos réactions.

Vos questions montrent que l'ambition de développer le capital écologique est un pari sur l'avenir pour notre société, son économie et son développement, qui nécessite d'être encore débattu. Il y a une quinzaine de jours, j'assistais à un colloque organisé par le MEDEF intitulé « Économie et biodiversité ». C'est dire si l'investissement dans la biodiversité comme vecteur d'avenir est intégré dans de nombreuses réflexions au sein même du monde économique, même si, en effet, il y a encore beaucoup à débattre.

Quant à savoir si le moment est bien choisi, rappelons-nous que nous ne nous en sommes pas beaucoup préoccupés lorsque nous étions riches. Aujourd'hui, nous n'avons pas les moyens. Quand les aurons-nous ? À quel moment ferons-nous ce pari si nous pensons qu'il s'agit d'un investissement pour l'avenir ?

Peut-être nous sommes-nous mal exprimés, et dois-je lever quelques malentendus. Notre voeu le plus cher est vraiment de faire une agence conçue et perçue par l'ensemble des acteurs, État, collectivités territoriales, entreprises et associations, comme leur maison commune. Autrement dit, toute lecture qui verrait une volonté de renationalisation, de reconcentration de la politique de biodiversité irait tout à fait à contresens de notre état d'esprit. Toutes les auditions auxquelles nous avons procédé nous ont confortés dans l'idée que le succès dépendra de la perception de l'Agence comme une maison commune, un centre de ressources et d'appui pour tous les opérateurs. Effectivement, nous reconnaissons que les collectivités territoriales aujourd'hui, les villes comme les départements ou les régions, investissent dans ce domaine et y consacrent des moyens importants. Ce serait une catastrophe que l'annonce d'une agence conduise ces collectivités à en faire moins. C'est d'ailleurs peut-être pour cela que nous préférons le terme d' « agence française » à celui d' « agence nationale ». D'une part, à l'international, « agence française » est plus parlant ; d'autre part, cette terminologie signifie bien que l'ensemble des opérateurs du territoire est concerné et pas uniquement la partie centrale.

Deuxième point d'ambiguïté, si nous avions proposé de faire rentrer dans un établissement public existant, comme Parcs naturels de France, l'Agence des aires marines protégées et un certain nombre d'autres opérateurs, vous auriez perçu que nous allions diminuer le nombre d'établissements publics. Or notre discours est de créer une nouvelle agence dans laquelle entreront ces opérateurs. C'est une question de présentation, derrière laquelle, effectivement, il y a une volonté de fusionner des établissements publics. Pour des raisons d'affichage politique, il est préférable de proposer la création d'une nouvelle agence dans laquelle tout le monde se retrouvera.

Jusqu'où irons-nous sur ces quarante-cinq opérateurs dont vous avez parlé ? Ce débat sera le vôtre. Sur les cas difficiles de l'ONCFS ou de l'ONEMA, nous proposons que ces organismes continuent d'exister avec leur structure de gouvernance et leurs pleines prérogatives, mais en les rattachant à un système de gestion commune des missions communes avec celles de l'Agence. Quant à aller plus loin dans la rationalisation et dans les fusions, c'est une décision qui vous reviendra dans votre débat. Nous proposons une première étape, à vous, ensuite, de régler le curseur.

S'agissant de la recherche, compte tenu de mon passé, je ne peux pas être soupçonné de nourrir une hostilité quelconque à son encontre. Cet enjeu est suffisamment important pour être traité de manière spécifique. Je suis le premier à dire que l'effort national de recherche sur la biodiversité a été un parent pauvre du renforcement de la recherche française, qui s'est beaucoup plus axé sur d'autres aspects de la biologie. Vous aurez à débattre d'une loi sur l'enseignement supérieur, dont la ministre a indiqué qu'elle lancerait une grande réflexion sur les priorités de la stratégie nationale de recherche. C'est peut-être à ce niveau qu'il faudra poser la question des domaines prioritaires et de la pertinence de réorienter une partie de l'effort de recherche. Nous avons préféré laisser ce domaine à l'enseignement supérieur et à la recherche plutôt que de faire porter au ministère de l'écologie un renforcement des moyens de recherche. Cela nous aurait semblé plutôt contreproductif, c'est-à-dire de nature à rendre moins urgent le débat sur la nécessité pour l'enseignement supérieur et la recherche de se saisir de cet enjeu des recherches sur la biodiversité. Encore une fois, c'est notre proposition et l'on peut en discuter.

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