Intervention de Catherine Coutelle

Réunion du 13 février 2013 à 16h30
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Coutelle, présidente :

Nous avons consacré une partie de notre réunion du 23 janvier dernier à la présentation du travail que j'ai conduit depuis le mois d'octobre sur l'organisation, les moyens et l'action du service des droits des femmes, tant en ce qui concerne son administration centrale qu'en ce qui concerne son réseau déconcentré, constitué des déléguées régionales (ces postes sont tous occupés par des femmes) et des chargés de mission départementaux (dont je parle au masculin car l'un des postes est occupé par un homme).

La question centrale qui a sous-tendu le présent rapport est la suivante : la ministre des Droits des femmes aura-t-elle les moyens de mettre en oeuvre la politique ambitieuse et bienvenue à laquelle s'est engagé le Gouvernement ?

Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), le service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes (SDFE) a été rattaché à la direction générale de la Cohésion sociale lorsque celle-ci a été créée en janvier 2010. Il y a perdu son autonomie et plusieurs de ses fonctions, mutualisées au sein de la direction générale : la communication, les affaires européennes et internationales, la recherche et les statistiques et surtout la gestion des ressources humaines.

Ce service central doit retrouver plus de visibilité au sein de l'administration ainsi que sa responsabilité interministérielle. Sa responsable doit regagner un rôle dans la gestion des ressources humaines, pour ce qui concerne les nominations, la mobilité et les promotions. Cette implication est essentielle pour assurer la cohérence de l'action de l'échelon central jusqu'à l'échelon départemental.

Abordons ensuite à nouveau, plus brièvement, la situation du réseau déconcentré : il doit rester une « administration de mission » ; pour autant, il faut lui donner les moyens d'une efficacité accrue.

En même temps que le service central intégrait la direction générale de la Cohésion sociale, le décret du 25 mai 2009 relatif aux missions des secrétaires généraux pour les affaires régionales (SGAR) disposait que les déléguées régionales aux droits des femmes et à l'égalité assistent le secrétaire général, sous l'autorité duquel elles sont placées. L'autonomie du service de la déléguée régionale (la délégation régionale aux droits des femmes et à l'égalité) a disparu dans ce mouvement, ainsi que, à mon sens, une partie de sa visibilité et de son autorité : elles les retrouveront en étant positionnées auprès du préfet de région, ce qui renforcera leur légitimité pour la dimension transversale de leur action.

Pour ce qui est de la nomination des déléguées régionales, la pratique a montré une forte implication du préfet, qui fait un choix entre les candidatures qui lui sont présentées. La candidature doit ensuite être validée par la cheffe du service des droits des femmes, qui peut s'y opposer. L'existence d'une ministre des Droits des femmes entraîne depuis 2012 une validation par le cabinet ministériel lui-même. Il me semble cependant, comme je l'ai déjà évoqué, qu'il serait souhaitable de donner à la cheffe du service des droits des femmes la possibilité de choisir la déléguée régionale sur la liste des candidatures sélectionnées par le préfet de région, car c'est elle qui est responsable de la cohérence de l'action du réseau.

Enfin, pour le niveau départemental, j'ai déjà souligné que le rattachement des chargés de mission départementaux au directeur départemental de la Cohésion sociale posait des difficultés en termes de champ d'action et d'articulation entre les deux niveaux d'administration territoriale. Les chargés de mission ont aussi perdu en visibilité et en capacité d'initiative en comparaison de la période où ils étaient positionnés auprès du préfet de département. Leur visibilité extérieure et leur capacité d'initiative sont aujourd'hui souvent liées à l'engagement et au volontarisme plus ou moins réel de leur directeur.

C'est pourquoi il m'a paru souhaitable de placer les chargés de mission départementaux sous l'autorité hiérarchique du préfet de département, pour renforcer la transversalité de leur action et la cohérence des actions au sein d'une même région. Leur positionnement fonctionnel pourrait être maintenu au sein de la direction départementale de la cohésion sociale, car les chargés de mission s'y sont habitués et y trouvent des avantages pour traiter les dossiers sociaux, par exemple.

Là encore, j'ai souligné dans le rapport que la responsable du SDFE, responsable de la mise en oeuvre des choix politiques ministériels et de l'efficacité de l'action du réseau dans son entier, devrait avoir une prééminence dans les décisions relatives aux nominations, à la mobilité, à la promotion et aux fins de contrat en ce qui concerne les chargés de mission.

Comme je l'ai mentionné lors de notre première réunion consacrée à ce sujet, les modalités de titularisation proposées aux agents du réseau sont loin de recueillir une adhésion unanime de ces personnels. Elles prévoient la titularisation dans le grade d'attaché par la voie du concours, ce qui ne reconnaît guère l'ancienneté et l'expérience acquises par ces agents. Le grade d'attaché principal, qui correspondrait aux missions remplies par les déléguées, ne pourrait en outre être atteint que par le passage du concours et dans des conditions d'ancienneté très exigeantes. L'administration se montre très restrictive dans ses propositions, alors qu'il s'agit d'un corps d'agents peu nombreux et pour beaucoup, détenteurs d'ancienneté et d'expérience.

C'est pourquoi je propose une recommandation visant à ce qu'il soit ouvert aux déléguées régionales une titularisation dans le cadre d'un concours dédié ou même d'une admission sans concours, comme l'avait autorisé la loi du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique, dite « loi Sapin ».

Par ailleurs, il est prévu de créer très prochainement un corps interministériel à gestion ministérielle, présenté par l'administration des Affaires sociales (dont dépendent les agents du SDFE) comme pouvant offrir de bonnes perspectives à ces agents. Mais il faut que l'arrêté fixant la liste des emplois dont les titulaires peuvent prétendre à intégrer ce corps n'exclue pas ces agents, eu égard aux particularités de leur emploi.

Dans ce cas et de manière générale, comme l'ont souligné de nombreuses personnes entendues, les particularités caractérisant les emplois du réseau leur nuisent pour ce qui concerne les promotions et les demandes de mobilité : les déléguées régionales et les chargés de mission départementaux n'ont pas l'occasion de gérer du personnel ni de faire de la gestion financière, et leur mobilité a été faible jusqu'à présent. Il est temps que les qualités développées par ces agents dans leur travail d'expertise, d'animation de réseau, transversal et partenarial, de conduite de projet, soient prises en compte de manière positive pour cet accès au corps interministériel à gestion ministérielle, et de manière générale dans la gestion des ressources humaines à leur égard.

Je propose aussi que l'intitulé des fonctions de ces agents soit unifié sous le même nom de délégué régional ou délégué départemental, considérant qu'il s'agit du même « métier », qui appelle la même formation et doit permettre la possibilité de passer d'une fonction à l'autre.

Enfin, j'ai insisté sur la nécessité de mieux articuler ces deux niveaux d'administration, non pas en rétablissant une hiérarchie entre eux, mais par une meilleure complémentarité et un dialogue intégrant la compétence et l'expérience détenues à chaque niveau. Une méthode coopérative doit être élaborée, renforcée par des directives ministérielles et des priorités clairement énoncées à ce niveau.

Nous avons déjà évoqué les améliorations qui peuvent être apportées à la méthode de construction des plans régionaux stratégiques. J'ajouterais, pour conclure, qu'un outil de diffusion, au plan national, des bonnes pratiques me paraît indispensable, afin de favoriser les progrès concrets des droits des femmes et de l'égalité en partant du niveau local pour remonter au niveau national, avant d'irriguer d'autres régions.

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