Intervention de Luc Jaillais

Réunion du 20 février 2013 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Luc Jaillais, membre de la commission Fiscalité du patrimoine de l'IACF :

Nos clients sont très heurtés par l'imprévisibilité des situations juridiques. De fait, des planifications patrimoniales sont parfois fortement contrariées par des modifications législatives, ce qui suscite un sentiment de « ras-le-bol ».

Nos clients sont également très sensibles à la rétroactivité des textes qui, même si elle est validée par le Conseil constitutionnel, s'applique parfois violemment et entraîne des conséquences qui, si minimes soient-elles, peuvent être le catalyseur d'une décision de départ. Ainsi, l'un de mes clients, qui avait opté pour le prélèvement libératoire sur les dividendes des sociétés immobilières cotées en 2011, avait réduit ses acomptes prévisionnels en anticipant un impôt sur le revenu moins élevé que l'année précédente. Or, le prélèvement ayant cessé d'être libératoire, il a dû s'acquitter de majorations pour insuffisance d'acompte. De telles situations, même si elles entraînent des enjeux financiers modestes, sont très irritantes pour les contribuables touchés.

Toutes les catégories fiscales sont concernées. Les motifs du départ peuvent également être liés à la transmission successorale, car le champ d'application des droits de donation s'est considérablement élargi depuis la fin des années 1990 et ses taux ont atteint des niveaux qui peuvent paraître excessifs à certains contribuables. Il est préoccupant de constater que la délocalisation peut toucher aujourd'hui deux ou trois générations : des familles entières quittent la France pour procéder à des transmissions à l'abri des droits de succession et de donation français.

L'impôt de solidarité sur la fortune – ISF – est également un facteur de départ, phénomène qui s'est accentué avec le plafonnement du plafonnement, après 1995. Aujourd'hui, le rapport entre le taux marginal d'imposition de 1,5 % et la performance d'un placement sécurisé atteignant au mieux 2 % net d'impôts est un autre motif d'insatisfaction pour les contribuables. Bien que le Conseil constitutionnel ait vu dans l'exonération de certains biens, comme les biens professionnels et les oeuvres d'art, une justification de ce taux, certains contribuables, notamment ceux qui cèdent une entreprise, subissent une déprofessionnalisation violente de leur patrimoine et sont soumis à un niveau d'ISF inédit pour eux. Constatant que, compte tenu de ce taux, leur capital ne leur rapportera rien, ils peuvent être conduits à envisager un départ.

Le bouclier fiscal, s'il n'a pas fait revenir grand-monde, a du moins ralenti le flux des départs. Les contribuables déjà devenus non-résidents ont observé avec circonspection l'évolution de ce dispositif avant d'envisager un retour. Or, la dégradation du bouclier fiscal sur des points techniques tels que les dividendes ou l'imputation des déficits, notamment fonciers, a pris à revers certains de nos clients qui espéraient voir leurs revenus immobiliers locatifs garantis.

L'impôt sur les plus-values a conduit de nombreux contribuables à quitter la France pour réaliser des plus-values sous des cieux moins taxés. Le dispositif d'exit tax a un effet inattendu sur la sociologie des départs : au lieu de partir aux alentours de la soixantaine, lors de la cession de leur entreprise, les contribuables envisagent désormais la délocalisation avant que l'entreprise n'ait atteint une valeur trop élevée. Ils sont donc souvent loin de vendre leur société et le montant échappant à l'impôt est certainement bien plus élevé que le milliard d'euros recensé par la Direction générale des finances publiques – DGFIP –.

La contribution sur les revenus et la contribution exceptionnelle ont conduit de nombreux contribuables à s'interroger et nous avons été consultés par des états-majors de grands groupes internationaux ou par des équipes de gestion de fonds d'investissement pour évaluer l'impact de ces mesures. Il est apparu que ces équipes auraient intérêt à envisager une délocalisation à Londres si elles pouvaient en assumer les implications personnelles. Malgré la censure du Conseil constitutionnel, qui a atténué cette réflexion, nos clients sont attentifs à l'évolution de la législation.

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