Intervention de Dominique Bertinotti

Réunion du 15 janvier 2013 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille :

Je comprends parfaitement que des visions différentes de la famille puissent être défendues. Le rôle du Gouvernement et du législateur est d'examiner ce qu'est la famille aujourd'hui. Or le triptyque constitué d'un homme, d'une femme et de deux enfants ne constitue qu'un modèle parmi d'autres de celle-ci. Cet état de fait n'a pas été créé par la loi, ce sont nos concitoyens qui ont décidé de « faire famille » de manière diverse. « Faire famille » est la traduction d'une volonté de s'organiser entre adultes et enfants, la nature de cette composition pouvant varier d'une famille à l'autre. Cette situation dénote d'un profond attachement à la famille, cette dernière devant, aux yeux des Français, être constituée de manière libre, mais devant offrir une protection, des droits et des devoirs égaux. Les Cahiers français, édités à la Documentation française, viennent de publier un numéro consacré aux familles en France aujourd'hui ; un atlas des familles présentant leur diversité vient également d'être publié ; le dernier numéro d'Alternatives économiques met en lumière la variété des modèles familiaux et pointe la nécessité d'adapter le droit de la famille pour répondre à la demande de sécurisation juridique adressée par nos concitoyens. Un débat philosophique sur l'évolution de la nature de la cellule familiale peut être mené, mais tel n'est pas notre propos. Nos compatriotes aspirent à avoir les mêmes droits et devoirs : c'est à cette requête que nous devons répondre.

Par ailleurs, les questions de droit à l'enfant et de droits de l'enfant ne doivent pas être instrumentalisées. Je suis très étonnée que certains parlent du droit à l'enfant à n'importe quel prix. C'est une question qui n'a rien à voir avec l'homosexualité. Si l'on parle de droit à l'enfant, il faut parler de l'adoption qui, comme la PMA, est bien un droit à l'enfant. La PMA permet à des couples hétérosexuels infertiles d'avoir un enfant. Elle illustre le propos de l'anthropologue Maurice Godelier qui souligne que toutes les sociétés trouvent le moyen d'assurer leur descendance, même dans les cas d'infertilité. Le droit à l'enfant est un débat légitime, mais il n'est pas acceptable qu'il ne surgisse qu'à l'occasion de la discussion de ce projet de loi sur l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples de personnes de même sexe.

Refuser de reconnaître la présence d'enfants dans des familles homoparentales et continuer de se cantonner à l'existence juridique d'un seul parent est une démarche inégalitaire. La société rejette le fait que des enfants sont élevés par deux adultes, dont l'un peut être le parent biologique et l'autre le parent social ; ainsi, comme pour les nombreuses familles recomposées autour d'un couple hétérosexuel, le parent social est privé de statut juridique.

La GPA est interdite pour l'ensemble des couples, hétérosexuels comme homosexuels. Il n'y a donc pas d'inégalité liée à l'orientation sexuelle sur ce sujet.

Certaines différences, comme la couleur de la peau ou le sexe, ne peuvent induire de discrimination. Pourquoi l'orientation sexuelle devrait-elle en créer ?

À vous écouter, vous aimez tous les homosexuels et les familles homoparentales, mais, pour certains d'entre vous, cet amour est si fort qu'il ne doit pas déboucher sur l'octroi des mêmes droits. La logique de ce raisonnement m'échappe.

Enfin, le Premier ministre britannique, M. David Cameron, membre du parti conservateur, souhaite ouvrir le mariage aux homosexuels. Et voici ce qu'il dit : « Le mariage est une grande institution et il n'y a pas de raison que les homosexuels en soient exclus. Je soutiens le mariage gay, non pas en dépit d'être un conservateur, mais parce que je suis un conservateur ». Voilà, pour vous, de quoi méditer !

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