Intervention de Erwann Binet

Réunion du 15 janvier 2013 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaErwann Binet, rapporteur :

Puisque j'aurai l'occasion de m'exprimer 500 fois sur autant d'amendements, je souhaite pour l'instant m'attarder sur des arguments qui reviennent en boucle depuis plusieurs semaines à propos de deux sujets résolument hors texte et hors réalité. Pour commencer, comment parvenir à vous faire entendre que la gestation pour autrui n'est pas d'actualité, qu'elle est hors de propos et hors du texte ? Personne aujourd'hui ne la demande, ni dans l'opposition, ni dans la majorité ! S'il faut répéter, encore et encore, que nous ne voulons pas de la GPA, ni dans ce texte ni dans d'autres, nous le répéterons. Aujourd'hui, seules deux des quelque 120 personnes que j'ai auditionnées ont plaidé pour sa légalisation. L'une, et ce n'est pas une surprise, est Mme Elisabeth Badinter, qui porte cette revendication depuis longtemps ; l'autre est une gynécologue de la Société médicale de la reproduction, et les dix collègues qui l'accompagnaient ont immédiatement indiqué que cette position personnelle ne reflétait pas celle de leur Société.

Par ailleurs, je ne comprends pas que l'on puisse arguer du principe d'égalité pour alléguer que si la PMA était ouverte à tous les couples, la GPA suivrait. Puis-je rappeler à ceux des législateurs qui, présents en 1994, ont adopté la loi encadrant la PMA, qu'en choisissant d'interdire la GPA, ils ont introduit une discrimination entre ceux des couples hétérosexuels qui peuvent bénéficier des techniques de la PMA pour résoudre un problème d'infertilité et ceux pour qui la seule solution aurait été la GPA et qui ne peuvent y prétendre en France ? Le législateur de 1994 n'a pas analysé la question au regard du principe de l'égalité. Celui de 2004 pas davantage, non plus que celui de 2011 – ou, s'il s'est interrogé, il a tranché, et accepté une discrimination entre couples hétérosexuels. Quelle différence y aurait-il aujourd'hui ? Quoi qu'il en soit, je le redis, la GPA est hors du texte et hors actualité.

Quant aux arguments invoqués depuis des mois par l'opposition – référendum, absence de débat, états généraux, commissions spéciales… – ce sont en réalité autant de moyens de ne pas entrer dans le débat. Il y a deux jours encore, un député de votre sensibilité politique expliquait, dans Le Dauphiné libéré, qu'il fallait « un débat ». Mais le débat crève l'écran ! Chacun, en France, s'en est saisi, il est sur toutes les lèvres, dans les rues, les cafés, les bureaux et, aujourd'hui, ici ! Ce débat dure depuis six mois, et nos collègues de l'opposition sont les seuls à ne pas s'en rendre compte.

Les mots « bon sens », « évidence », « réalité » » ont été beaucoup utilisés. Eh bien, de la réalité, parlons-en ! Une phrase entendue lors de l'audition d'une famille homoparentale m'est restée gravée dans la mémoire. C'est celle d'une mère qui m'a dit : « Nous n'avons pas besoin de votre autorisation pour faire famille ». Voilà quelle est l'évidence, voilà quelle est la réalité, voilà ce qui doit conduire à agir sans faire des procès d'intention à propos de la GPA, sans chercher à tourner autour du pot en demandant l'organisation d'un référendum ! Ces familles continueront d'avoir des enfants, et il nous incombe de leur donner les droits qu'elles réclament. Je réaffirme mon avis défavorable à tous les amendements de suppression.

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