Intervention de Daniel Fasquelle

Réunion du 15 janvier 2013 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Fasquelle :

Cet amendement reprend ma proposition de loi pour l'institution d'une alliance civile et je m'en réjouis.

« Ne pas utiliser le mot juste, c'est ajouter à la misère du monde », disait Camus. J'ajouterai à cette citation une phrase du grand juriste et sociologue Jean Carbonnier : « À chacun sa famille, à chacun son droit. » Nous devons à la fois savoir mettre le bon mot sur la bonne situation et accepter de traiter différemment des situations différentes. À cet égard, la notion de mariage est indissociable du sens que lui donne son étymologie latine : l'union d'un homme et d'une femme en vue de fonder une famille.

La majorité a une fâcheuse tendance à croire qu'elle parle au nom des homosexuels. J'ai reçu pour ma part de nombreux messages de couples homosexuels qui soutiennent l'idée d'une alliance civile et ne réclament pas le mariage à tout prix. Au demeurant, certains ont demandé lors de la manifestation de dimanche – parfois de façon maladroite et douloureuse – qu'on arrête de s'exprimer en leur nom. Les homosexuels ne pensent pas tous la même chose et nous devons respecter la diversité de leurs opinions.

Pour le reste, les Français ont bien compris que la question de la filiation est le noeud du problème. Ils sont majoritairement favorables au mariage civil, mais comme ils pourraient être favorables à l'alliance civile : ce qu'ils souhaitent, c'est une meilleure reconnaissance des couples homosexuels, notamment par le biais d'une célébration en mairie. Ils sont en revanche majoritairement opposés à l'accès à la PMA et leur opinion a évolué au sujet de l'adoption : alors qu'ils étaient au départ plutôt pour, ils sont aujourd'hui plutôt contre.

On le voit, ils sont maintenant bien conscients qu'il existe deux débats : celui de l'amélioration de l'attention portée aux couples homosexuels – que nous souhaitons tous – et celui des conséquences que l'accès au mariage aurait sur la filiation. Or, la majorité ne parle presque jamais des attentes et des droits des enfants et ne s'appuie pas sur l'avis des experts concernant la manière dont les enfants peuvent se construire. De plus, elle entretient une confusion permanente entre l'éducation et la filiation. Il est vrai que des couples homosexuels élèvent aujourd'hui des enfants, mais ces enfants ont la possibilité de se construire car ils savent qu'ils ont un père et une mère. Les spécialistes de l'adoption le disent aussi : même dans le cas où il ne connaît pas ses parents, l'enfant peut malgré tout se construire par rapport à un référent masculin et féminin.

Vous proposez d'aller beaucoup plus loin alors même qu'il n'existe ni étude ni retour d'expérience sur la question. De nombreux experts estiment qu'il y a là un danger pour l'enfant, car il ne peut se construire dans une filiation constituée de deux pères ou de deux mères. En ouvrant la possibilité de l'adoption plénière, le texte permet de couper définitivement le lien entre l'enfant et son père ou sa mère biologique. C'est très grave et je regrette que vous n'en ayez pas conscience.

C'est pourquoi je vous demande de porter attention à cette proposition d'alliance civile, qui permet d'être à l'écoute des couples homosexuels, tout en tenant compte de la nécessité, pour l'enfant, d'avoir un référent paternel et maternel. Ce message des experts que vous n'avez pas voulu entendre, c'est aussi celui que les Français envoient en filigrane des enquêtes d'opinion : oui à une meilleure reconnaissance des couples homosexuels, mais veillons à ne pas jouer aux apprentis sorciers en ce qui concerne les enfants !

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