L'Europe tente aujourd'hui de faire converger les positions des États membres en matière financière : c'est ce que l'on appelle « la marche vers l'Union bancaire », mais on est encore loin du but !
Ma principale observation porte sur les recettes bancaires. Une banque ayant par définition un rôle d'intermédiation, transforme une partie de ces recettes de court terme en produits de long terme. La seule question qui se pose véritablement est celle des ratios de solvabilité et de liquidité, comme l'ont illustré les crises bancaires successives qui se sont ensuite transformées en crises financières. Songez donc que les ratios d'avant la crise étaient de 4 ou 5 et qu'ils sont désormais de 9 ou 10 ! Cela équivaut à exiger des banques qu'elles doublent leurs fonds propres, ce qui n'est pas sans conséquence.
Dès lors, la seule question qui nous préoccupe est la suivante : est-il possible de réguler, et, dans l'affirmative, quelle régulation mettre en place ? Dans une économie dématérialisée, le contrôle a ses limites. Quel ratio de fonds propres la majorité actuelle entend-elle imposer ? Certaines banques souhaiteraient l'application de ratios plus faibles, d'autres, de plus élevés. Ce débat est au coeur des accords de « Bâle III ».
Quant à la séparation entre les activités des banques qui sont liées à l'économie réelle et leurs activités spéculatives, c'est un thème qui interpelle tous les pays. Le principe même est consensuel : personne n'ira défendre l'idée qu'il faut soutenir des activités spéculatives ! Mais la question est plus complexe : il s'agit de déterminer où se situe la frontière entre ces deux types d'activité, alors que le risque est inhérent à la notion même d'entreprise. Cette frontière n'est donc pas tout à fait étanche. Or il existe plusieurs écoles en la matière : l'école anglaise, par exemple, préconise la séparation entre banques de dépôt et banques d'investissement, mais en fixant à 2019 l'échéance de cette séparation. Ainsi promet-on la vertu à condition que ce ne soit pas pour demain ! Quant à la France, elle suit un modèle intégré très fortement soutenu. Reconnaissons d'ailleurs que les banques françaises ont plutôt mieux résisté que les banques anglo-saxonnes.
Cependant, l'un des problèmes majeurs n'est-il pas la capacité à gouverner des ensembles tellement importants qu'ils ne peuvent plus faire faillite – le fameux « too big to fail » ? Le risque systémique dépend en effet de la taille de certains organismes financiers. Il me semble illusoire de privilégier une solution strictement française : elle devrait, pour le moins, être européenne.
Quant à l'ACPR, si la distinction entre les fonctions de supervision, de prévention et de gestion de crise est bien connue, quelles seront réellement les capacités de contrôle de cette autorité ? Serons-nous vraiment en mesure de mettre en place le fonds de garantie du Conseil de stabilité financière ? Rappelons que, dans le cadre européen, l'Allemagne a exigé que ses caisses d'épargne soient exclues du Mécanisme européen de stabilité. Or elles drainent des masses financières de l'ordre de 50 à 70 % du secteur bancaire allemand : cela signifie donc que des pans entiers du secteur bancaire échapperont au système de régulation européen !
Enfin, si le Gouvernement souhaite prendre les devants, a-t-il tenu compte du projet de directive européenne en cours de rédaction ? Ne serons-nous pas contraints de rectifier le tir une fois la position européenne définitivement arrêtée ?