Intervention de André Chassaigne

Réunion du 30 janvier 2013 à 10h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Ce projet de loi poursuit des objectifs louables et traduit un engagement ferme du Président de la République. Il prévoit de séparer les activités utiles au financement de l'économie des activités spéculatives des banques, d'instaurer un régime de résolution des crises bancaires, d'élargir les missions du Conseil de régulation financière et du risque systémique et de renforcer la protection du consommateur. Je n'ai déposé aucun amendement sur ce texte, préférant laisser à mon collègue Nicolas Sansu le soin de le faire auprès de la commission saisie au fond. Je souhaiterais néanmoins pointer les insuffisances nécessitant une évolution de ce projet de loi.

Premièrement, l'article 1er exige des banques qu'elles cantonnent certaines activités spéculatives dans une filiale sans remettre en cause leur structure de holding. Ainsi, lorsqu'une filiale fera faillite, ce sont les autres filiales qui devront assumer les pertes induites. Certes, le projet de loi prévoit un système de résolution bancaire – d'ailleurs peu détaillé – assorti de clauses applicables en cas de faillite. Il reste que la responsabilité des différentes filiales mérite d'être clarifiée.

Deuxièmement, le nombre d'activités cloisonnées reste très limité : ainsi la BNP a-t-elle fait savoir que la réforme prévue ne concernerait que 2 % de son chiffre d'affaires ! En outre, le cloisonnement des activités spéculatives les plus lucratives demeure insuffisant. Les banques pourront donc continuer à utiliser les dépôts de leurs clients pour favoriser le développement de produits dérivés. On n'atteint donc la cible que très partiellement ! Il conviendra de limiter le risque d'absorption des dépôts en cas de faillite bancaire, d'étendre la liste des activités jugées spéculatives et d'interdire la revente sur les marchés des créances détenues par les banques commerciales.

Troisièmement, le projet de loi limite le trading haute fréquence (THF), mais à l'exclusion du THF de tenue de marché et des opérations effectuées à une rapidité supérieure à une demi-seconde. On peut donc estimer que 80 à 90 % des opérations de THF resteront autorisées. Encore une fois, ces mesures devront être renforcées.

En instaurant dès à présent un régime de régulation bancaire, le projet de loi anticipe sur l'agenda de la Commission européenne. Nous sommes donc dubitatifs. Une telle anticipation vise-t-elle à tirer vers le bas les propositions susceptibles d'être formulées par le commissaire Barnier à la suite du rapport Liikanen ? Ce rapport est d'ailleurs plus exigeant que le projet de loi en termes de séparation entre activités de dépôt et activités spéculatives. Si jamais le texte de la commission européenne s'avérait plus ambitieux que le présent projet de loi, devrions-nous le modifier de façon à élever le niveau d'intervention des pouvoirs publics ?

Enfin, je souhaiterais répondre aux objections formulées par la Fédération française des banques – organisme dont le lobbying n'a d'ailleurs pas été particulièrement discret, ce qui est compréhensible puisqu'il s'agit de défendre le grisbi !

En premier lieu, les banques de dépôt-crédit séparées de leur département d'investissement sur les marchés ne seront nullement privées de liquidités. En effet, les départements de crédit, notamment destinés aux PME et aux particuliers, ne se financent que grâce aux dépôts et ne recourent absolument pas aux marchés pour récolter des liquidités. C'était le cas avant 2007 avec la titrisation — avec les résultats que l'on sait ! Gardons-nous d'avancer des tels arguments : il est tout à fait possible de renforcer la séparation sans porter un coup au développement économique ni aux PME.

En deuxième lieu, la FBF déplore que le projet de loi nuise aux banques d'investissement. C'est effectivement le cas, et c'est l'objectif recherché. Aujourd'hui, le mélange des genres est tel que l'État est obligé d'intervenir pour protéger les clients des banques. Une telle limitation permettra donc d'éviter que l'État ne soit pris en otage.

En troisième lieu, la FBF objecte que les banques mixtes à la française ont mieux résisté à la crise que les autres. Or ce n'est pas toujours le cas. Dexia a coûté 12 milliards d'euros aux Français. Si elles ont mieux résisté, c'est parce que l'État est intervenu pour assurer la sécurité des clients bancaires.

En conclusion, le vote des députés du Front de gauche dépendra des améliorations apportées au projet de loi.

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