Ce projet de loi très attendu par les TPE et les PME – qui ont encore aujourd'hui beaucoup de mal à se faire financer par les banques – et par la société dans son ensemble est emblématique de notre comportement vis-à-vis du monde de la finance. Notre responsabilité est d'autant plus importante qu'il s'agit du premier projet de loi de ce type à être examiné en Europe.
Ce texte vise à remettre de l'ordre dans les activités du secteur bancaire et financier, et à le rendre plus transparent. Il limite les activités spéculatives des banques et renforce la surveillance et le contrôle du secteur bancaire. Toutefois, en dépit des annonces qui ont été faites, il demeure bien loin de séparer strictement les banques de dépôt des banques spéculatives. Le modèle français de banque universelle n'étant pas remis en cause, l'activité spéculative des banques est telle que le risque que des clients perdent certains de leurs actifs demeure : ce projet de loi ne permettra d'isoler que 2 % de l'activité des banques, alors que leurs activités de marché pèsent de 15 à 25 fois plus dans leur bilan. Les opérations de spéculation risquent donc de rester au même niveau qu'actuellement. Les banques pourront continuer à utiliser l'argent de leurs clients pour spéculer et à bénéficier d'une garantie implicite de leurs activités de marché – l'État couvrant les dépôts de leurs clients. La séparation entre la maison mère et ses filiales ainsi qu'entre les différentes filiales restera perméable. Ces garde-fous sont insuffisants !
Nous souhaitons donc que le projet de loi fasse l'objet d'améliorations de fond. La séparation des activités de crédit et de marché doit être renforcée. Nous souhaitons notamment que l'activité de tenue de marché ne fasse plus partie des exceptions autorisées, mais des activités encadrées des filiales. Ce type d'activité est en effet susceptible de mobiliser une part importante des liquidités d'une banque alors que son utilité économique est limitée. Afin d'interdire les produits les plus toxiques, nous préconisons d'instaurer un contrôle et une autorisation obligatoires de l'ACPR pour tout produit financier proposé par une banque ou sa filiale. Nous souhaiterions que deux représentants du Parlement nommés par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat et un représentant de la société civile nommé par le président du Conseil économique, social et environnemental intègrent le collège de cette autorité. Nous proposons que les bonus ne puissent représenter plus de 50 % de la rémunération des traders et que chaque banque ait l'obligation de publier un rapport annuel sur les crédits accordés aux TPE et aux PME.
La question de l'accessibilité aux banques n'est que partiellement traitée. Actuellement, seule la Banque postale assure cette accessibilité. À ce titre, elle est dédommagée par l'État français – c'est-à-dire par le contribuable – à hauteur de 240 millions d'euros par an. Puisque les banques gagnent de l'argent sur les dépôts des clients, sans doute peut-on exiger que, en retour, elles assurent un service bancaire universel gratuit assorti de prestations de base telles que la tenue du compte, l'information sur le compte, certaines opérations courantes et la mise à disposition de moyens de paiement gratuits tels que le chéquier ou la carte bancaire.
La question des paradis fiscaux – pourtant fondamentale – n'est pas traitée non plus. Il avait été annoncé que les dépôts des banques détenant des filiales dans un paradis fiscal ne seraient plus garantis par l'État. Nous regrettons qu'aucune mesure de ce type ne figure dans le projet de loi et souhaitons une action forte en ce domaine. Il serait également possible d'obliger les banques à déclarer les avoirs qu'elles détiennent à l'étranger, de même que les opérations qui y sont menées par leurs clients. Les États-Unis eux-mêmes se sont déjà engagés sur cette voie.
En conclusion, nous souhaitons que cette réforme soit considérablement améliorée, comme le Président de la République l'a d'ailleurs laissé entendre.