Intervention de Philippe Kemel

Réunion du 30 janvier 2013 à 10h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Kemel, rapporteur pour avis :

On pourrait dire, pour simplifier, que l'activité bancaire consiste à prêter à des taux d'intérêt fixes sans activité de termes. Or cela seul ne permettrait pas au système de fonctionner. Dès lors qu'on introduit des opérations de transformation du court terme en long terme, l'activité comporte un risque de dérive. C'est toute la difficulté à laquelle ce texte tente de répondre.

Les différents rapports qui ont été évoqués montrent que des orientations ont été définies, mais elles ne sont pas prêtes à être appliquées. En ce qui nous concerne, nous tenons à clarifier ce qui relève de l'activité économique réelle et ce qui n'en relève pas.

Certes, certaines activités déstabilisent l'économie réelle. Parce que la transparence de l'information est impérative s'agissant des paradis fiscaux, nous proposerons un amendement – que je convie M. Potier à co-rédiger – disposant que toutes les banques doivent transmettre, selon des normes bien définies, les informations concernant les activités de leurs filiales dans ces paradis fiscaux. L'esprit du texte tend à accroître la transparence de l'information et à la normer afin que les instances de régulation puissent jouer pleinement leur rôle.

Cela produira-t-il des effets sur l'économie réelle ? Les différents acteurs que nous avons rencontrés – représentants des chambres de commerce et du monde de l'artisanat, mais aussi de l'Autorité des marchés financiers (AMF) – ont considéré que cette loi favorisera un recentrage des activités, lequel a d'ailleurs déjà été effectué par le système bancaire français lui-même.

En effet, seuls 4 ou 5 % des activités bancaires demeurent à haut risque. Outre que notre système bancaire a fait preuve de prudence, des repositionnements sont intervenus depuis 2007 et 2008, le marché ayant opéré une régulation suite aux pertes qui ont été enregistrées.

Tout le problème est de ne pas relancer les activités spéculatives lorsque le marché se retournera. Les autorités de régulation, dont l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, considèrent que, en dernière analyse, l'arbitrage est rendu par le niveau de rentabilité. On est en droit de s'interroger lorsqu'il s'élève à 16 ou 18 %, car une activité économique normale parvient exceptionnellement à un taux de 5 %. Le niveau de rentabilité peut donc constituer une ligne de démarcation. Notre travail consiste à accroître également la transparence sur ce plan-là.

Cet arbitrage permet donc de contribuer à ramener les activités bancaires sur le plan de l'économie réelle et, avec les autres instruments que le Gouvernement met en place – Banque publique d'investissement, pacte de compétitivité, stratégies d'investissement par branches d'activité –, assure et conforte la cohérence de l'ensemble du projet.

J'ajoute que les améliorations que ce texte vise à apporter s'inscrivent dans le cadre du principe de la banque universelle, que nous revendiquons.

S'agissant de la défense des consommateurs, des progrès peuvent certes être encore accomplis. Les représentants d'associations de défense des consommateurs nous ont indiqué, par exemple, qu'il conviendrait de limiter le nombre et le coût des commissions d'intervention. Cela pourrait néanmoins comporter des effets pervers, puisqu'une régulation des tarifs, par exemple, pourrait entraîner un alignement du montant des commissions vers le haut comme ce fut déjà le cas en 2008. La commission des finances a, quant à elle, émis l'idée, ce matin, d'une limitation de leur nombre. Les commissions d'intervention doivent-elles perdurer ? En ce qui nous concerne, nous proposons la mise en place du service bancaire universel, ce qui reviendrait à les supprimer.

Le système bancaire connaît des déséquilibres financiers. La gestion des espèces et celle des chèques coûtant chacune 3 milliards d'euros, il est compréhensible que les banques aient cherché les financements nécessaires dans des produits facturés de manière opaque. Nous allons donc accroître la transparence, mais il conviendra de nous montrer vigilants quant aux dérives qui peuvent exister par ailleurs.

Oui, monsieur Chassaigne, nous nous montrerons également vigilants s'agissant des limites de la filialisation, le cantonnement des activités spéculatives ne garantissant pas l'absence de risques. La faillite d'une filiale peut avoir des conséquences sur les fonds propres de la société mère. J'en conviens : nous devrons réfléchir aux garde-fous qu'il est possible de mettre en place.

Peut-être une plus grande clarté rédactionnelle est-elle nécessaire, mais il existe parfois des confusions entre le collège de supervision de l'ACPR, qui comprend dix-neuf membres – dont des personnalités qualifiées – et le collège de résolution, qui ne comporte quant à lui que cinq membres. Un amendement vise d'ailleurs à ce que deux professionnels du monde bancaire leur soient adjoints. Peut-être est-il possible d'aller plus loin ? Nous en discuterons.

Nous savons que les réflexions qui ont cours, notamment dans le cadre du rapport Liikanen, s'inscrivent dans le calendrier européen, lequel ne permettra pas vraiment de résoudre la question des rapports de l'activité économique réelle et de la spéculation avant 2016 ou 2017, après les élections européennes. Aux États-Unis, les décisions n'interviendront pas avant 2019.

Avec ce texte, la France confortera quant à elle son exemplarité. Je rappelle que l'ancienne majorité avait souhaité que l'on travaille sur la rémunération des banquiers, que ce sujet a été abordé au sommet de Pittsburgh et que les comportements ont commencé à évoluer.

La Commission en vient à l'examen des articles.

Titre Ier Séparation des activités utiles au financement de l'économie des activités spéculatives

Article 1er (articles L. 511-47 à L. 511-50 [nouveaux] du code monétaire et financier) : Le principe de la filialisation des activités bancaires spéculatives

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