Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 23 janvier 2013 à 11h45
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Yves le Drian, ministre de la défense :

Je suis heureux d'avoir l'occasion de faire ce point d'étape devant vous, et vous redis ma disponibilité, en dépit des contraintes de mon emploi du temps, pour un rendez-vous hebdomadaire : l'information des commissions de la défense de l'Assemblée et du Sénat est bien entendu une priorité. Compte tenu de l'importance de la bataille de l'information, je souhaite néanmoins, chacun le comprendra, que ces réunions aient lieu à huis clos.

Sur leurs bandeaux défilant, certaines chaînes d'information en continu ont fait état d'événements qui n'avaient pas eu lieu ou de proclamations qui n'engageaient que leurs auteurs, de surcroît restés anonymes. Ainsi, contrairement à ce que l'on a pu lire ou entendre, il n'y a jamais eu de frappes sur Kidal, non plus que de combats « au corps à corps » à Diabali. Seules les informations validées par l'état-major des armées (EMA) doivent être prises en compte, qu'il s'agisse de celles données par l'adjoint du chef d'état-major des armées à l'occasion des trois points de presse techniques hebdomadaires, ou de celles délivrées sur place, à Bamako. J'ajoute que les groupes terroristes, dans cette bataille de l'information, jouent leur propre jeu. En plus de nos réunions régulières, je me tiens bien entendu à votre disposition pour vous donner, autant que faire se peut, tous les compléments que vous souhaiteriez.

Je ne reviendrai pas sur l'historique, l'ayant déjà fait la semaine dernière dans l'hémicycle à l'occasion du débat sans vote ; la veille, j'avais d'ailleurs donné toutes les informations aux présidents des commissions et des groupes. Nos forces, je le rappelle, se sont vu confier quatre missions. La première est d'aider les forces armées maliennes à stopper la progression des groupes terroristes vers le sud, que ce soit par des frappes aériennes – de notre aviation de chasse comme de nos hélicoptères – sur des cibles identifiées ou le déploiement de troupes au sol, les premières appuyant les secondes. La deuxième est la destruction des bases arrière – dépôts d'essence ou de munitions, centres d'entraînement, infrastructures diverses –, comme nous l'avons fait à Gao et à Tombouctou, afin d'empêcher les groupes terroristes de se reconstituer. Il s'agit, en troisième lieu, de soutenir la stabilité du Mali et de ses institutions, notamment par une présence à Bamako, laquelle nous permet aussi d'assurer la sécurité de nos ressortissants comme de ceux, peu nombreux, de l'Union européenne. La quatrième mission, enfin, est de favoriser l'accélération du déploiement des forces armées africaines de la Mission internationale de soutien au Mali, la Misma, autour de l'état-major nigérian installé à Bamako, et d'aider à la mise en oeuvre rapide de la mission européenne de formation et d'encadrement de l'armée malienne, dite « EUTM Mali », puisque la France en est la nation cadre.

À l'heure où je vous parle, 2 600 militaires sont déployés au Mali dans un dispositif associant forces terrestres et aériennes. Le commandement de l'opération Serval est assuré au niveau stratégique, à Paris, par le Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), et au niveau opératif par le général de Saint-Quentin, qui rejoindra prochainement à Bamako son second, le général Barrera.

J'en viens à l'analyse tactique de la situation. Les groupes terroristes étaient entrés, au sud, en empruntant les voies est et ouest, avant que nos troupes ne les bloquent à Konna. Sur le fuseau ouest, des coups sévères ont été portés par des avions de chasse et des hélicoptères français, en particulier sur la katiba d'Abou Zeid, leader d'Aqmi dans la zone de Diabali. Les forces maliennes, appuyées par les françaises, ont repris cette ville après le repli des groupes terroristes défaits vers Léré, Tombouctou ou la forêt de Ouagadou, zone très vaste, située à l'ouest, où il est très difficile de les repérer. Lorsque ces groupes n'ont pas réussi à se mêler à la population dans des lieux précis, ils se dispersent dans différentes directions.

Sur le fuseau est, Mopti, Sévaré et Konna sont désormais tenus par l'armée malienne, avec notre soutien. Nous avons aussi aidé les forces maliennes à reprendre la ville de Douentza, qui était contrôlée depuis quatre ou cinq mois par le groupe Mujao, lequel s'est replié vers l'est, comme Ansar Dine.

Le mouvement des troupes du Mujao se poursuit vers Gao et Ménaka ; Aqmi, pour sa part, semble privilégier le sanctuaire de Tombouctou.

Nous poursuivons les frappes visant les capacités des groupes terroristes sur l'ensemble du territoire malien, car il s'agit avant tout d'une guerre de mouvement. La montée en puissance du dispositif aéro-terrestre se poursuit ; notre principale priorité, d'ordre tactique, technique et diplomatique, est maintenant d'assurer celle de la force africaine, à qui il reviendra de contrôler le territoire aux côtés de l'armée malienne constituée.

Des unités togolaises, béninoises, nigérianes et sénégalaises sont aujourd'hui déployées sur le sol malien, pour un total d'environ 1 000 soldats africains ; le Burkina Faso, de son côté, vient d'envoyer des unités installées à Markala. La Misma, que l'état-major nigérian a pour mission de structurer, est donc en cours de constitution ; elle aura à prendre le relais sur les territoires dont nous prenons le contrôle en appui des forces maliennes.

Le Niger et le Tchad ont eux aussi confirmé leur participation ; l'armée tchadienne a d'ores et déjà diligenté un peu plus de 600 éléments au Niger. Cette mobilisation, que le Tchad annonce substantielle – notamment en matériels –, va se poursuivre, mais les transports et l'organisation logistique réclament évidemment du temps.

Le transport des forces africaines, qui manquent singulièrement de moyens en ce domaine, mais aussi des matériels, y compris français, est assuré avec la participation active de nos alliés européens – Britanniques, Danois, Belges, Allemands et Espagnols –, américains et canadiens.

Samedi dernier, les chefs d'État et de Gouvernement des pays africains concernés, réunis à Abidjan, ont chaleureusement salué l'initiative française et réaffirmé leur volonté de participer à la Misma. Par ailleurs, la conférence des donateurs de la Misma, dont la mise en place nécessite du temps, se tiendra mardi 29 janvier prochain à Addis-Abeba.

Le ministre des affaires étrangères et moi avons fait savoir au Président Traoré qu'il était temps, pour lui, de présenter une feuille de route précisant ses objectifs politiques, une fois l'intégrité du territoire assurée par la Misma et avant l'ouverture de la période électorale. Ce message semble avoir été entendu.

À une ou deux exceptions près, l'ensemble des pays du monde, y compris la Russie, soutiennent l'opération : le secrétaire général des Nations unies l'a dit et répété.

Telles sont, mesdames et messieurs les députés, les informations dont je disposais avant le Conseil des ministres de ce matin ; a priori, il n'y a pas eu d'éléments nouveaux depuis deux heures.

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