Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 23 janvier 2013 à 11h45
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Yves le Drian, ministre de la défense :

Monsieur Vitel, c'est la France qui, par la voix du Président de la République à l'assemblée générale des Nations unies en septembre dernier, a sensibilisé l'opinion publique internationale sur les dangers de la situation au Mali. C'est grâce à cette prise de conscience, faible au départ, qu'a été adoptée à l'unanimité, le 21 décembre, la résolution 2085, sur la base d'un texte proposé par la France, et que fut ainsi créée la Misma ; et c'est en interpellant, par mon intermédiaire, nos collègues européens sur une situation dont ils ne soupçonnaient pas la gravité, que nous avons obtenu, lors du Conseil européen de la mi-décembre, la création d'une mission d'appui à l'armée malienne. Avant cela, l'opinion publique, essentiellement focalisée sur la Syrie et l'Afghanistan, ne se préoccupait guère du Mali – au point que certains de mes homologues européens, à qui j'en avais parlé fin septembre, semblaient découvrir la situation. C'est enfin parce qu'ils ont senti que ces forces seraient opérationnelles avant la saison des pluies que les groupes terroristes ont décidé de s'unir dès le 7 janvier, alors que des tiraillements les divisaient jusqu'alors.

L'intervention française, faut-il le rappeler, a débuté seulement cinq heures après la fin du conseil de défense réuni par le Président de la République le vendredi 11 janvier à onze heures trente. Si le chef de bataillon Boiteux y a malheureusement trouvé la mort, elle a permis de stopper la progression des groupes terroristes, en particulier à Konna. Dès la nuit de vendredi à samedi, des unités d'infanterie furent diligentées sur place afin de sécuriser nos ressortissants et d'éviter tout phénomène de panique à Bamako. Bref, la préparation politique était réelle et la réactivité de nos forces fut exemplaire.

Contrairement à ce que certaines informations ont laissé entendre, aucune prestation ne sera facturée par nos alliés : même si une telle idée a pu germer dans l'esprit de certains, Leon Panetta, avec qui je me suis entretenu à plusieurs reprises au téléphone, m'a confirmé qu'elle n'était pas à l'ordre du jour.

On peut avoir une vision un peu touristique des pick-up, monsieur Bays, mais en l'occurrence, ce sont des automitrailleuses, d'ailleurs en nombre significatif. Les groupes terroristes disposent de matériels militaires performants, tels que des lance-roquettes ou des mitrailleuses. Cet arsenal vient en grande partie de Libye, mais aussi, pour l'armement d'origine française, de l'armée malienne elle-même – qui a subi quelques revers depuis mars dernier – et, enfin, du trafic. N'oublions pas que le Mali est situé dans la zone des narcotrafiquants, laquelle s'étend du Brésil – via la Colombie – jusqu'en Afghanistan, en passant par la Guinée-Bissau. Si le Mali était tombé aux mains des terroristes, il serait devenu un État « narco-terroriste ».

Une réunion des contributeurs de la Misma se tiendra mardi prochain à Addis-Abeba, en marge du Sommet de l'Union africaine. Les sommes collectées seront réparties entre deux fonds : le premier, géré par les Nations unies, sera affecté à la Misma elle-même, et le second à l'armée malienne. Je ne suis pas en mesure de vous donner aujourd'hui une estimation précise du montant des contributions, mais tout laisse à penser qu'elles seront significatives.

Quant à la Russie, elle a effectivement fait savoir qu'elle était prête à mettre à disposition des moyens de transport.

Le financement de l'opération dépendra de l'évolution de la situation et des exigences tactiques, monsieur Laffineur. Son niveau, déjà significatif, progressera sans doute un peu, mais l'architecture globale est cohérente. Cependant, la France n'a pas vocation à s'établir au Mali : notre mission, je le répète, est de permettre à la Misma et aux forces maliennes de prendre le relais, ce qui n'est assurément pas une vue de l'esprit. Une fois que l'ensemble des sites seront sous contrôle, il faudra en effet assurer une présence sur un territoire particulièrement vaste. La formation de l'armée malienne, qui s'effectuera au cours des combats, pourra débuter rapidement, selon le voeu des ministres des affaires étrangères de l'Union réunis le 17 janvier dernier. Les Allemands, hier, nous ont confirmé leur participation à cette mission dont le général Lecointre, déjà sur place, assurera la mise en oeuvre ; elle doit en tout cas permettre à l'armée malienne d'adopter des comportements corrects, en matière militaire comme civile. Outre la Misma, notre priorité, depuis avant-hier, est d'assurer la reconnaissance de toutes les populations : nous l'avons fait savoir au Président Traoré, et le Président de la République a réaffirmé en Conseil des ministres, ce matin, que la plus grande vigilance s'imposait pour éviter les exactions de tel ou tel groupe à l'encontre des Touaregs. La formation de l'armée malienne sera déterminante à cet égard.

L'Algérie, victime l'acte terroriste que vous savez, a décidé de fermer ses frontières, tout comme la Mauritanie. Mes homologues de ces deux pays m'ont confirmé que tout était mis en oeuvre pour empêcher les terroristes de s'échapper, y compris vers la Mauritanie par la forêt de Ouagadou.

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