Merci, monsieur le président.
Je suis ancien interne des Hôpitaux de Paris, professeur de médecine, spécialisé en médecine nucléaire, à la faculté du Kremlin-Bicêtre, et professeur de biophysique à l'université Paris Sud.
En 1981, ma fonction hospitalière a été transférée de Bicêtre au Commissariat à l'énergie atomique (CEA), pour y diriger le service hospitalier Frédéric-Joliot, où je faisais déjà de la recherche, et que Frédéric Joliot lui-même a fondé, lorsqu'il a créé le CEA, afin d'y développer les applications des rayonnements ionisants chez l'homme, en particulier dans le cadre de l'imagerie. Ce service a eu la chance d'être le deuxième au monde à disposer d'un cyclotron et d'une caméra à positons.
J'ai ensuite dirigé, au CEA, le département de recherche en imagerie biomédicale, puis l'on m'a confié la Direction des sciences du vivant, fonction que j'ai exercée pendant quatorze ans. À mes yeux, la priorité était évidemment de développer le partenariat avec les autres organismes de recherche, avec les universités, les hôpitaux, en particulier les centres hospitaliers universitaires, et les agences sanitaires. En effet, à ce poste, j'ai été amené à gérer la crise de la vache folle, dans laquelle le CEA a joué le rôle que vous connaissez, ainsi que l'épidémie de chikungunya, qui a révélé l'absence totale de coordination au sein de notre système de recherche en sciences du vivant.
Lorsque l'on m'a proposé fin 2007 de prendre la direction de l'INSERM, j'ai donc subordonné mon acceptation à la possibilité de coordonner toutes les recherches en sciences de la vie et de la santé, ce qui a conduit à créer l'Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé, l'Aviesan.
J'aimerais citer quelques faits marquants survenus au cours des cinq années que j'ai passées à la tête de l'INSERM.
Le premier, et le plus important à mes yeux, est l'accession de l'INSERM au rang de premier organisme européen de recherche biomédicale. J'ai d'ailleurs été élu il y a un an vice-président de Science Europe, association qui regroupe toutes les agences de financement et tous les organismes de recherche d'Europe, non seulement en sciences de la vie mais également en physique – elle inclut par exemple le CNRS et la société Max-Planck.
Ce rayonnement s'explique par plusieurs facteurs, au premier rang desquels les résultats obtenus par la recherche, dont attestent les indices bibliométriques. En comparant les cinq dernières années aux cinq précédentes, nous avons ainsi eu la satisfaction de constater que le nombre de nos publications dans les vingt meilleures revues mondiales de médecine – dont le New England Journal of Medicine et The Lancet – avait augmenté de 52 %, la hausse atteignant 42 % en ce qui concerne les revues de recherche fondamentale telles que Nature, Cell ou Science. S'y ajoute le prix Nobel obtenu par Mme Françoise Barré-Sinoussi, qui est, vous le savez, directeur de recherche à l'INSERM.
Quant à notre place dans l'espace européen de la recherche, je souhaite qu'elle soit confortée par le programme Horizon 2020 ; nous pourrons y revenir.
S'agissant du rôle international de l'Institut, j'ai supprimé les laboratoires INSERM implantés à l'étranger, qui coûtaient très cher, mais développé un réseau de laboratoires internationaux associés sur tous les continents : en Amérique du Nord, notamment aux États-Unis, en Europe, mais aussi dans les pays du Sud et les pays dits émergents – Chine, Japon, Mexique ou Côte d'Ivoire, par exemple. Cette stratégie est extrêmement profitable, pour un coût relativement limité.
Du point de vue fonctionnel, l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) a souligné dans un audit réalisé en 2011 l'optimisation de nos fonctions support et reconnu que « la qualité du service rendu aux unités de recherche constitue un objectif assumé par l'établissement ». Ce dernier point est essentiel à mes yeux, car c'est bien le rôle de notre administration que d'être au service des chercheurs.
Dans la période récente, depuis la création de l'Agence nationale de la recherche (ANR), le nombre de contrats de recherche a été multiplié par deux. Cela a certainement contribué à accroître le nombre et la qualité de nos publications. Mais il y a un revers à la médaille : aujourd'hui, nous avons à gérer 800 contrats ANR en cours, qui incluent le financement de contrats à durée déterminée. Il s'agit à mes yeux d'un problème majeur que je souhaite résoudre au cours des mois à venir, parallèlement à la discussion du futur projet de loi sur l'enseignement supérieur et la recherche.
Cette difficulté a été pointée la semaine dernière par la Cour des comptes dans son rapport annuel. Je suis très heureux que cette partie du rapport ait été rendue publique, comme l'avait proposé le président de la chambre concernée. Nous pourrons y revenir. La Cour nous a par ailleurs décerné de nombreux satisfecit. Elle conclut ainsi son rapport : « Depuis 2005, la place de l'INSERM dans la recherche en sciences du vivant s'est renforcée et l'Institut a joué un rôle majeur dans la création et la structuration de la première “alliance”. L'alliance Aviesan a apporté un cadre de discussion et de coordination des principaux acteurs publics de la recherche en sciences du vivant, qui a permis de renforcer la visibilité, la cohérence et la réactivité de la recherche française. C'est un progrès notable depuis les recommandations du rapport public thématique de la Cour en mars 2007. »
La Cour a également formulé plusieurs recommandations auxquelles j'adhère et que je me propose d'appliquer cette année.
Il s'agit d'abord – vous l'avez souligné, monsieur le président – de conforter le rôle dévolu à l'Aviesan en matière de coordination et de programmation de la recherche, objectif qui sera au coeur du programme stratégique de la recherche voulu par le Premier ministre dans le cadre de la future loi sur l'enseignement supérieur et la recherche. J'ai d'ailleurs reçu hier de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche une lettre de deux pages exprimant le souhait de donner un rôle encore plus important aux alliances, conformément à la recommandation de la Cour.
La Cour nous demande en outre de « préserver la dynamique positive de valorisation de la recherche biomédicale portée par INSERM Transfert » – vous y avez également fait allusion, monsieur le président – et de « réexaminer les règles attachées au recrutement et à la gestion des personnels financés par les contrats de recherche ». Sur ce dernier point, nous avons préparé une charte de bonnes pratiques en matière de recrutement, d'accompagnement des chercheurs et d'insertion professionnelle des personnels sous contrat à durée déterminée qui sera discutée avec les organisations syndicales dans les jours qui viennent.
Le dernier aspect, auquel je suis très sensible, concerne l'ouverture à la société et les relations entre science et société. Notre travail d'expertise collective et d'aide à la décision publique, lancé il y a vingt ans par M. Philippe Lazar, a pour commanditaires des ministres, les assemblées parlementaires ou la caisse nationale d'assurance maladie, et pour principes la compétence, la fiabilité, l'impartialité, la confidentialité, l'absence de conflits d'intérêts et la neutralité. Soulignons également le rôle essentiel des 475 associations de malades partenaires de l'INSERM en matière d'information et de formation. Avec elles, nous avons organisé il y a dix jours au Sénat – après l'avoir fait à l'Assemblée nationale – un colloque qui s'est tenu sous l'égide de la Commission des affaires sociales.
S'agissant enfin de la sensibilisation à la science des plus jeunes, en particulier des lycéens, nous menons une action importante en région PACA, notamment à Marseille. Je souhaite que cette action peu coûteuse soit diffusée à toutes les régions ; j'en ai d'ailleurs parlé aux présidents de région. En matière d'information du grand public, nous souhaitons rendre la science accessible au plus grand nombre sans sacrifier la précision et la rigueur scientifiques, afin d'éviter les écarts que l'on a pu constater récemment. Nous avons ainsi une émission qui tourne en boucle sur LCI le samedi, en partenariat avec Le Nouvel Observateur, et qui remporte un succès croissant ; nous publions le magazine Science et santé, que vous recevez, et qui est tiré à 25 000 exemplaires ; notre site internet est consulté par 240 000 particuliers chaque mois et nous avons également développé une application pour iPhone.