Intervention de Serge Papin

Réunion du 20 février 2013 à 10h00
Commission des affaires économiques

Serge Papin, président-directeur général de Système U :

Par ailleurs, un certain nombre de matières premières issues de la production biologique peuvent très bien ne pas coûter plus cher que leurs équivalents conventionnels. C'est notamment le cas du lait : nous avons en effet signé un accord avec 800 producteurs français regroupés chez Biolait, que nous rémunérons beaucoup mieux – 43 centimes d'euros le litre – que les producteurs de lait conventionnel, auxquels nous versons 31,5 centimes d'euro le litre. Et toute la chaîne de production de lait bio est parfaitement transparente. Le prix de vente au consommateur tourne autour d'un euro le litre, soit un prix comparable à celui d'une grande marque conventionnelle. Et comme on ne peut parvenir à de tels prix pour toutes les matières premières, nous soutenons également l'agriculture écologiquement intensive, dont des tests ont montré qu'elle permettait d'éliminer de nos assiettes les moindres résidus de pesticides. Nous souhaitons véritablement restaurer la confiance du consommateur en leur proposant des produits sains, ce qui ne sera possible que si l'on discute avec les agriculteurs et les transformateurs. Encore faut-il pour cela que nous cessions d'opposer entre eux les différents acteurs d'une même filière et que nous trouvions des compromis afin que tous y trouvent leur compte.

Débattue en 2007-2008, la loi de modernisation de l'économie a soumis nos PME à la loi de la jungle en les contraignant à financer le dumping issu de la guerre des prix à laquelle se livrent Leclerc et Carrefour. Car cette lutte acharnée porte non pas sur le coco de Paimpol ou le saucisson du Mâconnais mais bien sur le Nutella, le Coca Cola et les autres grandes marques que la distribution vend à zéro en pratiquant la péréquation des marges, puisque la LME autorise la vente au niveau du seuil de revente à perte ! Et la loi est exactement la même pour Nestlé – qui réalise 15 milliards d'euros de résultat, soit le chiffre d'affaires de Système U – que pour l'Assiette bleue de Pouzauges – producteur de filets de poissons frais panés qui emploie dix collaborateurs et réalise deux millions d'euros de chiffre d'affaires ! Si Nestlé n'effectue chez nous que moins de 0,5 % de son chiffre d'affaires mondial, Système U pèse systématiquement 15 à 20 % du chiffre d'affaires de n'importe quelle PME française. Notre responsabilité est donc fort différente : si Système U ou tout autre distributeur cesse de travailler avec une PME – Spanghero par exemple –, celle-ci fera faillite !

La loi doit donc impérativement être révisée afin de garantir un meilleur équilibre des marges sur un panier moyen de produits et ainsi détendre la pression pesant sur la filière agroalimentaire. Il conviendrait également d'interdire la revente au seuil de revente à perte des produits de grandes marques. Évidemment, il n'est nullement question de rogner sur le pouvoir d'achat des consommateurs français, mon métier consistant à vendre au prix le plus compétitif possible. Mais à l'heure actuelle, les PME subissent la double peine : elles financent la guerre des prix des grandes marques et passent de surcroît sous les fourches caudines des acheteurs pour qui leurs prix sont trop élevés !

Nous sommes bien sûr totalement opposés à la réintroduction des farines animales, à l'origine de la crise de la vache folle. Comment voulez-vous restaurer la confiance du consommateur ? Il existe probablement d'autres solutions pour nourrir les poissons sans détruire l'écosystème marin. Quoi qu'il en soit, nous lutterons contre leur réintroduction, tout comme nous l'avons fait contre les OGM. Notez, cela dit, que si aujourd'hui, les Brésiliens cessent de nous envoyer des tourteaux OGM, le porc breton mourra de faim ! Cela me paraît inconcevable dans un grand pays agricole tel que la France ! Nous devons par ailleurs réformer nos filières porcine et de volaille et favoriser la diversité de notre agriculture.

Quant au gaspillage, qui ne sert pas uniquement à approvisionner l'aide alimentaire, nous pourrions l'éviter davantage en faisant évoluer notre relation avec le consommateur. Si, à l'époque des Trente glorieuses, on mettait l'accent sur la quantité et la profusion, la consommation évolue désormais vers des standards plus qualitatifs. Nous pourrions donc par exemple éviter la vente de lots promotionnels car ce que souhaitent désormais les consommateurs, c'est acheter au fil de l'eau des produits dans leur unité de conditionnement normale au prix le plus compétitif possible. Et la notion de « date limite d'utilisation optimale » (DLUO) mériterait, elle aussi, d'être révisée en collaboration avec les services d'hygiène de l'État.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion