Intervention de Pouria Amirshahi

Réunion du 20 février 2013 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPouria Amirshahi :

Ma première remarque porte sur le poids de l'UGTT en Tunisie. Il est ancien puisque, dès avant l'indépendance, les sensibilités autonomistes et indépendantistes tunisiens trouvaient refuge dans cette organisation. Plus récemment, c'est la grève générale conduite par l'UGTT qui a entraîné le départ du président Ben Ali début 2011, avec l'alliance des classes moyennes et populaires. Et aujourd'hui encore, face aux tentations hégémoniques du pouvoir, l'UGTT apparaît comme un repère et un rempart pour tous. Je rappelle qu'il y a des affrontements très violents entre les partisans des uns et des autres. Des locaux de l'UGTT sont pillés et incendiés, comme d'autres appartenant à Ennahda. L'UGTT joue un rôle qui va au-delà de celui d'un syndicat classique, puisqu'elle sert aussi de maison du peuple. Ce rôle est reconnu par une majorité des Tunisiens et constitue un élément d'optimisme pour l'avenir du pays.

Ma deuxième remarque porte sur une question de vocabulaire. Ce que nous disons est scruté en Tunisie et nous devons faire attention. Je pense donc que nous devrions plutôt parler de « républicains » ou de « démocrates » que de « laïcs », afin de ne pas enfermer les intéressés dans un débat religieux dont ils veulent sortir. S'agissant de l'autre camp, je rappelle que des islamistes ont été élus au Maroc comme en Tunisie et qu'ils ne sont pas tous des intégristes. Quand on parle de guerre, par exemple au Mali, il est donc préférable d'évoquer des terroristes ou des narcotrafiquants.

Je serai très intéressé par ce que vous pourrez écrire dans votre rapport sur les contradictions internes des islamistes. Il y a chez eux, au moins en germe, l'équivalent des démocrates chrétiens.

Il me semble aussi que nous devons réfléchir, au sein de notre commission, sur le rôle de la France dans l'accompagnement de ce moment historique très particulier. Notre destin ne se joue pas que dans l'Union européenne. Il s'agit de trouver les moyens de fonder une alliance stratégique durable avec les pays du sud de la Méditerranée, notamment la Tunisie et le Maroc. Leurs sociétés civiles n'attendent que ça. Il en faudrait peu pour que la France puisse reconquérir les coeurs et les esprits ou au contraire qu'elle finisse de s'en éloigner. Certains actes et certaines déclarations ont laissé des traces encore douloureuses en Tunisie.

J'ajouterai qu'il faut porter un regard vigilant sur la Libye : le sud de ce pays est à nouveau en pleine décomposition et il ne faut pas négliger les risques de contagion à la Tunisie. L'assemblée constituante libyenne est déjà paralysée alors qu'elle vient à peine d'être installée, et le repli vers le Nord de certains groupes qui se trouvaient au Niger ou au Mali peut déstabiliser la Libye, puis la Tunisie. Outre le problème de la diffusion des armes lourdes qui est régulièrement évoqué, il faut signaler celui de la diffusion des armes légères, qui est tout à fait nouveau dans un pays comme la Tunisie, où l'on trouve maintenant des kalachnikovs pour quelques euros. Nous devons mettre le paquet sur notre stratégie dans les pays du Maghreb et notre coopération avec eux.

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