Intervention de Dominique Orliac

Séance en hémicycle du 26 février 2013 à 15h00
Débat sur la sécurité sanitaire du médicament

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Orliac :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nous voici réunis en cette fin d'après-midi dans le cadre d'une semaine de contrôle pour débattre, à l'initiative de nos amis écologistes, de santé et en particulier de la sécurité sanitaire du médicament.

Je tiens tout d'abord à saluer ce progrès du parlementarisme qu'est la fixation de l'ordre du jour, issue de la révision constitutionnelle de 2008 dont les effets ne sont pas tous indésirables. La rédaction initiale de la Constitution de 1958 faisait du Gouvernement le seul maître de l'ordre du jour. Le partage en vigueur nous donne les moyens de consacrer plusieurs semaines par an au contrôle de l'action du Gouvernement. L'actualité en matière de sécurité sanitaire du médicament montre que ce n'est pas inutile !

La liste des scandales liés à la sécurité des médicaments est en effet excessivement longue, malgré un renforcement incontestable de la réglementation depuis plusieurs années dont fait partie la fameuse loi « médicament ». Le sujet inscrit à l'ordre du jour, qui tend souvent à susciter l'émotion, est donc essentiel pour notre population.

C'est la conséquence de progrès thérapeutiques indéniables, mais aussi de risques non négligeables, qui obligent les pouvoirs publics à mener, dans ce domaine, une politique de qualité et de sécurité, avec le soutien et l'expertise de scientifiques.

L'excellent travail des assises du médicament avait mis en évidence plusieurs carences en matière de prévention des conflits d'intérêts, de pharmacovigilance ou de prescriptions hors AMM.

Pour nous, radicaux de gauche, la sécurité sanitaire relève de la responsabilité exclusive de l'État, responsabilité dont celui-ci ne saurait se défausser sur des agences ou commissions. Ces structures devraient, du reste, être simplifiées et réorganisées, car elles sont trop nombreuses et communiquent souvent peu entre elles, d'où la lenteur des décisions.

Souvent, sur ces problèmes, nous légiférons en catastrophe pour répondre à un accident grave. Ainsi, l'Agence française du sang a été créée par une loi de 1993 après l'affaire du sang contaminé. L'Agence du médicament a d'ailleurs été créée en même temps, par un amendement surdimensionné, adopté la veille de Noël au Sénat ; sa création avait fait, quelques mois auparavant, l'objet d'un accord en CMP qui avait été bloqué par le Premier ministre de l'époque.

On débat donc vite, et sous le coup de l'émotion.

Pour parler plus concrètement de la sécurité sanitaire, outre la simplification et la coordination des structures concernées, deux points nous semblent essentiels : la pharmacovigilance et l'information crédible des acteurs de santé.

En dépit d'importants efforts, qui se sont traduits par la création, en 1976, de la pharmacovigilance en France et, en 2000, par sa reconnaissance au niveau européen, les affaires se sont succédé. Je pense à celle du Mediator, aux nombreux médicaments qui ont été retirés du marché avec retard ou à la récente affaire des pilules, sans oublier les produits de santé et les dispositifs médicaux, surtout stériles, et l'affaire des prothèses implantables.

Cette dernière affaire a révélé la faiblesse des contrôles de sécurité exercés sur ces produits, dont certains demeurent des années durant dans l'organisme humain. Ces dispositifs font l'objet, non pas d'une autorisation de mise sur le marché, mais uniquement d'un marquage « CE », délivré par des sociétés certificatrices venant de tous les pays européens et payées par les entreprises qui les sollicitent. Si l'on parle de sécurité, il faudra donc ne pas oublier cette véritable bombe à retardement et éviter de se réveiller quand un problème surviendra.

La pharmacovigilance est un élément essentiel de la sécurité sanitaire. Des changements sont intervenus pour améliorer le dispositif dans le cadre des essais cliniques et des études post-AMM, mais, comme on l'a vu récemment, il faut améliorer le système d'alerte et disposer, comme c'est le cas dans d'autres pays, d'une base de données de référence sur l'évaluation du bénéfice-risque. En France, ces données existent, mais elles ne sont pas accessibles à l'ensemble des acteurs de santé.

Bien que nous ayons inscrit le principe de précaution dans la Constitution, nous avons vu, dans l'affaire des pilules, que le système avait du mal à fonctionner, en raison des prises de position de trop nombreux organismes, de la non-décision habituelle nécessitant une mobilisation de tous ces acteurs pour avoir une réelle réactivité. Je sais, madame la ministre, qu'il s'agit d'une de vos préoccupations.

La sous-déclaration des effets indésirables témoigne aussi du manque de réactivité des professionnels de santé dans ce domaine. Les organismes professionnels devraient faire des propositions pour améliorer les déclarations ; il faudra les étudier. Il faut espérer que, après la loi sur le médicament, les patients et les industriels renforceront leur rôle d'alerte.

Les biomarqueurs, qui permettent de détecter les populations de patients et les effets indésirables, sont un élément essentiel qui devrait améliorer la connaissance dans ce domaine. Cette évolution est indispensable. Les études post-AMM renforcées permettront aussi une meilleure connaissance du médicament dans sa vie réelle, car, ce qui est important dans ce domaine, c'est la capacité de détection des signaux faibles.

Enfin, l'information sur les produits de santé doit être améliorée et accessible à tous. Ces données existent ; il faut les rendre accessibles. Tout le monde doit savoir qu'un médicament actif peut avoir des effets secondaires.

La soif de connaissance est aujourd'hui très grande dans ce domaine. On le voit à travers le succès récent de livres dits de « vérité ». Par désir de se faire de la publicité et de réaliser d'importants tirages, on publie des affirmations polémiques et des contrevérités qui affolent les populations. Tout cela peut représenter des risques graves, en modifiant l'observance des traitements. Le récent ouvrage sur la prétendue innocuité du cholestérol est, à cet égard, caricatural et dangereux. Il faut donc être prudent et attentif aux données scientifiques réelles.

La création d'un portail public crédible sur les produits de santé – médicaments et dispositifs médicaux –, que vous avez souhaité, madame la ministre, devrait permettre à l'ensemble des acteurs de santé de disposer d'informations et de précautions d'emploi validées.

Au fond, la problématique pourrait se résumer à une question centrale : comment garantir sans concessions la sécurité des patients, tout en renforçant leur accès aux soins et aux progrès thérapeutiques ?

Et en ce qui concerne l'accessibilité des soins, je tiens à rappeler, même si c'est devenu une banalité de le dire, que, selon le classement de l'OMS, la France, notamment grâce à ce critère, est championne du monde des systèmes de soins depuis des années. Cela ne signifie certainement pas que notre système n'est pas perfectible, et encore moins que nous devions nous reposer sur nos lauriers. Mais gardons à l'esprit que beaucoup de pays nous envient notre système de soins et, souvent, nous copient.

C'est, pour nous, une exigence supplémentaire qui doit nous inciter à rester le modèle à suivre. Je ne doute pas que la nouvelle majorité et le nouveau gouvernement sauront relever les défis auxquels nous devons faire face en apportant des réponses qui seront à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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