Intervention de Bérengère Poletti

Séance en hémicycle du 26 février 2013 à 15h00
Débat sur la sécurité sanitaire du médicament

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBérengère Poletti :

Comment voulez-vous que nos concitoyens, puissent faire la part des choses entre toutes ces informations contradictoires ? Soyons collectivement prudents lorsque nous nous exprimons sur des sujets qui peuvent détériorer la confiance des Français vis-à-vis des médecins, des pharmaciens ou des laboratoires. Les sujets comme la formation des prescripteurs, la totale transparence autour de la commercialisation des médicaments ou l'information des patients-consommateurs doivent être au coeur de notre réflexion afin d'anticiper les trop nombreuses crises autour de la sécurité sanitaire liée aux médicaments.

Comme vous le savez tous ici, je m'emploie depuis de nombreuses années à défendre l'accès à la contraception pour les femmes, notamment pour les mineures. En effet, ce sont les femmes qui assument le contrôle des naissances, ce qu'elles font beaucoup trop souvent, en France, au moyen de la pilule oestroprogestative.

La pilule reste aujourd'hui la méthode de contraception la plus utilisée en France. En 2011, environ 4,274 millions de femmes ont été exposées chaque jour à un contraceptif oral combiné. Aujourd'hui, une femme sur deux en âge de procréer recourt à un contraceptif oral de troisième ou de quatrième génération. De ce fait, malheureusement, les femmes concernées exposent ainsi leur santé, voire leur vie, ce qui n'est pas acceptable. La pilule oestroprogestative n'est pas un médicament comme les autres. Ce sont des femmes en bonne santé et en très grand nombre qui l'utilisent.

Ces femmes traversent, en ce moment, une période de flou total quant à l'utilisation de leur contraceptif. Prenons la dernière polémique en date autour de Diane 35, un médicament destiné notamment aux femmes atteintes d'acné sévère. Ce médicament voit, depuis de nombreuses années, son usage détourné afin d'être utilisé comme contraceptif – près de 315 000 femmes l'utilisent ainsi. L'Agence nationale de sécurité du médicament a rendu son avis : il a été décidé que les autorisations de Diane 35 et de ses génériques seraient suspendues dans un délai de trois mois.

On peut d'ailleurs, à juste titre, se poser des questions sur ces médicaments prévus dans un premier temps pour soigner une pathologie, et finalement très largement utilisés dans un autre cadre.

Le Médiator relevait clairement de ce cas de figure. Nous parlerons bientôt probablement aussi du Cytotec, d'abord prévu pour les ulcères à l'estomac et utilisé à présent comme pilule abortive, ou encore du baclofène, molécule initialement prescrite comme myorelaxante et dont on vante aujourd'hui les vertus pour le sevrage alcoolique.

Depuis plusieurs semaines, un vent de panique pousse les femmes dans les cabinets de leur médecin. Depuis quelques mois, 36 nouveaux cas ont été signalés – 31 thromboses veineuses et 5 thromboses artérielles – et 7 décès ont eu lieu. Sont en cause, certes, Diane 35, mais aussi les pilules de troisième et quatrième générations. De ce fait, le manque de confiance des femmes concerne tous les types de pilules.

Il suffit d'écouter les médecins, les gynécologues ou encore les sages-femmes pour constater que ces professionnels sont submergés de questions de la part de leurs patientes : dois-je arrêter de prendre la pilule ? Dois-je changer de contraceptif ? J'ai tout arrêté par peur, est-ce dangereux ? Je n'ai plus confiance dans ma pilule, que dois-je faire ? Tous ces problèmes doivent absolument être résolus rapidement.

Vous voyez bien aujourd'hui l'importance de l'encadrement médical pour la prescription de la pilule.

J'ai l'impression de me répéter encore et encore, de questions au Gouvernement en courriers, de lettres ouvertes en discussions générales, mais je n'ai toujours pas eu de réponse de votre part, madame la ministre, sur une question importante. Vous avez décidé, à la suite de mon interpellation en commission des affaires sociales lors de l'examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, de rendre gratuite et anonyme la délivrance de la pilule aux mineures ; tant mieux ! Mais vous avez refusé que la consultation et l'examen biologique soient pris en charge dans les mêmes conditions, ainsi que je vous l'avais demandé lors de la discussion de votre amendement en deuxième lecture. Ce que vous avez proposé lors du dernier PLFSS est donc un coup d'épée dans l'eau. Cela va même à contre-courant de ce qui fait l'actualité, c'est-à-dire l'importance de la consultation médicale et du dépistage des problèmes de coagulation, notamment sur les publics jeunes.

Lorsque j'ai rendu mon rapport public en 2011, j'ai reçu l'appel d'un homme qui avait fondé une association sur le sujet de la contraception pour les mineures et qui m'a révélé cette grave problématique. Il avait perdu sa fille de dix-sept ans, atteinte d'hypercoagulabilité, parce que celle-ci s'était vue délivrer une pilule de troisième génération par un centre de planification qui n'avait pas effectué de recherche biologique préalable. J'ai depuis oeuvré sans cesse pour une plus grande sécurité et une meilleure formation des personnels médicaux susceptibles de prescrire ces contraceptifs chez les jeunes filles. À ce propos, il serait intéressant de regarder de près ce que les centres de planification distribuent aux jeunes filles : font-ils eux-mêmes l'acquisition des plaquettes contraceptives ou les laboratoires leur offrent-ils leurs produits ?

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