Intervention de Catherine Lemorton

Séance en hémicycle du 26 février 2013 à 15h00
Débat sur la sécurité sanitaire du médicament

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'information en matière de santé connaît depuis quelques années un grand essor, qui concerne aussi bien l'offre que la demande d'informations. L'offre a bien sûr augmenté avec Internet, la demande aussi. Le patient ne porte plus si bien son nom : il est de moins en moins patient et passif, d'autant plus que les derniers scandales sanitaires impliquant des produits de santé, qu'il s'agisse de médicaments ou de dispositifs médicaux, ont amplifié ses inquiétudes et son besoin d'information.

On pourrait presque dire qu'Internet, est devenu le premier médecin, le premier recours dès qu'un de nos concitoyens rencontre un problème de santé. Tout le monde se renseigne sur des sites que je ne citerai pas pour ne pas leur faire de publicité. Lorsque l'on tape le nom d'un médicament, ce que je vous invite à faire, jamais on ne tombe d'abord sur le site d'une agence sanitaire de l'État dont on peut tout de même penser que c'est là que les informations les plus fiables se trouvent.

Comme d'autres pays en Europe, comme la Grande-Bretagne, la Belgique et l'Irlande, nous devons mettre en ligne une base de données indépendante, exhaustive et objective sur les médicaments. Elle est attendue depuis très longtemps – j'en veux pour preuve cet historique que vous me permettrez de retracer.

En 2007, la Cour des comptes, présidée par Philippe Seguia, pointait déjà du doigt la nécessité de disposer d'une base exhaustive de données publique, actualisée, gratuite et indépendante sur la santé et sur le médicament, en particulier. L'existence d'un tel outil d'information aurait certainement évité la crainte engendrée par la publication sans accompagnement de liste de médicaments sous surveillance, mélangeant les produits avec alerte de pharmacovigilance et les nouveaux médicaments dont la surveillance est systématique et obligatoire. C'est d'ailleurs ce qui avait provoqué inquiétude et confusion fin 2010, puisque nos concitoyens n'étaient pas avertis du fait que tout nouveau médicament avait un suivi. Combien de patients auront, alors, arrêté un traitement indispensable par crainte et faute d'information du médecin traitant ?

Il en va de même avec l'affaire récente sur les pilules. Contrairement à ce que l'on a pu lire dans la presse, voire même entendre sur certains bancs de l'opposition, je dois vous féliciter, madame la ministre, d'avoir eu le courage de prendre le taureau par les cornes pour éviter que cela ne devienne un scandale. Vous avez agi exactement comme il le fallait en cas d'existence de signaux d'alerte. Vous avez, ainsi non seulement informé la population française, mais vous avez saisi l'Agence européenne des médicaments. Je ne peux que m'en féliciter, puisque c'est ce que nous défendions dans l'opposition au cours de ces cinq dernières années, alors que nous partagions ces bancs.

En avril 2008, le rapport de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur la prescription, la consommation et la fiscalité des médicaments était rendu public. Ce rapport recommandait, lui aussi, la mise en place d'une base publique d'information, exhaustive et gratuite, sur les médicaments, constatant la dispersion des informations entre la base publique Therisomed, qui a succédé à Thériaque, les fiches de la HAS et les données de l'assurance maladie – je cite la page 51 : [La MECSS] « considère que la création d'une base publique d'information sur les médicaments, indépendante, exhaustive, gratuite, accessible à tous les acteurs du système de santé et interopérable avec les logiciels d'aide à la prescription est indispensable. Elle veillera tout particulièrement à la réalisation de ce projet que la ministre en charge de la santé s'est engagée, lors de son audition par la mission, à faire aboutir pour la fin de 2009. » Il s'agissait, à l'époque, de Mme Bachelot, laquelle, en octobre 2009, avait annoncé la création d'un portail sur lequel cette base aurait pu être mise à disposition, mais cette annonce est restée lettre morte.

Suite à cette recommandation, j'ai défendu régulièrement un amendement, au nom du groupe socialiste, alors dans l'opposition, proposant la création de cette base lors des différentes discussions dans notre hémicycle. Cet amendement a été à chaque fois rejeté.

Les Assises du médicament de février-mars 2011, notamment le groupe 4, ont aussi conclu à la mise en place de cette base publique d'information. Or le projet de loi présenté, à l'issue de ces assises, par le ministre de l'époque, Xavier Bertrand, ne comportait aucun article prévoyant la création de cette base.

Cette base publique du médicament a, enfin, été intégrée grâce à un amendement, que nous avons tous collectivement porté dans l'opposition : c'est l'article 8 de la loi votée en décembre 2011. Madame la ministre, il semble que cette base soit prête – ce que vous allez sans doute confirmer, comme je l'espère –, mais son lancement serait reporté, m'a-t-on dit. Pouvez-vous nous donner des précisions sur sa mise en ligne, et la manière dont vos services et l'Agence nationale de sécurité du médicament comptent organiser et alimenter les mises à jour ?

Par ailleurs, si une base publique d'information sur les médicaments est une condition essentielle pour garantir la sécurité sanitaire des produits de santé, elle n'est pas la seule et nous devons également nous interroger sur la prescription – un rapport de la Haute autorité de santé montrait comment développer la prescription de thérapeutiques non médicamenteuses.

En conclusion, si vous avez été contrainte de transposer la directive européenne de juin 2011, vous avez toutefois essayé de restreindre au maximum le nombre de médicaments vendus sur Internet. Aussi, je regrette qu'un pharmacien, dans un esprit purement mercantile, ait pu saisir le Conseil d'État et ait eu gain de cause sur la forme. J'assume mes propos : il a été davantage mercantile que professionnel de santé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

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