Intervention de Bernadette Laclais

Séance en hémicycle du 26 février 2013 à 15h00
Débat sur la sécurité sanitaire du médicament

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernadette Laclais :

Monsieur le président, mes chers collègues, comme les orateurs qui m'ont précédée à la tribune, je salue l'initiative de nos collègues du groupe Écologiste qui ont proposé ce débat. Je me réjouis en particulier, madame la ministre, des éclaircissements que vous avez, d'ores et déjà, pu nous apporter sur les chantiers en cours.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, j'ai eu, il y a quelques mois, l'honneur d'être rapporteure pour avis, des crédits de la mission « Santé » au nom de la commission des affaires sociales. À ce titre, j'ai mené une série d'auditions des divers acteurs du système de santé concernés par la réforme d'ampleur en cours au sein de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

La nécessité d'un meilleur partage de l'information et d'une articulation plus étroite entre évaluation, inspection et contrôle, en décloisonnant les services de l'agence a été souvent évoquée par mes différents interlocuteurs. J'ai également noté, dans ce rapport, que les acteurs attendaient une rationalisation du paysage des agences sanitaires. Pourriez-vous, madame la ministre, nous faire le point sur la poursuite de l'évolution de l'ANSM au niveau de son mode de fonctionnement comme de sa gouvernance et sur l'évolution du paysage des agences ?

Récemment, le dossier des pilules de troisième et quatrième générations a mis, une nouvelle fois, sur le devant de la scène médiatique l'ANSM et les problématiques qui relèvent de ses compétences. À ce propos, je tiens à saluer votre réactivité, madame la ministre, et celle de l'ANSM, laquelle a pris ses responsabilités, après avoir analysé les éléments portés à sa connaissance.

Nous sommes dans un domaine où le risque zéro est fort difficile à atteindre, alors qu'il est attendu de l'opinion publique sensibilisée par les médias. Par définition, un médicament est un principe actif qui va agir dans le temps, d'où l'importance du travail de pharmacovigilance évoqué par notre collègue Gérard Bapt ; d'où l'importance des moyens mis à disposition de nos agences, même dans un contexte budgétaire que l'on sait contraint ; d'où, enfin, l'importance des interactions entre les différents acteurs potentiellement concernés ou impliqués à quelque niveau du système de santé qu'ils se situent. À ce titre, la proposition de loi relative à la protection des lanceurs d'alerte qui vient d'être adoptée par l'Assemblée marque, comme l'a rappelé notre collègue Jean-Louis Roumegas, est, je le crois, une avancée conséquente.

Dans le cas de Diane 35, il est apparu que ce médicament, mis sur le marché en 1987 comme antiacnéique, a été par la suite largement, voire principalement, prescrit comme contraceptif, alors que l'autorisation de mise sur le marché correspondant à cet usage n'a jamais été délivrée, ni même, je le crois, déposée. Toutes proportions gardées, cela n'est pas sans rappeler le cas du Mediator, ce médicament mis sur le marché pour une pathologie précise – le diabète – qui a été détourné de son objectif initial et a, par la suite, été prescrit principalement comme coupe-faim. Nombreux sont nos compatriotes qui nous interpellent. Comment un médicament peut-il être prescrit sciemment auprès de nombreux patients, parfois des jeunes, pour un autre usage que celui pour lequel il a été conçu et autorisé ? Par quels moyens peut-on éviter qu'au cours de son cycle de vie, un médicament évolue dans son utilisation en dehors de toute prise en compte du bénéfice-risque lié à cette utilisation seconde ? Cette utilisation seconde dans le temps peut devenir l'utilisation principale par la suite, comme l'illustrent malheureusement les deux dossiers précités.

Tout récemment aussi, un autre dossier a surgi, qui s'impose à notre réflexion relative à la sécurité sanitaire du médicament : la vente en ligne des médicaments. En tant que membre de l'Union européenne, la France a dû transposer une directive européenne de 2011 qui autorise la vente des médicaments sur Internet. Alors que certains pays se sont limités à une transposition automatique, vous avez souhaité, madame la ministre, encadrer les conditions de cette transposition. Votre ordonnance du 19 décembre dernier impose des dispositions et des règles pour éviter les éventuelles dérives, ce dont on ne peut que vous féliciter. Ainsi : « La vente en ligne doit être réalisée à partir du site Internet d'une officine de pharmacie. Elle relève de l'entière responsabilité du pharmacien. Ces sites doivent recevoir l'aval de l'autorité régionale de santé dont ils dépendent et doivent se déclarer à l'ordre des pharmaciens. Enfin, les ventes par Internet sont limitées aux médicaments. »

Cependant, le Conseil d'État, saisi par un pharmacien propriétaire d'un site de vente en ligne, vient d'émettre un avis, de forme, qui ouvre la vente sur Internet de l'ensemble des médicaments délivrés sans ordonnance, et ce sans limitation. Sous réserve de la confirmation de cet avis, sur le fond, pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, comment éviter les excès possibles de la vente de médicaments sur Internet que votre ordonnance du 19 décembre visait raisonnablement à contenir ?

De même, face à la recrudescence du nombre de produits autorisés à la vente sur internet, comment préserver le patient consommateur de la confusion entre vente en ligne autorisée et vente en ligne non autorisée ?

Enfin, quelles autres précautions peut-on prendre, notamment pour éviter la vente de médicaments de contrefaçon, dès lors que la distribution du médicament s'éloigne du circuit sécurisé des officines ?

Le médicament qui, définitivement, ne peut être considéré comme un simple produit de consommation, doit faire l'objet de réglementations particulières et d'une attention soutenue des pouvoirs publics.

Je vous remercie des réponses que vous voudrez bien nous apporter et du dialogue que vous voudrez bien ouvrir avec les acteurs de la chaîne du médicament pour rassurer nos concitoyens et apporter des réponses concrètes à leurs légitimes inquiétudes.

Être malade est déjà une douleur, une peine. Essayons ensemble de ne pas ajouter inquiétude, insécurité, double peine, si je puis m'exprimer ainsi. Je connais votre détermination et vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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