Intervention de Jean-Louis Touraine

Séance en hémicycle du 26 février 2013 à 15h00
Débat sur la sécurité sanitaire du médicament

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, au-delà de la question prioritaire de la sécurité du médicament, notre débat pose également celle de la perte de confiance de nos concitoyens vis-à-vis des médicaments, des vaccins, des produits de santé. Les scandales sanitaires se sont inlassablement répétés dans notre pays : thalidomide, distilbène, produits sanguins contaminés, hormones de croissance extractive, Mediator, Diane 35, prothèses mammaires, et nombre de molécules, de produits ou de dispositifs de santé dont les dangers sont apparus supérieurs à leurs bienfaits. Chaque fois ont été révélés des conflits d'intérêts, des défauts d'écoute des alertes et une réaction anormalement tardive des agences sanitaires.

Toutes ces défaillances ne sont bien sûr pas étrangères au climat actuel de défiance. Il est maintenant de notre responsabilité de trouver les moyens permettant de restaurer confiance et sérénité chez les patients. Si toute molécule efficace comporte un risque d'effet adverse, il importe que des prescriptions pertinentes permettent que, chez chaque malade, le rapport bénéfice sur risque soit positif. Assurer que cet objectif est chaque jour recherché et que les corrections nécessaires sont immédiatement apportées conduira à un retour progressif de la confiance, surtout si l'ensemble des professionnels de santé sont associés à cet effort.

La relation particulière entre le patient et son médecin généraliste, son médecin de famille, est bien connue et elle est le principal vecteur de la confiance. Les échecs du gouvernement précédent, en particulier le célèbre fiasco du vaccin contre la grippe AH1N1, ont montré la gravité de l'erreur consistant à exclure les médecins généralistes d'un dispositif de prévention ou de traitement. S'il est évident que les médecins prescripteurs ont un rôle majeur à jouer auprès de leurs patients pour les informer et leur expliquer la pertinence des produits prescrits, nous ne pouvons ignorer l'insuffisance de formation de nos médecins concernant les médicaments qu'ils prescriront. De plus, nous savons que le rôle des visiteurs médicaux actuels n'est pas d'enseigner la pharmacologie. Ce sont les professionnels de santé prescripteurs de médicaments qu'il faut armer avec des informations objectives et rigoureuses leur permettant de devenir des prescripteurs avertis.

Depuis des années, tout le monde s'accorde à reconnaître que l'enseignement en pharmacologie est insuffisant : à peine quatre-vingts heures pour un étudiant en médecine. Il est temps de donner une véritable place à la pharmacologie clinique et aux enseignements théoriques et pratiques en thérapeutique afin d'améliorer la pertinence des prescriptions et de mettre en garde contre les conséquences gravissimes du mésusage de médicaments.

Dans la même logique, un enseignement spécifique de la pharmacovigilance est indispensable. Si nous voulons que les médecins assument leur mission de lanceurs d'alerte, c'est dès la faculté de médecine qu'il faut les sensibiliser au fonctionnement du système de pharmacovigilance, à leur rôle dans les procédures de déclaration des effets indésirables.

Enfin, je n'oublie pas la nécessité de sensibiliser également nos étudiants sur les conflits d'intérêts et de développer leur esprit critique face aux stratégies commerciales dont ils seront inévitablement la cible dans leur vie professionnelle.

Pouvez-vous, madame la ministre, nous faire part de vos intentions quant à l'amélioration de la formation des médecins, complément indispensable du renforcement de la sécurité sanitaire du médicament ?

Il ne faut jamais oublier que tout médicament a une balance bénéfice sur risque, que tout médicament présente des effets indésirables, que tout médicament est parfois dangereux. Cette règle, nous devons l'expliquer à tous, dans la plus grande transparence, afin d'éviter des prescriptions inutiles, donc potentiellement néfastes.

Par ailleurs, nous devons mieux assumer les conséquences de ces risques. C'est pourquoi je veux insister sur la problématique des victimes d'effets indésirables de médicaments. La confiance des Français ne pourra être restaurée que par un véritable soutien à toutes les victimes d'accidents médicamenteux. Si le précédent gouvernement a su prendre des mesures exceptionnelles face au nombre considérable de victimes du Mediator, une indemnisation rapide et adaptée doit être offerte aux victimes de médicaments divers. Actuellement, ces victimes se trouvent trop souvent seules dans des procédures judiciaires et n'obtiennent généralement aucune réparation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion