Intervention de Marisol Touraine

Séance en hémicycle du 26 février 2013 à 15h00
Débat sur la sécurité sanitaire du médicament

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais tout d'abord remercier toutes celles et ceux qui se sont exprimés au cours de ce débat avec la volonté de faire progresser notre réflexion commune, chaque intervention ayant été d'une très grande qualité.

Je salue le groupe écologiste et Mme Véronique Massonneau d'avoir demandé l'inscription de ce débat. Je vous indique, madame la députée, puisque vous vous préoccupez de la réforme du statut des visiteurs médicaux, que nous avons adopté à l'occasion de la loi de financement de la sécurité sociale un ensemble de mesures qui nous permettent de progresser significativement en la matière.

Vous vous êtes inquiétée de la surreprésentation des hommes dans les tests de recherche clinique. Ce sujet qui me préoccupe également, mais je vous rappelle que les chercheurs obéissent à des normes européennes ; or il se pose une difficulté que nous ne pouvons éluder, liée au risque – statistique, s'entend – de voir les femmes intégrées dans les cohortes de recherche tomber enceintes, ce qui interrompt évidemment la recherche, car on ne peut poursuivre les tests sur les effets de certains médicaments sur une femme enceinte. Du coup, une intégration plus systématique des femmes augmente donc le coût des recherches. Nous devons réfléchir à la manière d'aboutir à une meilleure inclusion de l'ensemble des catégories de la population, mais j'insiste sur ce facteur objectif : nous devons garantir la protection des femmes si elles viennent à devenir enceintes au cours d'une campagne de recherche.

Madame la présidente Catherine Lemorton, je vous remercie du soutien appuyé que vous m'avez apporté dans la gestion de la crise. Le travail aujourd'hui mené par le Gouvernement s'inspire largement des travaux que vous avez conduits ces dernières années, à l'Assemblée nationale, sous la précédente législature : force est de relever une cohérence d'ensemble, une continuité du travail mené dans ce domaine.

Ainsi, vous aviez défendu l'idée d'un site public d'information en matière de données de santé. Cette idée est aujourd'hui reprise. Vous m'avez donc interrogée sur le calendrier : le site n'est pas encore prêt, nous ne sommes pas en mesure de le mettre en ligne. D'après l'avancement des travaux, nous devrions pouvoir le faire au second semestre 2013. La réflexion porte sur l'interactivité et la capacité de rendre accessible une information claire et simple à comprendre pour l'ensemble de nos concitoyens. Je le dis souvent : si nous nous contentons de mettre en ligne les notices de médicament telles qu'on les trouve dans les boîtes, nous n'aurons pas atteint notre objectif. Une fois le site devenu opérationnel, des améliorations, notamment en termes de facilité d'usage, devront sans doute être apportées.

Monsieur Bapt, je vous remercie du soutien que vous apportez au Gouvernement dans la conduite de cette politique. Je salue la manière dont vous avez souligné le rôle des patients et l'importance de ce que nous faisons en leur direction. Je souscris à 300 % à vos propos : à l'arrivée, c'est bien pour les patients que nous devons améliorer la sécurité sanitaire, rendre l'information plus transparente, renforcer la vigilance. Nous parlons de courbes, de statistiques, de chiffres, toutes choses qui paraissent parfois un peu absconses ; mais à l'arrivée, il s'agit de permettre à des hommes et à des femmes qui ne comprennent pas nécessairement l'information scientifique, parce que ce n'est pas leur métier ni leur formation, de prendre des médicaments en toute sécurité.

Je soutiens également votre approche de la Haute autorité de santé. Son rôle doit être renforcé, tout comme sa capacité à être entendue lorsqu'elle diffuse des recommandations de bonnes pratiques et de bonne prescription.

Madame Orliac, l'Agence nationale de sécurité du médicament – je salue la présence tout au long du débat de son directeur, M. le professeur Maraninchi – s'inquiète également de la longueur excessive de la liste de médicaments ; je sais que c'est un des travaux qu'elle a engagé.

Monsieur Charroux, je partage votre préoccupation de garantir la transparence, y compris sur les essais cliniques ; nous devons en effet permettre d'accéder aux données qu'ils ont permis de collecter.

Madame Poletti, dans un débat aussi consensuel, ou qui cherche tout du moins à faire progresser la réflexion commune, vous avez fait remarquer que j'avais souhaité mettre en application une de vos recommandations relative à la mise en oeuvre de la gratuité et de l'anonymat de la contraception pour les jeunes filles. Permettez-moi de vous rappeler que c'était un engagement pris pendant la campagne électorale par le Président de la République devant le Planning familial, qui s'était chargé de le lui rappeler sitôt élu. Je n'ai pas souvenir d'avoir entendu le candidat que vous souteniez défendre cette mesure.

Pour autant, je ne veux pas engager de polémique, car on aurait tort de considérer qu'il s'agit d'un enjeu mineur. Il est essentiel de permettre aux jeunes filles d'accéder dans de bonnes conditions de sécurité à la contraception ; mais également de pouvoir donner des informations à leurs proches – sur le fait notamment qu'elles sont sous contraception : si ce n'est pas la famille, ce peuvent être des amis. J'ai pu rencontré ce père que vous avez eu au téléphone et qui a créé une association : d'après ce qu'il m'a expliqué, sa préoccupation n'était pas exactement la vôtre ; il s'interrogeait seulement sur le principe même de l'anonymat. En effet, quand il a été confronté à l'accident de santé de sa fille, il ne disposait d'aucun élément lui permettant de penser que celle-ci prenait une contraception qui pouvait expliquer les troubles constatés. Rien ne peut malheureusement remplacer le dialogue au sein de la famille entre des enfants et des parents, mais il est vrai que nous devons faire en sorte que les jeunes filles puissent communiquer avec un professionnel de santé, dans de bonnes conditions, pour éventuellement l'alerter des difficultés qu'elles peuvent rencontrer : c'est un point important.

Je partage votre préoccupation sur à la politique vaccinale. Nous devons réfléchir à la manière dont nous pouvons renforcer la crédibilité des vaccins, et pas seulement des vaccins non obligatoires : Certains doutes sont émis sur des vaccins fondamentaux, au point de provoquer des refus de vaccination.

J'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises pour les vaccins qui ne sont pas obligatoires : je ne peux qu'exprimer ma préoccupation lorsque je vois que les personnels soignants ne se vaccinent pas contre la grippe alors qu'ils sont en contact avec des personnes fragiles, dans les maisons de retraite notamment, mais également ailleurs.

Je veux enfin vous rassurer, madame la députée : il y a bel et bien des relations entre l'ANSM et les agences régionales de santé, coordonnées par le secrétariat général des ministères sociaux, pour garantir la fluidité de l'information.

M. Jean-Louis Roumégas a mis à raison l'accent sur la prévention et l'éducation à la santé, qui sont des points tout à fait décisifs. Le directeur général de la santé aura d'ailleur l'occasion de recevoir très prochainement la FNES sur ce sujet. Le rôle de l'information, la capacité à éduquer les patients et la population sont des enjeux majeurs de sécurité publique.

Je veux remercier M. Door du soutien amical et actif qu'il m'a apporté. Le « Sunshine Act », l'un des décrets d'application qui concernera la loi médicament et régira de façon extrêmement stricte les relations entre les professionnels et l'industrie de santé, est actuellement au Conseil d'État et sera publié très prochainement. L'objectif, je le répète, n'est pas d'interdire ou d'empêcher ces relations, mais de garantir leur transparence. Sans transparence, le soupçon est toujours possible. Si nous voulons éviter la défiance et le soupçon, nous devons faire de la transparence une règle. Autrement dit, aucune relation financière ne doit être occultée. Nous savons que certains services ou certaines recherches dans les hôpitaux bénéficient ainsi de financements, et cela est sans doute incontournable ; ce qui importe, c'est de nous montrer les plus transparents possible et de donner un maximum d'informations, afin d'éviter que des gens ne se présentent des experts soi-disant indépendants à l'occasion d'éventuelles évaluations de médicaments.

S'agissant du financement de l'Agence nationale de sécurité du médicament, je partage la préoccupation de Mme Laclais. Le budget de cette agence, dans la période de contrainte que nous traversons, est un enjeu difficile – ce n'est pas le directeur de l'agence, ici présent, qui me contredira –, mais il nous faut optimiser les moyens engagés pour garantir ses capacités d'intervention.

Je souhaite que le nouveau conseil d'administration de l'Agence me fasse des propositions avant l'été pour savoir comment utiliser le plus efficacement possible les ressources actuelles au service de missions essentielles.

Monsieur Élie Aboud, vous m'avez interrogée sur l'implication des associations d'usagers : vous avez parfaitement raison d'en souligner l'enjeu. Il y a une vraie nécessité d'impliquer les professionnels, mais aussi les patients à travers les associations dont les membres ont été eux-mêmes formés et qui peuvent s'impliquer dans notre système de santé, dont le fonctionnement se retrouverait ainsi amélioré, grâce à une dynamique démocratique et citoyenne.

Nous n'avons rien à craindre, mais tout à gagner, en nous unissant à ces associations. En cas de difficulté ou de crise, nous pourrons ainsi nous appuyer sur des relais importants, ne serait-ce que pour ne pas effrayer inutilement la population ; c'est un risque auquel on est toujours confronté en matière de sécurité sanitaire. Nous l'avons encore vu à l'occasion des débats sur la pilule : il faut alerter sans effrayer, alerter sans alarmer, pour reprendre une formule que j'emploie volontiers. Nous devons évidemment alerter, parce que c'est une obligation, mais nous ne devons pas susciter une inquiétude plus grande que celle qui s'impose : pour cela, nous avons besoin des relais existant dans la société.

Nous avons également besoin des relais parmi les professionnels de santé. Le rôle des pharmaciens, monsieur Barbier, est tout à fait essentiel. Je n'ai pas voulu minorer leur rôle, même si vous êtes ici comme député et non comme représentant des pharmaciens ; leur rôle est évidemment important, tout comme celui des professionnels de proximité.

Comme le disait M. Hutin, la restauration de la confiance passe par la confiance qui sera donnée aux professionnels de santé. À l'occasion de la « crise de la pilule », c'est parce que nous nous sommes appuyés sur les professionnels de santé – généralistes, spécialistes et pharmaciens –, que nous avons pu mettre en place un dispositif qui réponde de manière efficace aux préoccupations des femmes. Il faut effectivement restaurer la crédibilité de la parole publique, sérieusement entamée au cours des dernières années. Cela n'est pas facile, car il existe une défiance à l'égard de tout ce qui vient des pouvoirs publics ; raison de plus pour être transparents et ne pas cacher les risques ou les éventuels doutes. C'est la condition sine qua non de la crédibilité.

Je terminerai en disant à M. Jean-Louis Touraine que la formation initiale, comme la formation continue, est un enjeu important. Il s'agit de voir comment nous pouvons améliorer la formation des étudiants – c'est un débat que j'ai déjà engagé avec la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Pour ce qui est de la formation continue des médecins, j'ai indiqué que, dans le cadre de la mise en place du développement professionnel continu, les enjeux de pharmacovigilance devraient être l'une des priorités : aux opérateurs de s'en saisir.

Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie pour la qualité du débat que nous avons eu cet après-midi, sur un sujet majeur pour la sécurité et la santé de nos concitoyens. (Applaudissements sur tous les bancs.)

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